Epilogue : Jess

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Les yeux bandés, Jess sortit de la voiture, les mains devant elle craignant de tomber. Quelle mouche avait encore piqué Chuck ? Ils auraient très bien pu célébrer l'anniversaire de leur rencontre au calme au coin du feu avec un bon repas. Mais non ! Il avait voulu lui organiser une surprise. Elle avait eu beau ronchonné de sa plus belle voix, il n'avait pas cédé, trop excité par son idée.

— Je peux l'enlever ? demanda-t-elle. Je vais tomber !

— Mais non, je te tiens ! Ne t'inquiète pas, chuchota-t-il à son oreille, une main dans le creux de ses reins.

Facile à dire pour lui ! Il n'avait pas un bandeau sur les yeux...

Il dut voir sa grimace car il ajouta :

— Plus qu'une minute ! Tu te rappelles de ta promesse, hein ?

Elle acquiesça. Lorsqu'elle avait perdu une partie de Monopoly, il lui avait extorqué la promesse de faire des efforts le jour de leur anniversaire, et ce quelle que soit sa surprise... Elle avait accepté à contrecœur se demandant ce que cela pouvait bien signifier. Ils firent encore quelques pas.

— Et voilà ! s'exclama-t-il joyeusement en lui retirant le bandeau.

Les yeux écarquillés, bouche grande ouverte, elle observa la grande étendue de glace recouvertes de patineurs criant et riant. Elle jeta un regard à Chuck ; un grand sourire fendait son visage jusqu'aux oreilles, fier de son effet.

— Une patinoire ? Sa voix s'étrangla dans sa gorge.

— Oui ! Je me suis dit que c'était l'occasion de vivre la rencontre que nous méritions.

Un soupir échappa à Jess. Elle pensait avoir été claire à propos de ce qu'elle pensait de cette rencontre fictive. Pas suffisamment, apparemment !

— Chuck, tu te rappelles que je suis maladroite ? Et que je déteste quand je me tourne en ridicule devant les autres ?

Il hocha la tête lentement.

— Oui, mais je pensais que ça te ferait plaisir... Un rendez-vous de film ! Et pas, une histoire qui a démarré par une vulgaire petite annonce...

— C'est gentil... Mais, je ne regrette pas la façon dont on s'est rencontré ! répondit-elle avec un baiser sur ses lèvres. En plus, en vrai, je serai jamais venue à un rendez-vous à la patinoire, conclut-elle.

Elle était déjà tombée dans le panneau du romantisme à plein nez, gobant tous les mensonges de Tom, son ex. Finalement, la façon dont Chuck et elle s'étaient rencontrés était bien plus honnête. Il opina de la tête, faiblement, songeur. Une pensée la traversa soudain :

— Toi, tu regrettes ?

Il passa une main dans sa barbe.

— Tu me connais... J'aime le romantisme, les dîners aux chandelles, offrir des bouquets de fleurs... J'aurai bien aimé vivre une vraie rencontre de films. C'est pour ça que je n'écumais pas les sites de petites annonces... J'attendais la rencontre fortuite parfaite...

Pauvre Chuck... Parfois, elle se demandait comment ils avaient pu finir ensemble. Lui, le rêveur, et elle, très terre à terre. Elle se lova contre lui.

— Bon, je vais faire un effort... Mais, c'est vraiment parce que je t'aime !

Il l'embrassa puis s'écarta d'elle, goguenard.

— De toute façon, tu avais promis de jouer le jeu ! J'avais assuré mes arrières.

Elle lui jeta un regard faussement furibond.

— Tu ruines mes efforts de romantisme !

Il leva les mains comme pour se défendre.

— Pardon, très chère.

Puis, il lui indiqua la direction du guichet avant de la tenir galamment par le bras.

— Je te préviens ! Je sais pas faire de patins du tout... Je m'y suis jamais risquée. Je galère déjà tellement avec mes propres pieds, je vois pas l’intérêt de rajouter une lame en-dessous. Si je tombe, ce sera ta faute...

Chuck semblait à peine l'écouter, regardant autour de lui avec enthousiasme. Ses longues protestations n'avaient plus d'effet pour lui au bout d'un an. Il la laissait désormais s'énerver toute seule attendant qu'elle se calme avant de parler. Et sa méthode fonctionnait. Un peu trop même au goût de Jess... Pourtant, la colère qui l'habitait depuis des années commençait à s'estomper. Enfin, quelqu'un l'aimait vraiment !

Elle cessa ses jérémiades et enlaça Chuck, essayant de lui transmettre tout l'amour qu'elle ressentait pour lui. Il lui jeta un regard étonné qu'elle effaça en embrassant ses lèvres délicatement. Un peu surpris par le baiser soudain, il la fixa :

— Qu'ai-je donc fait pour mériter ça ?

Elle haussa les épaules. C'était toujours difficile pour elle d'assumer ses sentiments.

— Rien… Enfin, si, beaucoup, en fait ! Je veux dire… Tu es là pour me soutenir, me protéger, me laisser tempêter…

— Pour t'aimer, tu veux dire ?

— Oui, c'est ça… Je crois…

— Tu es tellement mignonne, ma chérie ! En tout cas, tu vas faire du patin avec moi ! Promis, si ça se passe mal, on s'arrête…

Elle déglutit difficilement. Sa maladresse lui avait causé beaucoup de problèmes dans son enfance, ses camarades se moquant régulièrement de ses bourdes. Même adulte, elle lui avait coûté de nombreux jobs. Du coup, au lieu de parvenir à s'améliorer, cela n'avait fait que s'empirer avec le stress. Elle souffla :

— Je te fais confiance…

Les patins enfilés, elle marchait sur le sol avec l'impression qu'elle allait tomber. Comment allait-elle faire sur la glace ? Son appréhension dut être visible car Chuck l'encouragea :

— Ça va aller ! Je te lâcherai pas !

Et, d'un pas souple, il s'installa sur la patinoire puis se retourna vers elle, main tendue dans sa direction.

— Allez viens !

Hésitante, elle attrapa sa main, mais quand elle sentit le mouvement de son patin, elle préféra s'accrocher à ses deux bras. Hors de question qu'elle le lâche !

— L'idée c'est qu'on se déplace, lui susurra-t-il à l'oreille. Même si j'aime beaucoup être aussi proche de toi…

Elle soupira et se décolla légèrement.

— Comment fait-on alors ?

Il souleva son patin et le fit glisser sur la glace, l'entrainant avec lui. Elle se crispa attendant la chute avec appréhension, mais rien ne se passa. Chuck la tirait et elle suivait doucement. Un petit sourire naquit sur son visage.

— Tu vois, c'est pas si dur ? lui assura-t-il ravi.

Elle n'était pas encore totalement convaincue, n'ayant pas soulevé son pied d'un millimètre. Jess leva le visage vers Chuck et l’embrassa tendrement.

L’amour qu’il y avait entre eux lui donnait la force de prendre des risques. Que ce soit sur la patinoire ou dans la vie.

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