MOI QUAND JE ME REINCARNE EN CHIEN

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  Il était une fois, dans les royaumes perdues du Continent Oublié, un jeune homme qui rêvait de devenir chevalier mais qui malheureusement n'était qu'un simple paysan. Heureusement pour lui, un jour, le roi de son pays passa près de la ferme dans laquelle il vivait avec sa famille: son père, sa mère, sa petite sœur, et son petit frère. Il était l'aîné. Ses parents attendaient encore un enfant. Il était coutume à cette époque de faire nombre d'enfants tellement les terres des royaumes se voyaient gigantesques et dures à entretenir. Elles paraissaient sans fin.

  Quand le roi passa à côté de lui, il fut surpris de découvrir un pauvre paysan avec une telle taille et musculature. Pour le décrire en un seul mot aux yeux du roi, il lui était imposant. Si notre personnage se présentait comme telle c'était par sa polyvalence. Il soutenait plus que quiconque sa famille et pour lui, il n'y en avait rien de plus important. Il se sacrifiait aux yeux des siens pour faire les tâches les plus épuisantes, dangereuses. On pouvait par ailleurs observer de nombreuses cicatrices par ci et là, dues à ces nombreux efforts.

  Le roi, toujours sous le choc, partit voir le père de cet enfant. Père qui, le remarqua-t-il, ne ressemblait quasiment point à son fils. Il se nommait Argon, son fils Hadrien. Son fils venait à peine de fêter dans la semaine son dix-huitième anniversaire. Il en donnait bien cinq de plus.

  Le seigneur, intéressé par l'enfant en question, demanda au père combien il pouvait le lui acheter. Le père refusa directement, sans vouloir en demander le prix.

  “Les liens du sang sont trop forts, mon seigneur" disait-il. "On ne peut séparer l'un de nous des autres.”

  L'homme, étonné qu'on ne lui ait refusé une telle offre, demanda au fermier ce qu'il voulait en échange de son fils.

  “Je ne veux rien en échange de mon fils, mon ami", lui répondit-il. “ Si vous v'lez mon garçon, je veux que vous preniez soin de lui comme si s'en étiez le vôtre, qu'il soit nourri, lavé et logé.”

  L'homme d'affaires qui ne s'attendait pas à ça, se voyait abasourdi.

  “Que... Quoi…”, bégaya-t-il avant de jurer. “Je vous le promets”.

  Et ce fut ainsi que le chef du royaume prit le fils du fermier sous son aile. Celui-ci, qui rêvait depuis sa tendre enfance de partir à l'aventure, loin des terres de ses parents, vit son rêve assouvie. Malheureusement pour lui, cela n'allait pas être une véritable partie de plaisir. Il fut soumis, une fois arrivé au château, à de nombreuses épreuves et travaux pour le rendre le plus fort possible, car comme le voulait le roi, Hadrien devait intégrer la garde personnelle de sa fille. Sa musculature et son intelligence, pour le plus grand plaisir de chacun, se développa à une vitesse hallucinante. Hadrien était incroyable ! Jamais il n'abandonnait, il n'aimait pas rester sur une défaite. Il voulait par-dessus tout, avancer et devenir le meilleur. En tout cas, cela était son profond objectif jusqu'à ce qu'il rencontre la princesse en question, celle pour qui, si il le fallait, il devrait sacrifier sa vie, celle qu'il devait protéger.

   C’est quand il la rencontra, que dans un stress intense, il tomba violemment amoureux d’elle. Enfin il le croyait, le ressentait, en était sûr. C’était la toute première fois qu’il ressentait cela pour quelqu’un. Enfin ce quelqu’un n’était pas n’importe qui aussi, mais jamais, auparavant, un tel sentiment avait déchiré tout son être. Il en avait mal au cœur, il en devenait lourd. Hadrien sentait son coeur battre à toute vitesse, son visage rougir, son corps se réchauffait.

   Au bout de cinq ans d'entraînement, il remplit et finit toutes les épreuves et entraînements que le roi lui avait assigné. Durant ce laps de temps, le riche homme avait, comme promis au père de l’actuel futur chevalier, pris soin de lui, allant jusqu’à même lui accorder des appartements dans l’aile Est du château, là où il logeait lui-même avec sa propre famille.

  La princesse, maintenant femme, avait, selon le roi, l’âge de se marier. Il recherchait dès lors des prétendants au trône avec comme idée prioritaire de donner sa fille à quelqu’un en qui il avait la plus extrême et grande confiance. Cette personne n’était autre que Hadrien.

  “Malheureusement pour moi, il fait partie du bas peuple”, réagit-il. “Cela ne peut donc pas se produire”.

  Le roi n’avait pas tant que ça d'amis, qui avait donné naissance à des fils de la même génération que sa fille. Ils en étaient tous trop jeunes. Le vieil homme, ne connaissait qu’un homme qui avait un fils né de la même pluie que sa fille. C’était l’homme le plus détesté de tout le continent. Il se nommait Alfred “Le Rouge”. “Le Rouge” car c’est la couleur du sang, et qu’Alfred n’hésitait jamais à verser le sang contre quiconque le menacerait de loin comme de près.

  Alfred espérait grandement dans sa forteresse noire marier son fils à la princesse du royaume voisin, le royaume du Temps, pour pouvoir agrandir son pouvoir et ses influences. Le roi Alfred ne manipulait que trop bien son enfant unique, légitime, pour arriver à ses propres fins. Ce fut quand il eut appris le refus du roi de marier sa fille à son fils, préférant finalement qu’elle se marie avec un roturier qu’Alfred se mit en colère. Il bouillonnait de rage. On aurait dit un volcan. Un volcan qui s’apprêtait à exploser, à n’importe quel moment. Le roi rouge en appela donc à Raine Mortem, célèbre sorcière crainte de tous les royaumes pour sa dangereuse magie noire. Elle aurait, selon les légendes, découvert la recette pour confectionner le sérum de l’immortalité.

  Passant un accord avec elle pour obliger le mariage entre la fille du roi, Kata et son propre fils, Vlacas, la sorcière agit le lendemain sur le protégé du roi, qui se vit disparaître devant les yeux de tout le monde, dans une tornade gigantesque, durant un épisode orageux qui fit jusqu’à en trembler la terre, la fissurer. Il ne savait comment il avait fait pour atterrir dans cette tornade mais il pouvait confirmer que cela n’était pas un simple rêve. Il était bel et bien perdu entre les ondes d’air qui la composaient.

  Il vit quelqu’un au centre de la tornade. C’était la sorcière. Ne la connaissant pas, il tenta comme par la nage d’entrer au milieu de la bourrasque de vent, réussissant à s’en approcher. C’était soit cela, soit il se faisait expulser dans les cieux par celle-ci. Passant le mur tout en volant, il atterrit bien étonnamment sur ses deux jambes. La sorcière prononçait des mots qui lui paraissaient totalement inconnus voir incompréhensibles. Hadrien ne comprenait pas face à qui il se trouvait, que cette femme-là était son ennemie. Il s’approchait toujours plus, tentant toujours de communiquer avec elle. La sorcière, pour seule réponse, sortit un flacon de sous sa cape. Le flacon contenait un liquide identifiable, un liquide violet. Reculant pour prendre de l’élan, Raine Mortem lança le flacon sur Hadrien, qui se brisa sous la puissance du choc contre son armure. Cet étrange liquide coulait le long de l’armure d’Hadrien, s’écoulant également entre les mailles de son chevaleresque habit, s’éclatant sous forme de petites gouttes contre le sol. Il se sentait bizarre, son cœur battait si fort qu’il avait l’impression que celui-ci pouvait exploser à tout moment. Il continua de s’avancer vers la femme, la suppliant de lui expliquer ce qui lui arrivait et peut-être ainsi, le sauver.. La sorcière ricana grassement avant de disparaître dans une danse d’éclair doré qui prit la forme seulement quelques instants de mots: “Si telle est ta détermination, viens me trouver dans les Montagnes Brumeuses” avant de totalement disparaître sur la terre.. Hadrien, quant-à-lui, restait contre le sol, avait la sensation d’avoir la tête qui tournait, la vision trouble, avant de s’évanouir, sous les douleurs du coup.

  Quand il se réveilla, Hadrien se sentit étrange. Il se releva, se souvenant de tout ce qui s'était passé, avant de remarquer qu'il ne tenait que sur quatre jambes au lieu de deux. La sensation qu'il ressentait avec le sol était bien différente de l'habitude. Regardant ses bras, il ne vit que de petites pattes poilues. Surpris, en plus de s'inquiéter pour ce qu'il lui arrivait, Hadrien recula pour tomber sur le dos, marchant sur quelque chose qu'il lui avait fait étonnement mal. Cherchant cette chose, il découvrit une queue. C'était la sienne. Comme ses pattes, elle était blanche, tachetée de gris, brun, et blond.

  D'ailleurs, sans qu'il ne le remarqua non plus, Hadrien ne voyait plus de la même façon qu'avant. Il ne savait quelle couleur il ne pouvait voir mais le gris, le noir et le blanc en remplaçaient d'autres. Cependant, ses yeux en reconnaissaient, comme le bleu ou le violet.

  Se rappelant de son devoir, le chien se dirigea vers le château. Ne le reconnaissant point sous cette apparence, les gardes tentèrent de lui bloquer la route, mais par sa souplesse ainsi que sa rapidité, il passa in extremis au travers de leur barrière.

  Se remémorant le plan de la forteresse, il connaissait parfaitement le chemin qu'il devait entreprendre. Seulement, ce qui lui était encore étrange était ce point de vue si bas. Les armures et tapisseries décorant les longs couloirs et les grandes salles, paraissaient si grandes maintenant, alors qu'en réalité, c'était lui qui paraissait si petit. Toujours poursuivi par ces hommes qui étaient autrefois ses compères, il atteignit aisément la salle du trône, dans laquelle le roi se reposait, épée à la main, sur sa chaise, au bout de la table de banquet.

  “Cela ne peut pas être possible”, pleurait-il. “Comment Hadrien aurait-il pu mourir durant cette subite tempête. C’était l’élu des dieux ! Il était unique, je l’aimais comme un fils. Ma fille l’aimait beaucoup aussi. Sa mère et moi, aurions bien aimé le marier à notre fille… Si seulement il avait survécu. Maintenant je n’ai plus aucune raison de refuser la demande du roi Alfred. Je suis sûr que la disparition de mon héros est d’une manière ou d’une autre, causée par sa faute à lui ! Je suis sûr qu’il est derrière tout cela, oh le traître ! Oh le sale fripon !”

  Se relevant, notre roi frappa la table de son épée, brisant l’assiette ainsi que les couverts qui reposaient devant lui. La carafe à vin en métal bascula par terre pour que son contenu s'écoule sur le sol dessiné de pierres. Il n’aperçut que trop tard, plongé dans son chagrin, la présence d’un chien, quand il en vit ses hommes sauter sur l’animal, enfin capturé. Le roi, troublé par ce chien, demanda à ce que l’on le mène jusqu’au chenil, un petit bâtiment dans la cour où reposaient tous les autres chiens, pensant qu’Hadrien était un de ses animaux qui par hasard, avait réussi à s’enfuir.

  Refusant de se faire enfermer, Hadrien se débattit dans les bras des soldats, qui tentèrent de le frapper à plusieurs reprises, avant qu’il ne décide à montrer les crocs, pour ainsi dire les mordre, tout en grognant méchamment. Quand, sous la douleur, le garde le lâcha, il s’enfuit du château en passant par le pont-levis. Après une bonne dizaine de minutes de course, il s’arrêta devant un ruisseau, sûr que personne ne pourrait le rattraper.

  “Je sais quel est mon objectif maintenant”, pensait-il. “Je dois retrouver la femme de la tempête, et retrouver mon corps pour sauver mon royaume”.

  Buvant de l’eau, il put pour la première fois, admirer son reflet sur dessus.

  “Je ressemble vraiment à un chien“, conclut-il tristement.

  Reprenant sa route la tête vers le bas, d'un air triste, il marcha sur le bord de la route, en direction des Montagnes Brumeuses, qui se formaient derrière le royaume ténébreux d’Alfred, espérant remplir sa quête au plus tôt, pour de nouveau retrouver la princesse qu'il aimait tant.

  Le roi Alfred et son fils, Vlacas, riaient à grands éclats durant ce banquet. Pour dire, ils étaient plus fiers et heureux que leur plan ait fonctionné que n’importe qui aurait pu l’être. Si heureux qu'ils s'en exprimaient un peu trop au travers des boissons emmagasinées dans leur estomac respectif. C'était un grand banquet qu'ils avaient préparé là, un banquet dans lequel chaque seigneur du royaume du roi, dînait. Ils en étaient tous surpris, cela était peut-être la première fois qu'Alfred les invitaient à manger pour fêter une quelconque chose qui leur était alors inconnue, cela en serait sûrement la dernière. Le roi était égoïste, narcissique et égocentrique. Son fils n'arrangeait pas leur duo. Ils ne se doutaient cependant pas que leur ennemi, tant inconnu à leurs yeux si ce n’est qu’ils ne l’avaient jamais vu, avançaient droit en direction de leur royaume.

  “À notre royaume !” lança Alfred tandis qu’il buvait et piochait de la viande de poulet dans son assiette.. “À ma descendance !”

  La fête dura toute la soirée ainsi que le lendemain et le surlendemain même. C’était du jamais vu pour les pauvres bannerets qui en devenaient au fur et à mesure plus confus les uns que les autres. Quand ils voulaient demander au roi pourquoi une fête si grandiose avait lieu au château, il ne leur répondait tout simplement: “Eh bien c’est parce que j’ai vaincu l’ennemi du futur trône de mon fils, et qu’ainsi, le roi du Temps ne pourra pas refuser le mariage avec mon fils.” Ce qui semblait ne pas les aider davantage à comprendre le sens de tout cela. De plus, ils n’avaient pas eu vent d’un combat, d’une bataille ou d’une guerre. Ils en restaient perdu. Au bout du troisième et dernier jour de fête, les chevaliers du roi durent contre ses espérances, refusaient de continuer la fête, devant plus que jamais retourner dans leurs terres pour les administrer. Le roi était déçu mais comprenait leurs situations respectives, mais ne se doutait pas que tout cela était pour s’éloigner rapidement d’Alfred et de la capitale, qui se dessinaient de plus en plus comme un monde de fous.

  Peu après leurs départs, le père alla voir son fils qui continuait de trinquer seul, autour de la table maintenant vide. Prenant le verre de son fils, il l’éloigna:

  “ Cela ne sert à rien de te saoûler ainsi si tu ne peux voir cette victoire décisive de tes yeux lucides. ”

  “ Oui père, veuillez me pardonner ”, s’excusait-il en se redressant sur sa chaise taillée dans un bois massif.

  L’homme s’éloigna en direction des portes de la pièce, où des gardes postés, en surveillaient l’entrée, contrôlant les allées et venues de chacun.

  “ Mon fils, vois-tu, commença Alfred. Il ne nous reste plus qu’à attendre une missive du roi du Temps, s’excusant et nous suppliant, pour te marier à sa fille, et nous emparer de leur royaume.”

  Vlacas leva son verre à son père qui, dans un dernier regard plein d’ambition, quitta la pièce sans plus dire mot.

  Hadrien continuait son voyage. Il s’était déplacé le long du lit de la rivière, pensant être bientôt à la moitié de son chemin. Si le jeune homme réincarné en chien avait décidé de faire ce choix, c’était pour ne point rencontrer du monde et ne point aussi se faire capturer par quelques anonymes chasseurs qui régissaient la région du bout de leurs fusils. Il espérait tant pouvoir retrouver son ancien corps mais trouvait cependant celui-ci plutôt pratique d’utilisation et simple. Il en était d’ailleurs pour lui peut-être moins fatiguant qu’un corps humain, ayant en quelque sorte un surplus de liberté. Sous cette forme, personne ne viendrait l’embêter ou l’obliger à faire quoi que ce soit.

  Hadrien ne le remarquait pas encore mais le liquide qui l’avait transformé en animal possédait également d’autres propriétés qui ne lui étaient pas apparues ou du moins, il ne les avait pas aperçu ; celui dont je vous parle est la perte de mémoire. Si notre jeune chevalier ne redevient pas humain dans l’année qui suit, il deviendra totalement animal et perdra toute son humanité, plus ou moins à son gré ; mais ça, il ne pouvait le savoir ni complètement s’en douter sauf si il en ressentait les premiers symptômes mais il était encore bien trop tôt pour cela. Hadrien marchait de jour comme de nuit ; il ne ressentait pas énormément de fatigue et la détermination qui sévissait son esprit suffisait complètement à le tenir éveillé. Il était si concentré que rien ne pouvait le détourner de son but. Il s’était d’ailleurs habitué à son étonnante sensibilité des sens. Les odeurs lui paraissaient maintenant plus fortes, plus profondes, et son ouïe était si sensible qu’il pouvait entendre des bruits provenant d’extrêmement loin tout autour de lui. Il entendait les petits oisillons dans les arbres incessamment piailler. Sa vision était aussi différente. Hadrien ne différenciait maintenant plus le rouge, le jaune et le vert tandis que le bleu et le violet lui apparaissaient d'une étrange de manière.

  “Finalement se mettre dans la peau d’un chien aide à mieux le comprendre”, pensait-il.

  Il continua son chemin à côté de la rivière tout le restant de la journée. Cette nouvelle routine dura quasiment une semaine ; il ne s'en lassait pas. Le jeune homme devenu chien se demandait seulement quand il allait arriver. Les Montagnes Brumeuses au loin apparaissaient maintenant dans son champ de vision malgré la lourde distance qui les séparait mais il pensait qu'il lui restait tout juste trois jours de marche avant d'arriver à leurs pieds.

  Non loin du pied des montagnes avait été construit un village. Le village était certes ancien mais perdurait toujours dans le temps. Il n’était cependant pas une capitale régionale de son pays malgré son importante économie et sa croissance. Le village s'étendait des deux côtés de la rive, la rivière le tranchant en deux. Il tirait principalement ses revenus de la pêche ainsi que des récoltes annuelles de leurs terres. Il possédait également du bétail mais qui ne rapportait que trop peu, utilisé à sa propre fin.

  Hadrien était affamé. Son ventre gargouillait ; il avait envie de manger de la viande. Il était maintenant un animal totalement carnivore et il avait beau tenter de manger de la verdure, cela ne lui suffisait plus. Cela ne suffisait plus à calmer son appétit vorace. S' il tentait de contenir cette dangereuse envie en lui, cela était grâce à de grands efforts. Le jeune chien se rapprocha du fleuve qu’il suivait depuis maintenant bien longtemps pour s’y désaltérer. Après ce court repos, il s’élança dans les bois pour faire le tour du village mais ne s’attendait pas à ce que même Mère Nature soit contre lui : Le vent n’étant pas à sa faveur, il amenait à son fin odorat toutes les odeurs provenant de la civilisation. Il sentait des odeurs de viande qui cuisaient au feu, l’odeur du pain frais sorti du four, l’odeur des animaux dans les prés, etc… Hadrien n’en pouvait plus, il laissa son instinct animal prendre le dessus sur sa conscience humaine et s’élança directement, sans autre pensée que son gigantesque appétit dans le village, pour y voler la nourriture.

  Il était aussi discret qu’un renard, passant inaperçu aux yeux de tous. Enfin il se déplaçait stratégiquement pour que personne ne puisse le voir ni même le capturer. Si cela venait à venir, il ne pourrait jamais revenir à son état normal, ce qui voudrait dire qu’il devrait abandonner la princesse à tout jamais ainsi que son royaume et sa famille. Se rapprochant d’une petite maison où l’odeur de la nourriture l’attirait, il entra dans la propriété aisément, passant entre les planches de bois qui formaient une fine et légère barricade. Faisant le tour dans le jardin non entretenu, il trouva une fenêtre ouverte par laquelle après une longue préparation à un saut, dans un grand élan, il passa, entrant dans un grand fracas dans la maison. Heureusement pour lui, elle était vide. Les propriétaires devaient travailler à cette heure-ci. Hadrien avait atterri dans une chambre. Cela devait être celle d’une enfant vu le nombre de jouets en bois qui y traînait par terre. Se déplaçant tout en évitant de marcher sur les jouets éparpillés par-ci par-là, il arriva dans les pièces suivantes pour finalement atteindre la cuisine. Sur la table de cette pièce, il découvrit de la viande séchée ainsi que du pain frais, recouvert par un fin torchon pour les préserver de l’environnement ambiant. Le jeune homme n’hésita pas une seconde, se lança dessus pour manger ce qu’il avait trouvé en moins de quelques minutes. Enfin il ne mangea pas tout, pas même la moitié de ce qui se trouvait sur la table, sinon il savait trop bien qu’il ne pourrait plus marcher et que la nourriture pesante allait lui donner du sommeil. Ce fut quand il voulut partir qu’il remarqua qu’il ne pouvait ressortir de la maison, il n’arrivait pas à atteindre la pauvre fenêtre de la chambre. Malheureusement pour lui, aucune autre n’était ouverte. Hadrien n’eut cependant pas beaucoup de temps à patienter car une femme entra bientôt dans la maison portant dans ses bras un enfant. Que ne fut pas sa peur quand elle découvrit un énorme chien en face d’elle, dans sa maison. Dans un hurlement, elle recula, resserrant son enfant contre sa poitrine. Hadrien sortit rapidement, fuyant dans les rues du village tandis que de nombreuses personnes commençaient à accourir dans les rues. Il aurait beau tenter de communiquer avec ces gens, ils ne l’aideraient point et tenteraient plutôt de le chasser au travers de toute la campagne. Le chien réussit à sortir de ce village comme il en était rentré, reprenant la grande route vers la montagne.

  Le roi avait arrêté de se lamenter, il n’en avait plus la foi, il était fatigué.

  " A quoi bon pleurer un être que je suis sûr de ne pas revoir ? ” Se questionnait-il en tentant de se convaincre que son fier chevalier était bel et bien mort, même s' il en avait du mal à croire les mots qui sortaient de sa propre bouche.

  Seul l'alcool réussissait à le consoler. Bien entendu, cette conduite était plus que tout puérile et déraisonnable. Il le savait, s'imaginant que là où ils étaient, ses ancêtres avaient grandement honte de lui si ce n’était qu’ils en ressentaient du désespoir. Sa fille quant-à-elle, faisant face à ses sentiments, relevait doucement sa tête sur le bord de la fenêtre de sa chambre. Ses cheveux bruns, devenus blonds au Soleil, s’envolaient au gré du vent. Ses yeux verdoyants comme les gigantesques forêts enchantées au printemps comme en automne, laissaient s’échapper des iris quelques reflets roses. Kata songeait longuement à ce qu’avait pu devenir son chevalier, et si il était tout bonnement vivant. Elle évitait de penser à une mort prématurée. Pour la princesse, elle ne pouvait se marier avec une autre personne que lui, Hadrien. Mais elle savait trop bien que son père n'attendait pas une annonce “officielle” de la mort du jeune homme, et que malgré son intense chagrin, il prononcerait un choix et n'hésiterai pas à choisir le seul prince du continent qui puisse épouser selon les traditions et l’âge, la princesse du Temps : Vlacas, fils d’Alfred le Rouge, ignoble seigneur du Nord. Elle ne le voulait pas, prête à mettre le voile religieux si il le fallait, pour empêcher ce malheureux mariage de se réaliser.

  Kata savait que quelque part dans ce monde, son cher et tendre l’attendait ; enfin elle l’espérait. C’était comme si elle se sentait reliée à lui par une sorte de fil qui lui disait cette vérité. En tout cas, c’est ce qu’elle voulait croire.

  Alfred s’assoupissait sur son trône taillé dans le bois. Attendant avec impatience une missive du royaume voisin qu’il en devenait irritable, il voyait déjà son pouvoir sur le continent doublait, en souriait. A ce moment-là, plus personne n’oserait s’opposer à lui et petit à petit, il allait soumettre tous les autres royaumes à sa dominance. Le sang dans ses veines en bouillonnait. Son ambition n’avait pas de limite ; il était tel un ogre avec une faim surréaliste que personne ne pouvait arrêter à moins de proprement le tuer. Seulement, personne n’avait la trempe de lui faire face. A sa seule carrure, tous le fuyaient, alors si on mettait en avant son caractère, cela empirait grandement la situation. Son fils quant-à-lui était toujours aussi sot. Le proverbe disant qu’on ne change pas une équipe qui gagne disait sûrement vrai. On ne pouvait changer cette implacable équipe si mauvaise. Ce qu’ils ne savaient pas et ne pouvaient se douter dans leur total aveuglement était qu’Hadrien, était dans leur royaume, en direction de la maison de Raine Mortem si bien entendu, il réussissait à monter au sommet de la montagne.

  Pour l’instant, Hadrien ne venait que trop tôt débuter son ascension sur les Montagnes Brumeuses. Comme leur nom l’indiquait, de la brume était répartie tout autour de celles-ci, rendant le voyage plus ou moins dur, cachant la route aux yeux du chien. Cette chaîne de montagnes était principalement composée de roches diverses, qui aux coussinets de l’ancien chevalier paraissait chaude. Ce n’était pas à cause des températures ni de la saison mais tout simplement, il coulait sous l’épaisse roche de la montagne, des veines de lave en fusion ; mais lui ne pouvait le voir. La montagne qui se dessinait jusqu’à presque au-delà des nuages était en fait un volcan endormi, d’où son constant camouflage fait de nuages.

  Hadrien continuait son avancée sur les chemins escarpés, depuis très longtemps inutilisés. L’herbe y avait repoussé malgré des restes de pavés sur la terre. Une vieille légende racontait que ces lieux à l’époque détenaient les terres les plus fertiles de tout le continent mais l’apparition d’une espèce animale tout aussi gigantesque que dangereuse avait fait fuir les populations locales qui, depuis leurs départs, n’étaient pas revenues. Ces animaux avaient selon les dernières rumeurs, fondés leurs nids en superposition des villages. Ils étaient décrits comme d’immenses oiseaux recouverts d’écailles, avec une queue aussi imposante que le reste de leur corps. Selon les plus croyants descendants de ces anciens habitants, l’apparition de ces créatures était une punition divine ; pour punir l’avarice et l’orgueil dont ce peuple avait fait preuve par leurs biens et leurs richesses respectives.

  Le jeune homme marchait comme à l’habitude, sans ressentir de fatigue. Cela commençait à en devenir inquiétant. Cela était-il un effet secondaire de la potion ou tout simplement une détermination trop grande qui palpait ses yeux d’une scintillante lumière verte. Cette marche cependant lui semblait s’éterniser ; cela faisait combien de temps qu’il voyageait, une semaine ? Un mois ? Un an ? Qui sait. Il ne connaissait que trop peu la réponse à cette question, elle lui manquait. Il ne différenciait d’ailleurs plus les jours qui passaient. Ils lui semblaient tous les mêmes. Mais il continuait cependant à marcher car telle était sa mission : retrouver forme humaine et sauver son royaume. Il lui faudrait encore plusieurs heures avant de pouvoir enfin atteindre les sommets de la montagne. Hadrien allait les parcourir sans trop d’inquiétude, il le savait, il en était certain. Le chien marcha plusieurs heures. Il commençait à ressentir de la faim. Le sommet se dessinait devant ses yeux fins, vifs. Il posa une première patte sur la terre qui composait le summum de cette montagne. L’herbe bien verte y poussait énormément. Elle se faisait balayée par une fine brise, en rythme comme les vagues d’eau salée qui viennent fouetter les côtes du Continent. Sur les plantes reposaient, placé un peu hasardeusement, de nombreux rochers semblaient être anthropomorphes : ils ne ressemblaient certes pas à des humains exactement mais l’assemblage de leurs formes grotesques et disproportionnées en donnaient l’impression. Hadrien trouvait ça impressionnant mais il ne pouvait se douter que les créatures endormies, recouvertes d’herbes et constituées de rochers pouvaient être à coup sûr des golems. Ces géants surnaturels que l’on n'avait pas vu depuis plusieurs siècles eux-aussi. Cela donnait l’impression que la disparition de ces animaux légendaires était survenue au même moment, pour la même raison ; mais on ne pouvait savoir laquelle.

  L’ancien chevalier continuait son chemin en silence sans faire le moindre bruit dans les herbes, ne réveillant pas ainsi, les représentants de cette espèce endormie. Les sommets de les montagnes étaient tous reliés entre-eux pour donner naissance à un cheminement précis qui permettait de voyager sur chacun des pics. Heureusement pour lui, les cimes faisaient bien moins de la moitié d'une lieue. Il s'avança sur le pont de bois et de liane, sur lequel il manquait quelques planches, ce qui était très peu rassurant ; mais il fallait. Il le savait.

  Il traversait les ponts dangereux et instables sans plus de difficulté que ressentirait un enfant à se déplacer. Cela paraissait certes étrange mais son nouveau corps l’impressionnait de plus en plus. Le corps animal était construit bien différemment de celui des hommes. Sa musculature n’avait d’ailleurs absolument pas changé. Elle n’était pas si imposante que cela mais gardait tout de même une sorte de beauté, recouverte sous ses poils épais, se dessinant au moindre mouvement.

  Sur les nombreux monts immaculés d’herbes, et de neiges pour quelques rares d’entre-eux, reposaient ces fameux étranges rochers humanoïdes, couché, dormant contre terre depuis maintenant tellement de temps qu’ils fusionnaient avec la nature qui les entourait, ne formant qu’une seule entité avec leur environnement. Les ponts malencontreusement, mettaient notre héros de plus en plus en danger par le manque d’utilisation et d’entretien des ponts ; ils se détérioraient. Les lianes pour certains avaient perdu toute leur fermeté tandis que de nombreuses planches où poser ses pieds pour avancer, manquer quand elles n’étaient pas recouvertes de pourriture. La chaîne de montagne semblait sans fin. Hadrien n’eut pas de mal à continuer à avancer, devant parfois littéralement descendre des monts pour les contourner, quand les ponts lui semblaient trop usé pour les traverser. Après avoir traversé plus de quatre lieues, le chien atteint enfin un village.

  “ Ces montagnes ne sont pas si inhabitées que cela ” pensa-t-il.

  Ses babines retroussées par la fatigue, laissaient s’écouler de la bave. L’ancien chevalier s’élança, rempli d’espoir. Il ne pouvait pas abandonner si près du but. Il commençait à peine à ressentir la fatigue inonder son corps, rendant ses mouvements extrêmement épuisants. De plus, une faim extrême lui tiraillait le ventre. Marchant dans les rues, il lui semblait que le village était vide, et possédait en quelque sorte un aspect glauque. Cet aspect qui le rendait encore bien plus intriguant. Les maisons étaient vieilles, abîmées voire brûlées ou détruites. Il n’avait pu apercevoir ce détail de l’extérieur ou de l’entrée de la cité par la brume qui régnait sur les lieux. La plupart des bâtisses laissaient leurs portes grandes ouvertes, quand elles n’étaient pas complètement décrochées du mur, écrasée par terre en plus d'être recouvert par une faible verdure et une tonne de poussière. Hadrien se dirigea vers ces maisons ; y entra. Comme le jeune homme le pensait, il n'y avait personne ; personne sauf de rares squelettes parfois ou simplement des vieux restes de nourritures depuis longtemps immangeables. À cela s'ajoutaient de nombreux autres objets tels que des assiettes, couverts ou encore coffres, habits, lits. Le lieu était présenté comme si toute sa population l'avait quitté la veille en un simple claquement de doigt, laissant tout derrière elle.

  Le chien traversa le village jusqu'à remarquer d'immenses entassements de branches d'arbre. Il y en avait beaucoup ; étaient disposés hasardeusement pour former des cercles. A l’intérieur de ces nombreux cercles se trouvait la même : des rochers. Ils étaient considérablement grands, bien plus qu’un homme adulte. A leur disproportionnalité s’ajoutait leurs étranges formes qui pour des rochers semblaient surnaturelles. Ils étaient fin au bas pour énormément s’épaissir au milieu et pour s'amincir de nouveau sur le dessus. Ces amoncellements de pierre étaient tout autant recouverts de mousses. Une ombre passa au-dessus d’Hadrien pendant qu’il traversait cet étrange lieu. Elle était beaucoup trop rapide pour lui, il ne put voir à qui elle appartenait. Il ne prit tout de même pas peur et continua son chemin. Il allait bientôt passer l’avant dernier pont et finalement atteindre sa destination. Il croyait en lui et ce qu’il pouvait faire. Seulement, il n’avait pas prévu que les lieux étaient protégés, sous la surveillance de créatures que l’on pensait aujourd’hui disparues : les dragons. Hadrien se mit alors à courir quand il aperçut l’animal planer au-dessus de lui. Il ne fallait ni qu’il l’attrape, ni qu’il le brûle de ses flammes. Le chien traversa donc en vitesse le pont tandis que le monstre plongeait sur celui-ci, ouvrant sa large gueule recouverte d’écailles, qui laissaient sortir de fines, longues et tranchantes dents. L’ancien chevalier esquiva de justesse mais prit tout de même un coup par l’immense animal qui le propulsa en avant, sur la montagne suivante. Son poil gris se teinta légèrement de rouge. Il commençait à ressentir la douleur malgré sa légèreté mais continuait à conserver sa course, l’ignorant. La bête le suivait toujours, déterminé à l’attraper, quitte à le tuer dans sa course.

  Hadrien continuait à s'enfuir, esquivant les coups de son adversaire. Il ne voulait absolument pas se battre contre ce dragon, qui en plus par chance, se trouvait seul face à lui.

  Le chien releva la tête en direction de son adversaire, déterminé à le faire disparaître de sa vue, espérant toutefois comme il n'en était sa seule pensée : ne pas devoir en venir aux pattes.

  Le dragon s'élança dans un plongeon à l'assaut de l'ancien chevalier, les plantes gisantes de la montagne lui chatouillant le ventre. Hadrien esquiva puis dérapant il prit une position offensive avant de plonger droit, directement sur le cou de l'animal fantastique recouvert d'écailles, qu'il mordit, s'y accrochant de toutes ses forces avec sa dure mâchoire d'animal.

  Le rugissement de contrariété et de douleur du dragon fendit l'air, bientôt accompagné par de nombreux grondements provenant du ciel: le tonnerre. La bête s'effondra contre le sol, ayant toujours le jeune chien accroché à son cou, qui ne tarda pas à lâcher sa prise, peu après le choc de l'atterrissage.

  Les deux animaux se firent face, chacun se relevant sur ses pattes faiblement, en tremblant. Leurs yeux se croisèrent et dans un dernier excès de fureur, le dragon balança sa tête en arrière avant d'expulser violemment là où se trouvait auparavant Hadrien, une rivière de feu, qui sous la puissance du coup, atteint les nids de l'animal. S'apercevant de l'erreur monumentale qu'il venait de faire, il se maudit puis s'envola pour tenter d'éteindre les flammes qui brûlaient ses enfants pas encore nés. Des enfants qu'il attend depuis plus de cent ans... Qui si ils ne viennent pas, poussera l'espère des dragons dans un avenir plus ou moins proche, à l'extinction.

  Hadrien profita de la situation pour continuer son chemin, il voyait au loin se dessiner une vieille hutte par laquelle on pouvait observer une douce lumière rougeâtre par les fenêtres de verre. Le chien courait. Il sentait diverses émotions monter en lui, commençant par la joie. À cela s'ajoutaient la fatigue accumulée qui ralentissait son corps ainsi que ses besoins primaires tels que la faim et la soif. Le chien tomba la tête la première, roulant par terre. Il était presque devant la porte de la maison, elle se dessinait nettement juste en face de lui, mais ne pouvait l'atteindre malgré les quelques centimètres qui les séparaient. Hadrien finit par s'évanouir.

  Hadrien se réveillait doucement. Il ne savait combien de temps il était resté dans cet état mais décida tout de même de se relever. Le jeune chien se trouvait dans une maison en pierre. De nombreux meubles s'étendaient le long des murs, sur lesquels il reposait de nombreux bocaux avec à l'intérieur de nombreuses choses plus ou moins identifiables, mais qu'il ne préférait pas vous lister, préférant préserver son public. De fines toiles d'araignées reliaient ses bocaux. On pouvait également apercevoir une lourde couche de poussière occuper de nombreux endroits, qui semblaient être de la neige. Lui était dans un lit humain, une couverture lui recouvrant le bas du corps. Il ne pouvait voir à quoi ressemblait la sorcière, il la voyait seulement de dos, au-dessus d'un chaudron.

  Hadrien sortit du lit, se jetant par terre. Il marcha délicatement sur le pavé de pierres fraîches, arrivant aux côtés de la sorcière. Il aboya.

  " Tu es donc réveillé, souffla-t-elle. Ce que je prépare actuellement dans mon chaudron t'es destiné hihihihi. "

  Il ne savait comment lui exprimer sa gratitude ni lui demander le pourquoi du comment elle l'aidait alors que c'était elle, qui l'avait transformé ce jour-là. Il était perdu. De nombreuses questions se bousculaient dans sa tête et il ne savait si il devait prendre au sérieux la sorcière ou si elle essayait encore de lui jouer un mauvais tour.

  " Tu n'as pas à me remercier hihi, lui assura-t-elle. J'ai commis une grave erreur en te transformant en un animal. Je n'aurais pas dû. En faisant cela, j'ai bien changé la destinée hihihi. "

  Elle alla chercher des bocaux qu'elle vida dans son chaudron puis remua avant de reprendre :

  " Je m'étais trompé. Vois-tu, mis-à-part mes connaissances de sorcière, j'ai un don depuis la naissance, celui d'entrevoir les fils de la destinée, je peux voir l'avenir ; et j'ai bien pu voir hihi, que mon acte ne l'ai pas qu'un peu modifié. En me projetant dans cet avenir j'ai pu prendre conscience de mon erreur, et que ce que j'avais demandé en échange de ta transformation à ce vieux scélérat d'Alfred n'arrivera jamais. Une fois ce qu'il désirait accompli, il me trahira et me tuera, ainsi mon rêve personnel ne se sera pas accompli hihi. "

  Elle récita des formules incompréhensible et continua :

  " Ce que j'ai vu dans mes visions, c'était la guerre, le chaos. Et tu es la seule personne à pouvoir empêcher ce désastre d'arriver hihi. "

  Cherchant une fiole qu'elle remplit délicatement du liquide jaune fluorescent qui était entreposé dans le chaudron, elle la tendit à Hadrien :

  " Je t'en prie, bois, le sort du continent tout entier est entre tes mains. "

  Hadrien se sentait bizarre. Il ne savait pas pourquoi mais il le sentait au plus profond de son âme. Le jeune homme ouvrit les yeux, s'asseyant. Il avait retrouvé son corps d'humain. Autour de lui se dessinait une large étendue de sable. Un sable étrange comme il pouvait le remarquer. Il se distinguait par une variété de couleur allant du bleu nuit au blanc. L'ancien chevalier était nu, en face de lui, au loin, flottait ce qu'on appellerait un portail, une brèche.

  L'homme se releva, commença à marcher en direction de celui-ci. Il savait qu'il devait impérativement le traverser si il voulait revenir dans la réalité. Hadrien poursuivit son chemin jusqu'à arriver devant l'objet dimensionnel. Un bruit le surprit à sa droite. Une personne est apparue, formée à partir du sable-même. Il ne connaissait pas le visage de la personne qui lui faisait maintenant face, seulement il appartenait à une femme, qui l'empêchait par ses membres de passer au travers du portail pour rejoindre à nouveau la réalité.

  " Je ne vous laisserai aucunement passer, déclara-t-elle, tant que vous ne me dites pas ce que vous comptez faire dans la réalité. "

  Hadrien la regarda dans les yeux :

  " Ce que je compte faire ? Je compte de ce pas rétablir la justice et la vérité dans mon monde. "

  " Est-ce votre objectif ? " Demanda-t-elle soudainement.

  " Mon objectif me demandez-vous ? "

  La jeune femme fait de sable tendit sa main vers le jeune homme qui l'attrapa, hésitant. De lourdes visions le submergèrent alors, il vit tout ce que lui avait décrit la Raine Mortem plutôt. La mort, du sang, des flammes ravageant l'horizon.

  L'ancien chevalier tomba par terre, basculant en arrière.

  Se relevant il lui lança :

  " Hum... Comment dire... Vous me demandiez mon objectif c'est ça ? Mon objectif c'est de sauver la femme que j'aime du sort qui la tourmente, ainsi que son père et son royaume. Mon objectif est de sauver tout le continent des plans machiavéliques d'Alfred le Rouge. Mon objectif c'est de rétablir la paix et l'harmonie dans ce monde déjà si violent rien que par sa force d'existence. Un monde où tout le monde puisse vivre sans avoir peur que sa vie soit remise en cause ou en danger par autrui. "

  Le corps de sable commença à se désagréger, son visage repartit en poussière de sable dans un dernier sourire radieux. Hadrien franchit le portail pour regagner la réalité.

  Hadrien avait retrouvé son corps humain. Il pouvait de nouveau marcher comme un homme. Seulement, il lui manquait des habits, son armure ainsi qu'une arme à la ceinture pour pouvoir prétendre sauver qui que ce soit. La sorcière était toujours là elle aussi, admirant l'efficacité de son travail. Sous ses lunettes aux épais verres, on pouvait lire une forte admiration pour elle-même, une forte fierté.

  Ayant prévu le coup, la vieille dame âgée avait préparé et mis de côté quelques vêtements au cas où. Le jeune homme les enfila, ses habits lui allaient comme un gant. Il ne manquait plus que le jeune homme s'équipe à nouveau dignement de son rang, et il serait prêt à se battre.

  " Par hasard, demanda-t-il en se retournant au moment du départ. Auriez-vous une quelconque potion ou sort qui pourrait me téléporter au château du temps ? Il serait bien trop long de rentrer à pied "

  La vieille femme, levant un doigt en l'air, partir chercher, d'un air de réflexion, quelque chose dans un de ses coffres, puis une fois trouvé, le tendit à Hadrien. C'était un petit sac.

  " Mange une de ces boules, lui ordonna-t-elle. Et cela te téléportera à l'endroit que tu souhaites aller. Il faut juste y penser. "

  Écoutant ses conseils, il les suivit. Il prit une de ces boules entre ses doigts avant de l'avaler tout rond. Elle était bleue et avait un goût de roquefort. Puissant mais bon. Le chevalier sentit quelque chose se passer dans son corps sans toutefois pouvoir l'expliquer. Avant même qu'il ne puisse réaliser quoi que ce soit, il venait d'apparaître dans la salle du trône du château du royaume du Temps, devant le roi. Il trouvait ça incroyable.

  " Merci grand-mère, sourit-il. "

  Le roi était abasourdi et ne savait comment exprimer à son fils "adoptif" tout ce qu'il ressentait dans son cœur. Quand la princesse en fit de même, elle fut heureuse de comprendre qu'elle avait eu raison sur toute la ligne depuis le début. Hadrien quant-à-lui, une fois que son roi et sa princesse s'étaient calmé, leur exposa toute son aventure du début à la fin. Ils étaient surpris, ébahi devant cette histoire plus que fantastique.

  " Donc le chien que j'ai renvoyé, c'était toi au final ? "

  " Oui, lui répondit le jeune chevalier. "

  " Pardonne-moi je suis désolé "

  Le roi s'agenouilla devant Hadrien.

  " Ce n'est rien, vous ne pouviez pas savoir. "

  Se redressant, le chef du royaume bafoua :

  " Il est vrai que je ne pouvais rien savoir. Nous devons régler son compte à ce vilain perfide qu'est Alfred le Rouge. "

  Se calmant il reprit :

  " Mais avant, nous devons fêter un évènement : votre mariage. "

  Les deux jeunes gens concernés sourirent, heureux de cette nouvelle.

  Ce fut sur ces dernières paroles qu'Hadrien et la princesse Kata se marièrent, jeunes, amoureux. Ils vécurent ainsi heureux et eurent beaucoup d'enfants, après avoir réglé leurs problèmes avec le roi Alfred, qui regretta ses actes jusqu'à la fin de ses jours.

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