Chapitre 1

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Les passants s’agglutinaient devant la vitrine de Nacre & sirène. Le premier lundi du mois, à neuf heures, Ermesos, le grand artisan de cette boutique, dévoilait une nouvelle création. Leurs habitués et les curieux découvraient parfois une humble boîte aux décors délicats, à d’autres moments une sculpture de la Déesse-Mère, Ecclésia, aux détails raffinés.

Cléfa, la capitale de l’Empire éponyme de la grande déesse, regorgeait d’artistes vénérables. Cependant, peu possédait le talent du jeune Ermesos – celui qui façonne en Apharg. Sa renommée ne cessait de s’agrandir, alimentée par des rumeurs sur sa bonté et sa beauté. Malgré des propositions de mariage infinies, Ermesos restait dépourvue de compagne, accaparé par son art.

Alors, parmi les badauds, bon nombre de damoiselles soupirèrent en l’apercevant. Un jour, se disaient-elles sûrement, il me choisira. En attendant, faute de pouvoir l’épouser, elles s’offraient l’une de ses créations. Miroir de poche, brosse à cheveux, bague et autres babioles étaient achetés. Souvent, les stocks de la modeste boutique s’épuisaient en trois jours, obligeant la famille Eléhé à rester fermer le reste de la semaine.

Telle a toujours été leur raison officielle.

Léatria en doutait. Serveuse dans la taverne situé juste en face, elle s’était aperçue de choses étranges. Son patron la rabrouait à chaque fois que son attention se portait, par-delà l’une des fenêtres de l’établissement, sur la devanture voisine et ses occupants. Malgré les réprimandes et la menace incessante de perdre son travail, elle ne réussissait pas à museler cette fascination.

Quelque chose clochait. Ermesos quittait rarement son atelier. S’il le faisait, un autre membre de leur famille gardait les lieux. Leur boutique était fleurissante, elle ne comprenait donc pas pourquoi ils n’adoptaient pas une wyverne – une fois trop grande, ils pourraient la revendre à prix d’or. Aussi, pas une fois Léatria n’a constaté de livraisons de perles ou d’écailles de sirène, bien qu’elles furent artisanales et créées à base des poissons exotiques originaires de Khatù, une ville côtière de l’Entre-Deux.

Elle avait beau guetter le convoyage gardé, au vu de la valeur de ces matières premières, elle ne l’avait jamais aperçu en près de six mois. Un bruit sec la ramena à la réalité. Le poing appuyé sur le comptoir, Har, son patron, la tuait de ses grands yeux.

« Léatria ! Continue ainsi et je te ramène à ton maudit orphelinat, Amastra m’en soit témoin !

— N’évoque pas le nom des dieux ainsi, lui répond-t-elle, nonchalante, en nettoyant une table. Aussi, je suis bien trop vieille pour que tu m’y renvoies. J’ai seize lunes depuis hier.

— Alors je te jetterai à la rue !

— Un bon monsieur aura pitié de moi. Il me paiera bien mieux que toi pour s’aventurer entre mes cuisses de temps à autre.

— N’as-tu aucun amour propre ! »

Léatria ne répondit pas, la réponse bien trop flagrante. À la place, elle préféra s’amuser du vieux Har tout en s’attaquant à une tache d’alcool tenace.

« Ton épouse est train de lorgner sur une grosse caisse, sifflote-t-elle. Elle doit bien valoir cent pièces.

— Maudite femme ! »

Un rire secoue Léatria, qui ne relève pas son visage. La cloche à l’entrée l’informe du départ précipité de son patron.

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