Errance au carrefour

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Il fait noir. Mes valseuses au rythme de mes pas sont coordonnées. La morsure du froid me gèle les couilles. Je marche.

Nuit automnale, je regarde à gauche et à droite, mon minois se promène. Bâtiments, tavernes, pas une ambulaye à la ronde ni un éméché vomissant sur le trottoir. C'est calme. Trop calme pour moi. Il est sûrement encore tôt, la Lune n'est pas à son apogée, la foule en délire n'est pas encore de sortie.

Un pavé, deux pavé, que je compte. Pour en venir à compter mes pas, c'est que j'me fais vraiment chier.

Un rat se promène. Il court vite. Vers quoi court-il? Je décide de le suivre, c'est pour dire. Il faut tuer l'ennui avant les sorties de buveries. En attendant l'action, quoi. Je presse le pas, donc.

Son corps bouge et sautille dans des sots à la réception maîtrisée. C'est intéressant, ces bêtes là. Il suffit juste d'observer son comportement.
Et il tourne, au détour d'une ruelle. Mes azurs le suivent et le reste suit.

A peine le temps de poser les yeux au détour de la ruelle, que je ne le voit plus. Hm. Rapide. Il m'a échappé. L'espace de quelques instants il était devenu mon inspiration, pourtant. Dommage.

J'inspire et j'expire. C'est bref. Mes pulsations s'accélèrent. Une chaleur me parcoure les veines. Ou un froid brûlant. C'est soudain. C'est étrange. C'est satisfaisant et ça me plaît.

Mon échine se cambre quelque peu. L'impression soudaine qu'une main se pose sur une de mes épaules me crispe les burnes. Non, je n'ai pas peur. C'est le signe qu'il va se passer quelque chose.

"Fait-le", me dit-elle à l'oreille.

Inspiration. Expiration. Mon corps se ramolli un peu, mes gestes se font plus lent. Ça tambourine à l'intérieur, ça fourmille. Mon esprit s'embrume. Je pose une main sur le mur humide, l'autre sur mon front qui transpire soudainement. Mon sang se fait feu et mon museau se redresse, tout à coup. Je souris. Je frissonne. Je vais le faire... Mon sang, récepteur de cette pulsion divine dans un esprit divin comme le miens, assurément. Je dois le brûler, non que dis-je, l'entourer de mes flammes purificatrices. Mon sang ? Comment puis-je l'embraser?

- Le feu.

Mes pupilles se dilatent, une douceur s'empare de mes tripes à mon aisne. J'en bande presque. C'est chaud.

- Chaud...

L'idée d'un brasier atteind et atteint mon esprit. Un emplit d'ardeur, d'émotions. Le braiser où l'esprit ? Je respire. Cette voix, m'avait pour ainsi dire, manquée. Elle est le signal premier avant l'action. Toujours. Depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Avant que la satisfaction s'empare de tout mon être. Je jouit mentalement, a défaut de jouir entre des cuisses.

Les ruelles sont calmes. J'en oublie un instant le feu.

Mère...

Un spasme me prend. Ma tête vascille de gauche à droite puis il s'arrête. C'est aussi soudain que la brièveté de l'oubli. L'instant c'est effacé. Tiens, j'entends un couinement. Il est là. Je dois le faire, l'immoler. Non. Je dois le suivre. C'est mon instinct qui me le dit. Je vais le suivre. Lui et le rat.

- Le suivre.

Le pas reprend, je marche, enjoué. Je ne m'ennuie plus. Il va se passer quelque chose. La nature n'aime pas le vide, alors elle finit toujours par le combler. Elle comble le miens, donc. J'en suis flatté. Je le mérite, la Lune est avec moi en cette nuit.

Je la regarde. Elle est rousse. Elle me sourit et me fait de l'oeil. Je me les grattes, pour la peine. Pas pour la postérité, même si l'envie pourrait m'en prendre. Je lui offre un sourire, aussi. Elle n'y répond pas.

Et j'emboite le pas, personne ne m'a vu m'égarer. Je crois. Couinement. Je suis le rat. J'emboite le pas. Non je ne suis le un rat, je le suis. Ce soir il sera le meneur de ma nuit. La Lune me l'a envoyée. Je me frotte les mains. Le rat semble attiré par quelque chose. Tiens, tiens. Un sourire en coin me pique le visage et me voilà dans le carrefour des ruelles. Je l'ai perdue du regard, cette aguicheuse. C'est elle qui m'a forcée à la regarder. Oui, la Lune! Même si l'idée de la lune d'une rousse me rend en joie.

Gauche, droite?

Mes muscles se crispent en une fraction de seconde, un spasme puissant. Et je jubile. Peut importe le chemin du carrefour que j'emprunte, il se passera quelque chose. Oui, je l'ai décidé.

"Nous l'avons décidé. " Ce souffle à mon oreille.

Elle est si douce, cette voix. Alors je vais le faire.
Droite, gauche ? Ma tête vrille. La nature comble le vide, alors je suis ses pas et je tourne à...

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