LA REINE DU BAL (5/5)

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Reine s'empressa d'augmenter la luminosité de la pièce. Elle disparut aussitôt avant de revenir à la hâte, une poche de glace à la main, qu'elle posa sur mon front. Un hématome se formait au niveau de sa pommette. La colère tonnait désormais dans ses baragouinages névrotiques.

— La glace ne va rien faire ! Non, je ne peux pas te perdre. Pas toi. Il faut que j'intervienne sinon ce sera trop tard.

Reine attrapa les poignées du fauteuil, m'expédia dans le couloir, bifurqua et me gara cette fois dans une nouvelle pièce. Une sorte de laboratoire à l'intérieur duquel planait un effluve chimique qui m'irrita aussitôt les muqueuses. Sur le plan de travail en faïence, des instruments chirurgicaux, des produits divers et variés dont des bidons de formol pur. Je crus lire « Lanoline » sur d'autres. Un puissant hydratant. Non loin, une étagère surchargée de grands contenants en verre, hermétiques, où trempaient des visages féminins placés sur des têtes de mannequins.

— Pas le temps de sauver la robe. J'en rachèterai une, ce n'est pas grave, conclut Reine, enfilant casaques de chirurgien, gants, surmanches et tablier à usage unique.

Elle déballa une seringue, enfonça l'aiguille dans un flacon mystérieux. Je gesticulais, vociférais, tentais le tout pour le tout, sans réel espoir de m'en sortir. Reine injecta la substance. Je m'évanouis.

* * * * *

— Ça y est, tu es réveillée ? entendis-je, au sortir de mon anesthésie. Je t'ai sauvée, ma petite Nora. Tu vois ? Si tu as mal, tu me le dis, j'augmente la morphine.

Vision trouble. Douleur. Nausée. Une masse trouée s'agitait devant moi. Je percevais le blanc de la faïence murale à travers les orifices.

— Tu ne dois pas voir grand-chose. C'est normal, ne t'inquiète pas. C'est toi, Nora. Exceptionnellement, j'ai tout enlevé. Dommage que ta bouche n'ait plus le même goût ni la même texture, mais au moins, tu ne saccageras plus rien.

Elle approcha son nouveau trophée, le contempla pendant de longues minutes puis l'embrassa, frotta sa joue contre lui en gloussant. Enfin, elle l'enfila. Je me sentais partir. Mon cœur ralentissait. Une main s'immisça sur mon sein ensanglanté, une autre entre mes cuisses amorphes. L'ombre changea de place. Mon fauteuil bougea. Un couloir. Une valse. Une intense odeur de framboise. Un murmure à mon oreille :

— Papa disait toujours que je pourrais être baisable avec un masque.

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