Prologue

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Le soleil était haut dans le ciel et réchauffait le dos d’un enfant couvert par une légère tunique. En attendant d’être suffisamment âgé pour apprendre à se battre, le petit bonhomme était concentré sur un ennemi imaginaire qu’il lacérait de son épée en bois. Il ponctuait chaque coup par un cri trop faible encore pour effrayer le moindre adversaire.
Sitalkès se battait sous les coups d’œil réguliers de sa mère, occupée à préparer une galette pour leur repas. A ses côtés était assise une enfant âgée de quelques années de plus, qui portait un bébé dans ses bras, sans prêter trop d’attention à son cadet, bien trop bruyant à son goût. Le poupon, enroulé dans des langes, jouait maladroitement avec le collier de sa sœur. Le délicat bijou représentait un dragon finement sculpté qui venait s’enrouler autour de son cou à la manière d’un torque.
La famille habitait une maison en pierre entourée d’un petit potager et d’un enclos dans lequel paissaient quelques chèvres, loin des autres habitations. A quelques centaines de mètres résonnait l’agitation de la ville de Sarmizegetusa, chef-lieu des tribus Daces réunifiées par le Roi Décabale, qui s'étendait entre les monts de la Dacie.
Le jeune garçon fit mine d’achever son ennemi avant de revenir triomphant vers sa mère.

— J’ai gagné, mère. J’ai libéré notre peuple des romains et vengé mon père. Suis-je un héros ?
— Bien-sûr. Tu es notre petit héros.
— Je ne veux pas être petit, je veux être un guerrier ! Le plus puissant de tous les temps.
— Il faut accomplir des exploits pour être un héros, protesta sa sœur d’une voix vive.
— Mais c’est ce que j’ai fait !
— Il faut battre de vrais ennemis et accomplir des tâches, pas couper de l’air, argumenta-t-elle en haussant les épaules et se détournant vers la mixture que préparait sa mère.

Cette dernière écoutait ses enfants se disputer avec un léger sourire aux lèvres. Le visage fatigué par le travail, elle n’en restait pas moins une belle femme aux longs cheveux blonds et aux yeux aussi bleus que le ciel.

— Comment devient-on un guerrier, mère ?

Aëlig sourit tristement face à la question de son fils aîné. Elle avait toujours reconnu en lui une âme de combattant, prêt à se mesurer à plus fort que lui pour protéger ceux qu’il aimait. Mais cette qualité, aussi belle soit-elle, finirait un jour par lui amener des ennuis.

— C’est simple, il faut d’abord être soldat, affirma la petite fille d’une voix sûre.
— Non, Néra. Ce n’est pas aussi simple que cela. Asseyez-vous, les enfants. Être soldat c’est prendre les armes et se battre pour la tribu. Mais être un guerrier c’est différent. Un guerrier prend les armes pour protéger les siens. Il défend ses terres, sa famille et ses amis avec autant de bravoure que s’il se battait pour sa propre vie.
— Et s’il perd ça veut dire qu’il ne les aimait pas suffisamment, affirma t-il
— Sitalkès, mon fils, il faut que tu comprennes que la grandeur d’un homme ne se mesure pas à la force de son épée ou des monstres qu’il vainc, mais bien à sa capacité à rester debout quand il a envie d’abandonner et que tout semble perdu. Lorsque le monde autour de toi semble brûler de flammes dévastatrices, regarde ceux que tu aimes. Ils te guideront à travers le brasier. Tous ne se relèvent pas mais ce ne sont pas les morts qu’il faut blâmer : c’est ceux qui les ont tués et se détournent sans un regard, laissant un sillon de sang dégouliner derrière eux.
— Il suffit de s’éloigner de ses ennemis alors.
— Ce n’est pas aussi simple. L’ennemi peut être partout. Celui qui te tend la main n’est pas forcément ton ami et celui qui te menace de son épée ne veut peut-être pas se battre contre toi. C’est là l’équilibre du monde.
— Alors les monstres peuvent être cachés parmi les hommes?
—Oui. Et ce sont souvent eux, les monstres les plus dangereux et cruels.

Sitalkès prit un instant pour réfléchir aux propos de sa mère. Son attention fut détournée par l'ombre de deux oiseaux blancs qui volaient au-dessus de lui et après un rapide moulinet de son épée, il la brandit vers le soleil et dit d'une voix forte, le visage grave rivé vers l’astre brillant : « Un jour, je me battrais sans relâche. Un jour, j'affronterai les monstres les plus terrifiants et je serai le plus grand guerrier que le monde entier ait jamais connu ».

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