Dans les veines (Morgane Caussarieu)

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Résumé : Lily, lycéenne dissimulant un lourd secret sous un mal-être adolescent, rencontre le fascinant Damian lors d’une soirée goth. Mais ce dernier est un vampire, membre d’une « famille » particulièrement violente… Les meurtres se succèdent et la police s’en mêle, notamment l’inspecteur Baron, le père de Lily…

Le positionnement « anti-twilight » est un genre qui semble avoir fleuri en France en littérature vampirique ces dernières années. Dans les veines, publié en 2012, annonce la couleur sur le quatrième de couverture : « Les gentils vampires, ça n’existe pas ». La surenchère de gore, de méchanceté et de perversité fait vite oublier les riches et gentils Cullen scintillant au soleil, pour revenir au vampire SDF qui vient violer les gens dans les chaumières, les griffes pleines de terre et les habits puants du sang séché de sa dernière victime. L’héroïne n’est plus une jeune vierge effarouchée, mais une paumée victime de sévices sexuels. L’amant vampire, ici, loin d’être le sauveur qui arrachera la fille à sa condition, est un égoïste cruel et inconstant, dont l’amour est une obsession dangereuse. Tous les amateurs de vampires savent que le danger et l’impossibilité de la relation sont à la base du mythe vampirique, ce qui fait tout le sel de ce type d’histoires. Mais dans ce cas précis, on comprend dès le début que rien de bon ne peut sortir de cette pseudo histoire d’amour, que Lily se fourvoie complètement et que Damian s’attache à elle pour de mauvaises raisons.

Les tropes développés dans les histoires de vampires sont bien présents, mais ils sont tous dévoyés. À partir du moment où on le comprend, la lecture devient vraiment jouissive. L’humour (très) noir est constant, servi par une écriture efficace, organique, au ton nerveux, à l’image de ces persos paumés. Il n’y en a pas un seul pour rattraper l’autre. Ils sont tous horribles à leur manière, mais le pire, c’est qu’en étant tour à tour dans leur tête, on en vient à comprendre leurs motivations et à les excuser ! S’ils paraissent caricaturaux au début (la fliquette canon à moto, l’inspecteur véreux, l’ado goth…), on s’aperçoit rapidement que l’auteur joue avec les clichés pour mieux les détourner et s’en moquer. Le passage sur les « vampyres », véritable caricature au vitriol du milieu goth du sud-ouest (l’intrigue se passe à Bordeaux, ce qui est aussi un plus), est particulièrement drôle.

Les vampires répondent à tous les archétypes : J-C, le keupon anar et « rigolo » à la Spike, Damian, le ténébreux « romantique » à la Louis de Pointe du Lac, Gabriel, l’affreux gamin machiavélique et manipulateur (qui m’a rappelé Christopher dans « La Solitude du buveur de Sang » d’Annette Curtis Klause), ou Seiko, encore la vénéneuse Asiatique. Si les personnages sont tous réussis, particulièrement J-C et Gabriel, cette dernière est à peine esquissée et reste très en retrait (comme beaucoup de personnages d’origine japonaise chez les auteurs français, souvent ratés). D’ailleurs, son background est à peine esquissé. Le personnage le plus intéressant reste l’infâme Gabriel, le plus ancien de la bande, un sadique enfermé dans le corps d’un môme de neuf ans, qui nous fait peur, nous dégoûte et nous fascine à la fois : j’aurais aimé en savoir plus sur lui, mais le mystère restera entier jusqu’à la fin.

Le mythe d’origine du vampire, relaté sous forme de rêve, de telle sorte qu’on ne saura jamais si c’est la réalité ou pas, est très intéressant. Il se base un peu sur ceux d’Anne Rice et de Tanith Lee. C’est le type d’explication que je préfère, ayant une nette aversion pour l’explication médicale. La transformation en vampire, elle, est bien dégueu… Les vampires ne font pas du tout rêver. Ils peuvent même faire cauchemarder. On retrouve un peu l’univers de Poppy Z. Brite dans ce tableau de nosferatus drogués, sales et cruels, notamment dans l’obsession des fluides. La part belle faite aux sens, aux odeurs, y participe pleinement.

Le roman se termine sur une explosion grand-guignol, un festival de gore à la limite de l’insoutenable. La fin est imprévisible et satisfaisante, laissant même planer une possibilité de suite.

Ce livre n’est à mettre entre toutes les mains. Inceste, torture, racisme, homophobie, pédophilie et drogue sont au programme. Je le recommande à ceux qui ont trouvé Nocturne de Sang de Michel Pelini et Asphodel de Louise Le Bars trop « light » et auraient voulu des vampires encore plus méchants, des humains encore plus véreux, et plus de sexe et de drogue.

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