Les siècles s’égrainent, mais la vie reste. L’ennui s’installe, mais le mort passe son chemin. Après avoir vécu plusieurs époques, Jaden avait choisi de s’établir au XVIIIe siècle. Les convenances et les règles de la société lui plaisaient plus que partout ailleurs.
Le fait d’être Duc de Fordwitch l’aidait peut-être à apprécier un peu plus sa vie.

En effet, même s’il était devenu duc à la suite d’un malentendu, si on appelait tuer le propriétaire du duché pour prendre sa place un malentendu. Il prit sa tache très au sérieux, prenant à ses métayers leur loyer ainsi que le sang de leurs bêtes.
Les villageois et les domestiques connaissaient bien la véritable nature de leur maître. Mais les légendes disaient faux. Ce vampire-là n’avait jamais tué l’un des leurs pour emporter et damner leurs âmes. Au contraire, il prenait toujours leur défense et défendait son duché comme une mère protège son petit.
Et même si plusieurs cas de vampirisme leur étaient revenus aux oreilles, les villageois, c’était tuent. Par loyauté d’une part et d’autre part, parce qu’ils avaient tout de même peur de lui.

Jaden jouait de la peur de son personnel, étant tantôt doux lorsque la situation le demandait, tantôt sévère pour que personne n’ébruite sa condition. Les hautes sphères n’avaient pas besoin d’être au courant, les gens qui pensent être éduqués et qui connaissent la vérité sont plus difficiles à manipuler. Le Roi étant un parfait abrutit qui ne se doutait pas une seule seconde que l’un de ces plus précieux conseillé est un vampire, le rendait malléable à souhait.

Il fallait donc qu’il se fasse discret. La cour est un endroit dangereux pour quelqu’un comme lui. Les autres courtisans cherchant désespérément à lui nuire pour prendre sa place étaient nombreux. Il fallait donc qu’il soit irréprochable.

L’ambition de Jaden était simple, il voulait juste s’amuser pour tromper l’ennui provoqué par plusieurs siècles de vie. Mais il était trop lâché pour mettre fin à ses jours. Il avait tout essayé pour éprouver le moindre soupçon d’amusement. Mais comment éprouver de la nouveauté quand on a tout vécu ?

Tout vécu non, il lui restait une chose qu’il aurait aimé connaître, l’amour. Le véritable amour, pas une aventure sans lendemain comme il en a connu des millions, ni un simple attachement. Non un amour qui lui ferait fondre son cœur gelé depuis si longtemps.

Mais il l’avait cherché toute sa vie en vain. Malheureusement, ce mince espoir le rattachait encore à la vie éternelle plutôt que de basculer dans la mort.

Cet espoir avait un nom, il l’entendait toutes les nuits en rêves Rayna. Un chant lancinant lui répétait ce prénom jusqu’à son réveil. Le rêve se terminait toujours par deux yeux d’argent atteignant son âme.