Isabeau Partie 3

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Le capital de la société, elle le savait tout autant et même mieux que Martin, n’était pas à l’abri. Longtemps, Combrigal avait été pleine propriété de sa famille, son père pour partie, sa mère surtout, Adélaïde, la descendante d’une vieille famille de soyeux de Lyon, dont les entreprises constituaient le cœur historique du groupe. La petite entreprise de tissage avait grandi, et les besoins liés à la croissance rapide des actifs avaient imposé une cotation en bourse. L’expansion avait ouvert l’appétit de ce qui était désormais devenu un groupe diversifié à l’international, et son père avait négocié un bloc d’actions, soit 12% de Combrigal contre l’accès au marché américain via une société contrôlée à 50/50 avec un partenaire de Boston. Ce dernier rachetait progressivement des parts de Combrigal, au-delà des 12% initiaux, alors que dans le même temps la filiale à 50 /50 était complètement verrouillée, générant une part croissante des revenus et des bénéfices, dans une dépendance forte aux produits et aux technologies de Combrigal. De quoi en effet aviver les tensions. D’autant que le capital familial, désormais, était divisé entre quatre Combrigal. Les enfants Combrigal. Isabeau sortit de sa rêverie.

- C’est bien Martin, Mais je ne prendrai pas de décision aujourd’hui. On se voit demain ! Donnez-moi le dossier Ensmore Capital. Je vais le relire avant de faire une cuisine.

Martin s’assombrit. Une cuisine… Il quitta le bureau en marmonnant que le dossier Ensmore allait monter par les bons soins du secrétariat. Martin n’aimait pas quand Isabeau, Colombe, Victoire et Jean, faisaient une cuisine.

- Une cuisine ? Mais quand grandiront-ils !

Martin sortit par la grande porte vitrée de l’immeuble de verre, allant vers le parking où l’attendait une voiture et son chauffeur, Henri, Henri Delmotte, du village d’à côté, toujours fidèle, toujours là, depuis tant d’années. Martin regarda Henri, et on n’aurait su dire ce qu’il pensait. Il était triste. Ce qui était désormais l’entrée principale du Groupe, avec son imposant perron et son hall immense, il l’avait connu tout comme Henri, avant, lorsque ce lieu n’était que le fond du parc de Combrigal, et que seul un petit portillon vermoulu, fermé d’un loquet, donnait sur un chemin en terre. Malgré cette impression de puissance que pouvait donner le verre et le bêton, ces masses d’argent, ces filiales multiples dans le monde entier, dans des domaines aussi variés, que les tissages, l’aérospatial, l’immobilier, l’hôtellerie, l’électromécanique, gérées par un holding de tête discret, à peine dix-sept personnes cachées au fond d’un parc de propriété de campagne, Combrigal n’avait jamais été aussi vulnérable. Paradoxalement, le vieux portillon bleu charrette, de guingois, avec son loquet, lui paraissait aujourd’hui appartenir à une époque où tout était plus simple, plus sûr, et offrait un sentiment de sécurité.

- Combrigal…

- Qu’avez-vous dit, Monsieur ?

- Rien, Henri, rien…

Martin soupira. Il sentait les atteintes de l’âge, dans son corps, son esprit, et, pensant au temps qui passe, ferma les yeux.

Pendant que Martin s’en allait par la grand porte, Isabeau empruntait le petit chemin du parc, que son esprit tout à l’heure poursuivait.

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