Sydney

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Sydney

[Lauren m’a encore foutu à la porte pour baiser avec ton abruti de Nojan, j’ai dû dormir dans la chambre de ma voisine la sorcière, une fois de plus. Au secours.]

Voilà le SMS qui m’avait poussée à me lever à 6 heures du matin et à courir jusqu’à la fac. J’étais motivée par le désir de venger l’honneur de mon amie, mais aussi par celui de voir l’abruti concerné.

Et, bien sûr, j’éprouvais comme chaque jour le besoin impérieux de réveiller mon corps, de chasser les images qui me hantaient la nuit. Mais ça, c’était habituel.

À présent, je me tenais assise sur le lit vide de Violette, les yeux rivés sur le corps parfait de Nojan. Une jambe pliée sous mon menton, un gobelet de chocolat chaud à la main, je le matais sans retenir mes soupirs rêveurs. J’avais toujours eu un faible pour les gars typés à la beauté sauvage, et celui-là empestait l’assurance à des kilomètres, même les yeux fermés. Ses mèches noires en bataille tombaient sur son visage aux traits bien plus sereins que lorsqu’il était réveillé.

La seule ombre au tableau, c’était Lauren. La bouche ouverte, la bave aux lèvres, elle ronflait.

Nojan grogna quand je lui envoyai quelques gouttes d’eau à la figure. Il souleva les paupières et tourna la tête dans ma direction. En me voyant, il jura.

— Putain, j’ai cru que c’était un surveillant, murmura-t-il avec l’air de celui à qui il manque encore soixante-douze heures de sommeil

— Bonjour, bel homme ténébreux, chuchotai-je en réponse. Que se passe-t-il si tu cries trois fois « Dame Blanche » une nuit de pleine lune ?

Nojan se détacha de sa copine en prenant soin de ne pas la réveiller et se redressa. Les manches courtes de son tee-shirt dévoilaient des bras couverts de tatouages du poignet à l’épaule. En avait-il aussi sur le torse ? Mon imagination fertile lui ôta mentalement toutes ses fringues.

— Qu’est-ce que tu fais là, Boucle d’or ?

Il lança un coup d’œil à sa copine, plongée dans un profond sommeil. Étonnant, elle ne remuait pas d’un iota.

— Ton voisin te demandera probablement de fermer ta gueule.

Reportant son attention sur moi, Nojan m’envoya un coup d’œil à faire fondre la banquise.

— Quoi ?

— Si tu cries « Dame Blanche » trois fois une nuit de…

— OK, j’ai compris. Tu veux quoi ?

— Te dire que c’est vilain de demander à réserver la chambre pour ta copine et toi. Très vilain. Vous avez fait beaucoup de peine à Violette.

— C’est qui, Violette ?

— La coloc de ton plan cul. Tu devrais quand même vérifier si elle n’est pas tombée dans le coma. Personne n’a un sommeil aussi profond, si ?

— On s’en tape de Lauren…

Nojan, qui venait d’enfiler ses chaussures, se mit à chercher quelque chose autour de lui.

— Je croyais que c’était Victorine ou un truc du genre ? fit-il remarquer.

— Victoria, en fait. Mais je l’appelle Violette à cause de ses cheveux. Tu sais qu’elle fait elle-même sa teinture ? C’est fort.

Je bus une gorgée de mon chocolat.

— Et alors, pourquoi tu as débarqué ce matin, Boucle d’or ?

Ce surnom. Il pénétrait sous ma peau, m’électrisait.

— Je viens jouer les justicières. J’avais l’intention de vous balancer un verre d’eau sur la tronche, avouai-je en montrant ledit objet posé sur la table de nuit. Les quelques gouttes que tu viens de recevoir n’étaient qu’un début.

— Et alors, quand vient la suite ?

— J’ai changé d’avis, je ne suis pas une lâche. Je ne m’en prends pas à des personnes endormies. Alors pour cette fois je me contenterai d’un avertissement.

— Un avertissement ? Voyez-vous ça.

— Si jamais vous jetez encore mon amie à la porte pour vous bécoter, je vous défonce tous les deux.

Je sautai hors du lit pour me planter devant Nojan. Il resta imperturbable.

— Tu en serais capable ? demanda-t-il, un brin amusé.

Il semblait appliquer un certain soin à ne pas réveiller Lauren. Peut-être dans le but de continuer cette conversation ?

— De vous défoncer ?

— Oui.

— Je suis capable de beaucoup de choses, Nojan chéri.

— J’aimerais voir ça. Et j’aimerais savoir qui tu es, aussi.

Il me regardait avec une véritable lueur d’intérêt dans les yeux. Cela réchauffa un instant mon cœur d’ordinaire si froid.

— Sydney, dix-neuf ans, je suis astrologiquement vierge.

— Je parlais de qui tu es réellement, là-dedans, rétorqua Nojan en tapotant ma tempe de son index. Parce que ça n’a pas l’air de tourner rond.

J’avançai jusqu’à ce que ma poitrine le frôle, et ma main se perdit dans son cou. Ses muscles se tendirent sous le contact de mes doigts. Je n’avais pas eu l’intention de le toucher, mais, maintenant que je venais de sauter le pas, je ne pouvais ignorer à quel point ça me plaisait.

— Qu’est-ce que tu fais ? me demanda-t-il.

— Je vérifie un truc.

Il sourit. Sa bouche m’appelait, me suppliait de l’embrasser, de la posséder. Une vague d’adrénaline, mêlée à du désir, courut dans mes veines. Il dégagea la mèche de cheveux qui me barrait le visage, s’approcha doucement… puis se détourna à la dernière seconde.

— Je ne sais pas à quoi tu joues, me murmura-t-il à l’oreille, mais ça ne fonctionnera pas.

— Tu crois ? le taquinai-je. J’ai plutôt l’impression que ça fonctionne, pour l’instant.

Il ôta ma main de son cou en un geste impatient. Je reculai, faussement vexée.

— Je t’ai rapporté ça, minaudai-je.

Je fouillai rapidement dans mon sac, puis lui tendis ce que j’avais acheté pour lui. Une balle de base-ball en plastique, qu’il tourna et retourna plusieurs fois entre ses doigts.

— C’est quoi, ça ?

— Il y a des bonbons à l’intérieur.

Oups, je venais de parler un peu fort. Lauren bougea dans son lit, mais n’ouvrit pas les paupières.

— Je veux dire, c’est pour quoi ? me demanda Nojan, toujours aussi paumé.

— J’ai vu sur Facebook que c’était ton anniversaire, hier. Tu n’as toujours pas accepté mon invitation, mais l’info est publique. Alors joyeux anniversaire !

Sur ce, j’ouvris une carte qui se mit à chanter une chanson. Nojan fronça les sourcils. Il tenait toujours la balle de base-ball surprise. Avant qu’il puisse me remercier – où m’assassiner, vu sa tête je n’étais sûre de rien –, une voix ensommeillée intervint :

— Nojan ? À qui tu parles ? Et c’est quoi cette musique horrible ?

Lauren s’extirpa de son sommeil en s’étirant comme un chat. L’espace d’une seconde, j’hésitai à lui balancer le verre d’eau à la figure. Ma bonne éducation m’en empêcha. Dommage.

— Salut, bébé, l’accueillis-je. J’ai bien cru que tu nous faisais un remake de la Belle au Bois dormant. Je disais à ton adorable mec que la prochaine fois que vous ordonnerez à ta coloc de foutre le camp pour baiser, je vous mets mon poing dans la tronche. Pigé ?

La jolie blonde aux jambes interminables tendit la main pour dissimuler son opulente poitrine sous la couverture tout en me crachant :

— Dégage d’ici, sale conne !

— Oh, ne t’en fais pas, je me sauve. Il faut que j’aille me doucher, j’ai quand même couru dix bornes sans m’arrêter.

Nojan, parfaitement calme, effleura mon bras.

— Boucle d’or, si j’étais toi, j’éviterais de lancer des menaces en l’air.

— Tu préfères que je vous lance l’eau ? C’est faisable.

Lauren se leva, la couverture enroulée autour d’elle.

— Pourquoi elle est là ? s’en prit-elle à Nojan. Et pourquoi tu lui parles ?

Je fis volte-face, prenant la direction de la porte.

— Elle veut nous défoncer, ricana mon futur petit copain. Avec un verre d’eau…

— Quoi ? Elle est tarée !

— Clairement, ouais.

— Et pourquoi ça te fait rire ?

Il fallait que je mette les voiles au plus vite. J’aimais assister aux disputes, mais seulement celles entre mon père et Jenna.

— C’est bon, laisse tomber. Elle se barre.

— Ça ne t’embête pas qu’elle vienne nous mater pendant qu’on dort ? C’est trop malsain !

— Tu devrais partir, me conseilla Nojan en se plaçant entre la blondinette et moi. Et prendre une douche. Tu pues la sueur à des kilomètres.

— N’oublie pas, lui rappelai-je, premier avertissement. Ici, c’est autant la chambre de Violette que celle de ton plan cul. Allez, bonne journée.

Sur ce, je quittai la pièce, non sans gratifier le couple d’un magnifique doigt d’honneur.

Bon d’accord, question éducation, on repassera, mais vu ce qui m'attendais je n'étais plus à ça près.

Rentrée chez moi, je regarde encore les photos de nojan, ses abdos, son charisme, ses lèvres, ses yeux en bref tout sur lui, mais cette fois-ci c'était la dernière fois, car ce jour-là je me suis enlevée la vie, sans un bruit.

C'était d'ailleurs le titre du journal du lendemain : Sydney, jeune adolescente qui s'est enlevé la vie pour un garçon !

En bref nos vies ont été gâché et on a préféré ne rien dire à cause de notre fierté.

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