Mère de sang

2 minutes de lecture

 Premier souffle, j’ouvre faiblement les yeux. A côté de moi ma mère qui me nettoie tendrement. Première sensation particulièrement chaleureuse. Je tente de me lever mais retombes aussitôt sur mes pattes encore frêles.

Je découvre le monde avec l’excitation fébrile d’un nouveau né. Les odeurs et les couleurs de la vie me paraissent tout d’un coup brutales, mais l’appel du lait me décentralise vers un autre but.

A côté de nous, il y en a d’autres comme moi, eux aussi avec leur mères. Parfois je ressens une sensation d’étouffement, il est vrai qu’on est plutôt serrés dans ce monde.

Quelque fois j’aperçois des silhouettes qui ne nous ressemblent en aucun point, ils nous donnent de la nourriture. Je ne comprends pas qui ils sont, ils me font peur mais ma mère est auprès de moi et je me sens rassuré par sa présence.

Voilà ce qui sera mes 65 prochains jours.


Arrive le 66ème jour.

Les silhouettes ont débarqué sans qu’on ne s’en aperçoivent. C’était devenu une habitude, leur présence ne m’affolait plus, je me sentais en sécurité.

Mais voilà que ma mère s’affole, comme une sensation de déjà vu. Tout va très vite et je ne comprends pas. Autour de moi des cris, un ébranlement qui trahit mon quotidien.

Ils nous séparent les uns des autres. On m’arrache de celle qui m’a donné la vie. On se bouscule, tente de retourner au près de nos mères, on les entend au loin nous appeler. On m’emmène dans une salle, où j’en vois d’autres comme moi, suspendus par leur pattes encore fragiles, eux ne font plus aucun bruit. Un liquide rouge coule le long de leur corps, le même liquide que ma mère me léchait à ma naissance. Je comprends alors le sort qui m’attend. J’ai peur, je hurle, j’essaie de fuir, mais je reçois très vite un coup sur la tête. Je comprends alors que les silhouettes sont mes bourreaux. Je me sens étourdi, mais pas assez pour ne plus ressentir la souffrance qui me pénètre dans tout le corps. L’odeur de ma mère qui me rassurait tant s’envole pour laisser place à l’odeur de la mort. Je ne me sens plus cajolé ni même apaisé.

Voilà donc mon triste sort. Je n’atteindrai jamais l’âge adulte.

Suspendu, je ne hurle plus, je sens mon corps candide se vider lentement, et dans mon dernier souffle je repense à celle qui m’a fait naître, celle qui revivra perpétuellement la déchirure de ses enfants meurtris.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Noiram ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0