Isabeau Partie 7

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Vous auriez vu son regard, ajustant son coup, prenant tout son temps, comme si rien n'était en jeu. Plus rien ne se passait, plus rien ne respirait. Puis, tranquillement, Ensmore a abattu son club, un swing parfait. La balle est partie, on l'a suivie du regard. Elle a rebondi deux fois, roulé, puis elle a disparu. Birdie !

Votre père a tout signé, le soir même ! Et le pire, Isabeau, le pire ! C'est qu'il était heureux de sa journée. - Quel Birdie, Martin ! Quel Birdie ! Me disait-il en me prenant par l'épaule. Je ne sais pas ce qu'il lui a fait, mais c'est un diable d'homme, Isabeau. Je n'ai jamais vu votre père passer à côté d'un enjeu, Isabeau. Jamais. En tout cas jamais avec le sourire...

Colombe reprit la conversation, l'amenant sur le dossier Ensmore. Martin avait bien travaillé.

- Le contenu de ce dossier est très inquiétant. Ce monsieur Ensmore passe visiblement son temps à racheter des entreprises puis à les revendre au détail, ne gardant que les pépites les plus rentables.

Evy arriva du salon avec un fax. Après le décès du père, le bureau avait cessé d'être utilisé. Rien n'avait bougé, ni les livres, ni les statuettes, ni les masques ramenés de ses nombreux voyages en Afrique, en Papouasie, ou dieu sait encore où. Isabeau trouvait cela inquiétant, menaçant, le tout dans une ambiance passablement surchargée par les rayonnages, rajoutés au fil du temps, et où s'empilaient ou s'alignaient les découvertes et autres menus trésors d'une vie bien remplie. Cet espace avait été respecté comme un lieu sacré, et Isabeau l'évitait, songeant qu'un jour il faudrait bien le vider, et disperser les livres et les collections. Elle n'avait jamais osé malgré le sentiment très net que ce lieu figé ne pouvait au fil du temps qu'amasser le malheur. La porte seule était restée ouverte et la ligne du téléphone était encore utilisée, pour les fax, méthode de communication discrète et silencieuse, que chacun avait jugé compatible avec la tranquillité familiale. En cas d'urgence, mieux valait un fax. Evy avait pris l'habitude de les prendre le matin ou le soir, et de les descendre au salon. Mais ce fax là, elle l'avait apporté directement à la cuisine.

Lyon, ce jour

Mes enfants,

La nouvelle que je vous apporte est pénible à annoncer. Ensmore Capital détient désormais une part prépondérante de Combrigal, lui donnant le contrôle absolu du groupe. Je ne vous donne pas ici les détails des opérations qui ont mené à cet état de fait. Sachez que ces opérations furent rapides, massives et coordonnées, à l'opposé du lent grignotage que nous connaissions jusqu'ici. Je n'ai rien pu faire. Vous aurez ma démission dès demain.

Martin Chazal

Les enfants Combrigal se regardèrent. Isabeau, songeant un bref instant à la pénombre d'où sortait la nouvelle, réalisait ce qu'elle avait toujours su. Elle n'avait pas fermé le bureau de son père.

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