Chapitre quatorze : Je t'ai embrassé./Tibi osculaui.

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Des musiciens jouaient de leur instrument et une musique rythmique se faisait entendre dans les rues bondées de monde. Un monde joyeux qui riait, parlait, se promenait dans l’insouciance générale. Wolf et moi venions d’arriver aux festivités. Les Vestalia se célébraient dans de nombreuses grandes villes et nous étions dans la plus proche de la demeure de mon domino*.

Soudainement, quelque chose m’attrapa la main, me sortant de mes pensées.

-Qu’est-ce que vous faites ? demandai-je, paniqué, en essayant de me dégager.

Wolf m’avait pris la main de la sienne et entrecroisé nos doigts !

-Détends-toi. Je veux seulement être sûr de ne pas te perdre dans cette foule. Allez, viens ! Allons nous amuser ! me dit-il dans un sourire qui fit tressauter mon cœur, à mon grand dam.

Et il m’entraîna au sein des promeneurs. Nous passâmes devant des stands de nourriture, de boissons mais aussi de figurines en l’honneur de Vesta. Elles étaient conçues dans différentes matières, en bois, en bronze, etc.

Parfois, les gens nous jetaient un regard intrigué. Comment les en blâmer ? Nous attirions l’attention pour plusieurs raisons. La première était sans aucun doute la carrure de Wolf. Ce dernier était grand et massif, joliment typé avec ses cheveux noirs comme le jais et ses yeux bridés. De plus, il avait beaucoup de charme dans son apparence décontractée, vêtu d’un pantalon beige, de sa chemise coutumière à moitié ouverte sur son torse avec ses manches retroussées jusqu’aux coudes, et une petite fleur, Leucanthemum vulgare, appelée également une marguerite, accrochée à un emplacement de bouton vide.

Je devais admettre que nous étions assez assortis, car de mon côté, je portais un pantalon en lin et une tunique blanche légèrement ouverte sur le torse mais presque fermée par un lacet. Wolf m’avait mis lui-même la même fleur que la sienne qu’il avait coincée dans le laçage. Et main dans la main, nous avions l’air d’un couple alors que nous déambulions, mais un couple atypique puisque la seconde chose qui attirait forcément l’attention était que je portais le collier des esclaves, mon statut était donc affiché. Que mon maître me tienne ainsi la main comme le ferait un amant était plutôt choquant !

La troisième était peut-être que Wolf, en tant que fils du Gouverneur, était reconnu par certains. D’ailleurs, les gens ne le savaient pas mais nous n’étions pas venus seuls. Plusieurs gardes du corps de Wolf se trouvaient non loin de nous, habillés de manière à passer inaperçus. Enfin, avec leur carrure et leur visage impassible, j’avais du mal à croire qu’on ne les remarquait pas !

Nous marchâmes longtemps à un rythme tranquille. Je remarquais que Wolf paraissait plus détendu, moins sur le qui-vive. Il regardait ce qu’il y avait autour de lui, mais de manière curieuse, pas sur la défensive, comme n’importe qui présent aux festivités. Il nous arrêta devant un stand.

-Va t’asseoir. Je vais nous prendre quelque chose à manger, me dit-il en me montrant de la tête les petites tables et chaises qui étaient placées devant.

Je partis donc m’asseoir. En l’attendant, je l’observais. Il faisait la queue comme n’importe qui d’autre. Pourtant, il n’était pas une personne lambda. En tant que fils du Gouverneur, il pouvait se permettre de passer devant tout le monde sans souci, personne ne riposterait. Il lui suffisait de montrer son tatouage que seule la famille Wolf possédait - car si un autre osait se le faire tatouer et qu’il était découvert, il serait condamné à la peine de mort sans procès -, mais il ne le faisait pas. Pourquoi ?

-Bonjour, Nathan !

Je me tournai pour découvrir avec surprise Marc, l’homme qui m’avait gentiment parlé à la soirée de Wolf. Il avait un grand sourire aux lèvres, le regard doux et gentil posé sur moi.

-Bonjour, lui dis-je dans un petit sourire.

-Alors, tu es venu profiter des festivités ? Wolf t’a laissé venir ?

-Oui. Je n’avais pas le choix, de toute façon, mais je suis tout de même content de sortir.

-Je comprends. Hum… J’ai su ce qu’il s’était passé chez le Gouverneur…

Je rougis de gêne en entendant cela et baissai la tête.

-Je suis désolé pour toi. Vraiment. Wolf n’est pas un enfant de chœur ! Écoute, Nathan, si un jour tu as besoin de mon aide, que tu veux le fuir, je serais ravi de t’aider.

Complètement surpris, je relevai mon regard vers lui. C’était bien la première fois de ma vie d’esclave qu’on me proposait de m’aider ! Surtout à fuir mon maître qui avait payé pour me posséder ! Pourtant, il avait l’air de penser ses paroles.

-Mais pourquoi voudriez-vous m’aider ?

-Peut-être parce que je suis quelqu’un de gentil ! fit-il en souriant tout en me faisant un clin d’œil. Et aussi… peut-être parce que je ne peux pas saquer Wolf et son arrogance si énervante !

En prononçant ces derniers mots, un éclat différent passa dans son regard. Quelque chose… d’effrayant. Il le haïssait réellement. J’arrivais à le sentir. Marc pouvait garder un visage jovial, aimable, la haine qu’il éprouvait pour Wolf se ressentait, il avait du mal à la cacher. Pour la première fois, je me dis que cet homme qui me faisait face n’était peut-être pas si gentil avec moi pour de bonnes raisons. Il cherchait sans doute à se servir de moi pour embêter Wolf…

-Sache que c’est tout à fait réciproque, dit une voix sévère et glaçante. Maintenant, va-t’en, avant que je fasse signe à mes hommes de t’emmener.

J’en sursautai avec cette impression d’avoir été pris en flagrant délit. Qu’avait-il entendu, exactement ? L’air était chargé d’électricité… Un sourire froid se dessina sur le visage de Marc après qu’il eut jeté un œil autour et repéré les hommes de Wolf qui regardaient tous dans sa direction.

-Au revoir, Nathan.

Et il partit. Mon dominus* posa la nourriture sur la table, du pain rempli de viande, de sauce et de légumes qui était passé au vieux four traditionnel, et un dessert brioché à base de sirop de dattes et de pommes au sucre de canne ainsi qu’un gobelet d’une boisson ambrée. Il s’assit en face de moi. Et il avait l’air contrarié…

-Nathan, ne lui fais pas confiance. Marc se comporte bien avec toi mais ce n’est qu’une apparence. Lors de ma soirée, il ne t’a pas fait boire par hasard de l’absinthe mélangée. Sois sûr qu’il voulait abuser de toi.

Je ne répondis rien. Je n’étais pas naïf, j’avais bien un doute également sur les intentions de Marc envers moi, surtout depuis quelques minutes, après avoir senti sa haine pour Wolf. Une haine qui m’avait glacé. Mais je trouvais ce dernier culotté de me dire ça après ce qu’il m’avait fait subir chez son père ! Alors je commençai à manger sans rien dire. L’odeur était trop alléchante et en mordant dedans, le goût ne me déçut pas ! Quelques frites mises à part accompagnaient le pain garni. Au bout d’un moment, je finis par me rendre compte que Wolf ne mangeait pas. Je détournai mes yeux de mon repas pour découvrir qu’il me fixait.

-Je ne dis pas ça à la légère. Marc essaierait de m’atteindre à travers toi.

Comprenant que le sujet était sérieux, je reposai mon pain et le regardai droit dans les yeux.

-Pourquoi ? demandai-je alors que je n’en avais pas le droit en tant qu’esclave.

Il n’eut pas l’air de m’en tenir rigueur.

-Il y a longtemps maintenant, j’ai commis une faute grave aux yeux de mon père. J’ai failli être répudié. Marc a alors convoité ma place d’héritier du Gouverneur. Une place particulièrement enviée, dit-il dans un petit rire narquois, comme si lui n’était pas d’accord avec ça. Seulement, mon père a préféré me pardonner, et Marc déborde de colère depuis.

-Quelle faute ? ne pus-je m’empêcher de demander, tellement j’étais intrigué.

Il me fixa un moment de son regard dur. J’avais outrepassé le peu de droits que j’avais - si j’en avais -, je le savais bien. Mais cet homme se conduisait de manière si différente de mes autres dominis*. On était, après tout, en train de profiter des Vestalia ensemble. On mangeait comme n’importe quelle autre personne présente. Je pourrais presque oublier que j’étais un esclave ! Presque. En tous les cas, je ne savais pas ce que cet homme attendait de moi, à part lui obéir, c’était la seule chose sur laquelle il avait été clair.

À ma grande surprise, il ne me réprimanda pas, ne me frappa pas, ne me jeta pas ma nourriture au visage. Non. Un éclat triste envahit ses yeux sombres et je compris qu’il allait me répondre.

-Lorsque j’avais dix-huit ans, je suis tombé amoureux d’un esclave de mon père. Il avait trois ans de plus que moi. Nous étions jeunes et prenions trop de risques sans vraiment le comprendre.

Amoureux d’un esclave ?! Lui ? Le fils du Gouverneur ? En voyant mon visage figé de stupéfaction, il poussa un petit rire.

-C’est étonnant, n’est-ce pas ? Que le monstre que je suis ait pu être amoureux ! Et d’un servo*, qui plus est ! dit-il sur un ton moqueur qui me fit baisser les yeux un instant de gêne.

Mais il avait raison, c’était ce que je pensais.

-Mon père a fini par le savoir... Un soir, Matteo et moi passions la soirée dans ma chambre, pensant que mon père ne rentrerait pas de la nuit puisqu’il était censé être en voyage d’affaires. Nous étions en train de nous embrasser lorsque la porte s’est soudainement ouverte et que des gardes armés sont entrés. Ils ont attrapé Matteo alors que j’essayais de les en empêcher. Puis mon père est apparu à son tour…

-Pater* ! Qu’est-ce qui se passe ?!

J’avais appelé mon père en latin, sachant que ça lui plairait. Je ne m’attendais pas à la gifle que je reçus et qui fut si violente que j’en tombai sur le sol.

-Tu me déçois énormément, Ethan. Les esclaves sont là pour nous servir, nous n’avons pas de sentiments pour eux, ils servent à notre bien-être, rien d’autre.

-Père…

-Lorsque j’ai su que tu avais une… relation avec lui, j’ai tout d’abord légitimement pensé que tu te faisais tes propres expériences, c’est de ton âge, après tout. Qu’il ne te servait qu’à cela. Et puis, les photos que je recevais chaque mois de toi dans ses bras ont fini par me montrer clairement qu’il s’agissait de plus, que tu avais choisi de me faire honte. Tu es si faible, Ethan… Comme ta mère. Mais je vais faire en sorte que cela change. Je suis le Gouverneur et tu es mon fils. Tu l’as oublié, me semble-t-il. À moi de te le rappeler. J’ai été trop laxiste... Mais c’est terminé, Ethan. Lève-toi.

Des larmes coulaient sur mon visage. Je savais que mon père n’aimait pas ce genre de spectacle mais je n’arrivais pas à m’en empêcher. Je ne comprenais pas comment la soirée avait pu basculer à ce point dans la peur. Cependant, j’obéis et me levai. Je le connaissais assez pour savoir qu’il valait mieux éviter de l’énerver. Mon père sortit alors une arme de sa poche et me la tendit.

-Prends-la et rachète-toi auprès de moi, mon fils.

J’eus l’impression que mon cœur s’arrêtait. Je le regardai sans comprendre.

-Tue-le.

Quoi ? J’écarquillai les yeux sous le choc, ce qui mit mon père encore plus en colère.

-Ce n’est qu’un servum ! Sa vie n’a aucune valeur ! Ne me déçois pas, Ethan !

Que se passait-il ? Que pouvais-je faire pour raisonner mon père ? Comment la soirée avait-elle pu si mal tourner ? Je voulais plus que tout être loin d’ici, être loin de mon père et de sa cruauté.

-PRENDS ! cria ce dernier qui perdait patience.

Je sursautai et attrapai sans réfléchir l’arme que mon père me tendait. Je la fixai d’un air hagard, sans comprendre ce qui se déroulait dans ma chambre, dans le lieu qui avait accueilli si souvent l’expression de mon amour pour mon amant. Pour celui qui avait réchauffé mon cœur meurtri par mon éducation dure, par ma relation avec mon père qui n’était pas celle qu’un fils devrait avoir avec son père, je le savais. Mais surtout par la mort de ma mère. Elle était morte par la faute de son époux. Par son comportement odieux et méprisant, il l’avait poussée au suicide… Je ne le laisserai pas me prendre encore un être cher. La rage s’emparant de moi, je levai mon arme vers lui et le regard rempli de la haine que j’éprouvais pour cet homme sans cœur, j’appuyai sur la gâchette. Mais… rien ne se passa. Paniquant, je réappuyai une seconde fois. Toujours rien !

Mon père attrapa mon arme et me frappa violemment à la tête avec. Étourdi, j’en tombai sur le sol.

-Si décevant…

Je le vis alors retirer des munitions de sa poche de veste, recharger l’arme et la pointer vers l’homme que j’aimais.

-Sache que tout ceci est entièrement de ta faute.

-NON !! criai-je.

Mais il était trop tard. Le bruit d’une détonation se fit entendre et le corps de mon amant tomba rudement sur le sol, lâché par les gardes qui le tenaient.

-Matteo…

Je me précipitai vers lui. Du sang coulait de mon front, j’avais du mal à voir mais je m’en foutais. Seul comptait Matteo. J’attrapai le corps ensanglanté et inerte dans mes bras. Mon père avait tiré en pleine tête… Non… Ce n’était pas possible… Ça ne pouvait pas être réel !

Soudainement, les gardes m’attrapèrent, m’éloignant de celui que j’aimais.

-LÂCHEZ-MOI ! LÂCHEZ-MOI ! criai-je en me débattant.

Mon père, que je haïssais plus que tout en ce moment précis, saisit mon menton trempé de larmes entre ses doigts afin que je le regarde. Ce qui me frappa fut que le regard de l’homme qui m’avait élevé ne reflétait rien en dehors de son assurance habituelle, alors qu’il venait pourtant de prendre une vie. Comment était-ce possible ? Matteo…

-Quelques jours au cachot te feront du bien. Réfléchis à ton attitude, Ethan. Réfléchis aux attentes qui pèsent sur toi, à ton héritage. Tu ne peux pas agir inconsciemment et à ta guise. Ton rang te l’interdit. Ne fais jamais rien que je ne ferais pas.

Complètement sous le choc, je n’étais pas capable de répliquer quoi que ce soit et il me lâcha. D’un signe de tête, il ordonna aux gardes de m’emmener vers le cachot sombre dans lequel je restai enfermé une semaine à pleurer toutes les larmes de mon corps. La peine que j’éprouvais était si grande… Mais quelque chose m’aida à tenir, et ce fut la haine de plus en plus grande que j’éprouvais pour mon père et qui se mit à brûler d’un feu intense en moi. Je savais qu’un jour je lui ferais payer le mal qu’il m’avait fait et cette pensée, cette certitude, m’apporta du réconfort…

Le silence prit place. J’étais choqué, mon cœur était serré. Moi qui avais toujours pensé que le fils du Gouverneur avait forcément eu une vie de privilégié, qu’il avait toujours obtenu tout ce qu’il désirait, qu’il avait été pourri gâté ! Qu’il incarnait tout ce qui me répugnait le plus ! Je tombais complètement des nues…

-Ce jour-là, j’ai enfin compris ce que mon tatouage fait à ma majorité, car ordonné par mon père, signifiait. Ce n’était pas seulement une représentation de notre nom de famille et ce qu’il symbolisait, il montrait également le caractère perfide de notre société… Homo homini lupus est*. C’est sans aucun doute ce que mon père a voulu m’enseigner à sa manière brutale…

Il fit une pause, les yeux dans le vague, et reprit :

-J’espère avoir répondu à ta question, fit la voix glaçante de Wolf. Maintenant, finis ton repas et ta boisson. Ne gâchons pas cette belle journée avec de mauvais souvenirs.

Et il se remit à manger, j’en fis de même dans un silence pesant. Je regrettais presque de lui avoir demandé quelle faute il avait commise. Le repas terminé, il me prit par la main, toujours sans mot dire, et m’entraîna de nouveau dans la foule. Nous continuâmes notre chemin dans la bonne humeur ambiante, la musique, les brouhahas des gens, les rires qui finirent par m’atteindre, et je pus de nouveau me détendre un peu.

Une autre musique commença à se faire entendre jusqu’à devenir plus forte et surpasser celle entendue précédemment. Je sentis que l’ambiance changeait pour devenir… tout autre chose. Nous prîmes un petit chemin bordé de fleurs dont je crus en reconnaître certaines comme appartenant à Wolf avec ses rubans d’un rouge vif. Tous les arbustes et plantes recouverts de rubans étaient là pour symboliser les activités d’un lieu. Lorsqu’ils étaient de toutes les couleurs, il s’agissait d’un lieu familial avec des jeux. Les rubans bleus étaient pour la présence de nombreux stands. Les rubans dorés pour les stands de nourriture et de boissons. Et les rouges représentaient un lieu dans lequel la sensualité était exprimée.

Je compris le guet-apens dans lequel j’étais emmené et me stoppai en tirant sur ma main. Wolf s’arrêta d’avancer et me regarda sans me lâcher. Je le vis pousser un soupir de mécontentement.

-Nathan, si j’avais voulu abuser de toi, je l’aurais déjà fait à de nombreuses reprises. Pourquoi le ferais-je ici, en ces lieux, devant tous ces gens, quand je pourrais le faire chaque nuit dans l’intimité de ta chambre ?

En voyant que je ne le croyais pas, il s’approcha de moi et se mit à mon côté.

-Nous allons seulement danser. Regarde, me dit-il en levant son bras pour me montrer le contre-bas.

Je regardai l’endroit qu’il me désignait et effectivement, je vis une foule de personnes occupées à danser, généralement collées-serrées mais pas toutes. Jusque-là, je ne les avais pas vues, car le chemin était si étroit que Wolf marchait devant moi et me bouchait ainsi la vue.

Réellement seulement danser ? Je respirai un peu mieux. Il dut le voir puisqu’il reprit son chemin, m’entraînant à sa suite. Nous atteignîmes rapidement les personnes qui se trémoussaient en rythme, souvent un gobelet contenant sans doute de l’alcool à la main. Wolf nous conduisit jusqu’à un bar tout en bois installé pour l’occasion. Un homme et une femme se tenaient derrière, préparant des boissons et nettoyant des gobelets. Il commanda de l’Albanum pour nous deux, ce qui m’étonna grandement, car ce vin n’était généralement réservé qu’à la haute société, et en tant qu’esclave, j’aurais dû avoir de la Vappa ou même de la Lora, des vins de bien plus petite qualité. Cependant, je ne dis rien et pris ce qu’il me tendait.

Alors que je prenais une première gorgée, savourant la boisson qui m’était autorisée et qui avait un goût délicieux, je regardai autour de moi. Personne n’avait l’air de reconnaître le fils du Gouverneur. C’était assez étonnant mais après tout, moi-même je ne savais pas qui il était lorsqu’il m’avait acheté. À vrai dire, plus j’y pensais et plus je me disais qu’il s’était toujours fait discret. Les apparitions télévisuelles de son père étaient assez courantes lors d’annonces importantes ou pour les célébrations, mais en ce qui concernait son fils, ce n’était pas le cas. Tous savaient que le Gouverneur avait un fils mais ce dernier ne l’avait jamais montré. Enfin, il me semblait.

Une légère pluie d’été commença à tomber, me sortant de mes pensées. Je me dépêchai de finir mon vin pour qu’il ne prenne pas l’eau et le reposai sur le bar. Wolf fit de même avant de me prendre la main.

-Allons danser !

-Ho… Je ne suis pas très doué, dis-je, gêné, en le suivant. Je n’en ai pas l’habitude.

-Pas besoin d’être doué, me dit-il en s’arrêtant au centre de la foule de gens qui dansaient et ne s’arrêtaient pas malgré la pluie.

Il s’approcha de moi et sans me lâcher la main, posa délicatement sa jumelle sur ma hanche, me rapprochant encore de son corps dont je sentais à présent la chaleur. Je me crispai sur le moment mais ne le repoussai cependant pas. Il commença alors à bouger tout doucement, à se balancer légèrement, m’entraînant dans ses mouvements.

-Écoute seulement la musique. Concentre-toi sur le rythme. Vide-toi l’esprit.

Il ne me quittait pas des yeux. L’alcool aidant, je finis par me détendre. Surtout qu’avec tous ces gens autour de nous, je me sentais moins mis en danger. La petite pluie continuait de tomber mais tout le monde avait l’air de s’en moquer. Elle nous rafraîchissait, c’était plutôt agréable.

Au bout de longues minutes, Wolf finit par poser doucement son front contre le mien, et je n’eus pas l’envie de reculer. Je me sentais… bien. Sa main, qui tenait toujours la mienne, se détacha et remonta lentement le long de mon bras, glissant sur mon épaule, sur la peau de mon cou, montant toujours plus haut, jusqu’à atteindre mes cheveux et mon oreille que son pouce caressa. Nous restâmes un moment enlacés ainsi, sans que j’essaie de m’éloigner. Et puis, je sentis une douce pression me redresser la tête et des lèvres se poser sur les miennes. Ce ne fut d’abord qu’un contact humide, rien de plus. Mais en voyant que je ne le repoussais pas, Wolf finit par s’enhardir et à mouvoir ses lèvres. Et moi, je ne bougeais pas, ne sachant pas ce que je devais faire. Ce moment était particulier. Je me sentais détendu, je n’étais pas écœuré par son toucher, par son odeur mélangée à celle des plantes, des fleurs, accentuée par la pluie, et qui envahissait mes sens. Au contraire. Pour la première fois, je me sentais bien dans les bras d’un autre homme. Alors je fis ce que je pensais ne jamais faire de ma vie, je lui rendis son baiser.

Mon cœur s’accéléra et je sentis son souffle devenir plus rapide. Sa réponse ne se fit pas attendre, une langue vint délicatement demander l’accès à ma bouche, et je n’hésitai qu’une seconde avant de la laisser entrer avec curiosité. Elle caressa la mienne doucement et à ma grande surprise, je ne trouvai pas cette sensation dégoûtante, ce fut plutôt l’inverse, même. C’était tout doux, intime, et ça me provoquait des sensations plaisantes dans le bas-ventre. Wolf m’embrassait tout en douceur et je l’imitais. Je ne voulais pas que ce moment se termine… Ma main libre partit se poser sur son torse puissant et ferme, et il me serra encore plus contre son corps dur dans une sorte de grognement qui ne me fit même pas peur. Que m’arrivait-il ? Pourquoi n’étais-je pas dégoûté par cet homme ? Je n’avais pas envie d’y réfléchir plus longuement et m’accrochais désespérément à lui, sentant le désir envahir mon corps pour la première fois depuis que j’étais devenu un esclave. Et ça me faisait peur…

Ici, durant ces festivités, sous la pluie d’été, bercé par la musique, par la sensualité ambiante autour de moi, je me laissais aller dans les bras d’un autre. Pour la première fois depuis bien longtemps, j’oubliais que j’étais un esclave, un servum* dans les bras de son domino*. Pour quelques heures, je n’étais plus qu’un homme comme les autres…

(J'espère que ce long chapitre vous a plu ! La relation entre Ethan et Nathan évolue doucement mais sûrement. Cependant, vous vous doutez qu'il y aura des embuches sur leur chemin^^

Je vais devoir faire une petite pause sur cette histoire car maintenant, je dois travailler sur "Le calice insoumis" et "Le calice destiné", et pour finir, "Les tumultes de l'océan" afin de terminer ma liste faite avec mes lecteurs sur Wattpad. Désolée pour cette attente ! Bisous à tous !)

*Datif singulier de « dominus » : « maître ».

*Nominatif singulier : « maître ».

*Ablatif pluriel de « dominus » : « maîtres ».

*Ablatif singulier de « servus » : « esclave ».

*Vocatif singulier de « pater » : « père ».

*= « L’homme est un loup pour l’homme. »

*Accusatif singulier de « servus » : « esclave ».

*Datif singulier de « dominus » : « maître ».

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