Chapitre 67 - Retour à Louannec

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« Dis, Paula, tu pourrais me donner le numéro de téléphone de ton frère ? »

Paula ne put s’empêcher de prendre un air à la fois surpris et intrigué.

« Y aurait-il un truc qui m’aurait échappé au réveillon de Noël ?

— Ne t’emballe pas, Cupidon. C’est à mille lieues de ce qui peut trotter dans ta tête. »

Paula fit la moue.

« D’accord… Du coup, je peux savoir pour quelle raison louche tu pourrais avoir envie de recontacter Firmin ? Non pas que je veuille m’interposer… Plutôt par une certaine curiosité assez logique pour une sœur. »

Shany s’assit à côté de Paula.

« Je te le dirai si tu acceptes de m’épargner tout sermon.

— Hop hop hop…. Y a un truc entre toi et mon frère ? Sinon sur quoi voudrais-tu que je te sermonne ? »

Shany leva les yeux au ciel et soupira.

« Tu te rappelles de la petite fiole de produit que j’avais achetée sur le marché de Noël ?

— Peut-être… Vaguement, oui… Pourquoi ?

— Je voudrais retrouver l’homme qui l’a donnée.

— Pourquoi ? La fiole contient la formule de l’élixir de Jouvence ?

— Pas tout à fait, mais il se pourrait que cela soit dans la même veine compte tenu des circonstances.

— Bah vas-y, dis-moi… »

Shany tourna la tête vers Paula pour la fixer droit dans les yeux.

« Okay, okay… Je te promets… Pas de sermon. Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer !

— Bon en fait, cette fiole contenait un remède.

— Un remède contre quoi ?

— Bah, quand j’avais parlé avec le mec du marché de la pathologie de Clara et lui m’avait donné cette fiole.

— Et donc ?

— J'en ai donné à Clara.

— T’as testé directement sur ta nièce ? T’es pas folle ?

— Paula ? T’avais promis, non ?

— Oui, j’avais promis, j’avais promis… Tu me sors un truc énorme. Tu te doutais bien que cela n’allait pas passer comme une lettre à la Poste. T’es sérieuse là ? Tu as testé le produit sur ta nièce sans en parler à personne ? Ni à ta sœur, ni à ton beau-frère ?

— Ni à Clara.

— Hein ? Mais t’es une grande malade. Imagine si cela avait été un poison ou un truc auquel elle aurait été allergique, je ne sais pas, moi…

Shany devait trouver des raisons très rapidement pour convaincre son amie. En pareil cas, elle s’exprimait à toute volée. Il fallait la suivre.

— Bon je ne vais pas épiloguer là-dessus, Paula. Je l’ai fait. Je ne l’ai pas dit à Clara car je voulais éviter tout effet placebo. Je n'en ai parlé à personne pour éviter d’avoir à épiloguer pendant des heures sur la pertinence de le faire ou non et puis, c’est des plantes. On me rabâche à longueur de journée que la médecine par les plantes, c’est de la foutaise, que même si cela avait un effet, ce serait infinitésimale. Voilà, au pire, il paraît que cela n’a aucun effet. De toute façon il fallait bien tenter quelque chose. Mais bon, nous n’en sommes plus là. Il se trouve que son truc fonctionne. Le hic… Car il y a un hic. C’est que le principe actif du produit, on ignore ce que c’est. A part que c’est une plante et plus exactement, la fleur d’une plante. Mais à part ça, on ne sait rien… D’où mon besoin de contacter Firmin. Alors tu m’aides ? »

Paula regarda son amie avec circonspection. Elle ne savait plus trop quoi penser, surtout que, si la conclusion s'avérait, c’était tout de même quelque chose d’incroyable.

« Bon, je ne vois toujours pas ce que Firmin va pouvoir faire, mais file-moi ton téléphone, je vais ajouter mon frangin dans tes contacts.

— Merci. fit Shany en tendant son smartphone à Paula.

— Je te jure. Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour ses amies ! »

Shany ne perdit pas une minute et partit dans la chambre pour appeler Firmin.

« Hello !

— Hello… Qui est-ce ?

— Oh sorry, c’est Shany, la colocataire de ta sœur…

— Je me disais bien que la voix me disait quelque chose. Inutile que je te demande la manière dont tu as pu avoir mon numéro. Que puis-je pour toi ? Je suppose que tu ne m’appelles pas pour parler de la météo.

— Non, en effet. J’aurais besoin de deux services.

— Deux services ? Rien que ça… Que vais-je y gagner ?

— Mon éternelle reconnaissance, c’est suffisant ?

— Je ne sais pas… Je suis dur en affaires en principe… Mais bon, dis toujours. »

Elle parla alors du marchand

« Il se trouve que je voudrais absolument le rencontrer de nouveau. Mais je ne sais pas vraiment comment le retrouver. Je me disais que toi, tu aurais sûrement une idée.

— Okay. Euh… Et bien, je crois que j’ai peut-être une idée, oui. En fait, le marché de Noël, c’est une association qui s’en occupe. Il se trouve que je connais le président, on fait du char à voile ensemble. Ton marchand, il vend quoi ?

— Des potions. »

Shany entendit Firmin pouffer de rire à l’autre bout du fil.

« Hein, un marchand de potions ? T’as rencontré Panoramix à Noël ?

— Très drôle… » fit Shany.

Elle n’avait pas vraiment compris qui était ce Panoramix mais d’évidence, c’était censé être comique.

« C’est un Italien, Milo.

— Oh, si ce n’est pas indiscret, comment fais-tu pour connaître le prénom d’un marchand que tu n’as rencontré qu’une seule fois ?

— Aucune idée, c’est lui qui s’est présenté.

— À la hauteur de leur réputation finalement…

— Que veux-tu dire ?

— Les italiens c’est bien connu, ce sont des séducteurs invétérés. Vous ne savez pas cela, aux Etats-Unis ?

— Si, si c’est juste que je ne t’avais pas suivi.

— Ok Sinon, si je n’ai pas rêvé, tu voulais que je te rende un deuxième service…

— Non, tu n’as pas rêvé.En fait, le second service dépendra de la réalisation du premier…

— Laisse-moi deviner… Tu ne voudrais pas que je t’héberge pour que tu partes à la recherche de ton beau mâle italien ?

— Euh… non…

— Ah, oui, je suis bête. L’hôtel… Ce ne sera plus intime…

— Mais non, tu n’y es pas du tout.

— Ah mais je peux t’héberger si tu veux… Cela ne me pose pas de problème.

— Mais non ! Je ne veux pas retrouver cet homme parce qu’il m’a séduite ou tout autre chose dans le genre… Beurk… Tu es tordu, toi…

— Oh je suis désolé. J’ignore à quoi ressemble ton Italien, cela aurait pu être un petit gars sur lequel tu avais flashé. Je ne sais pas, je n’étais pas avec toi. »

Shany était un peu irritée mais il lui fallait reconnaître que Firmin avait un peu raison.

« Bon ok. Cet homme m’a donné un produit particulier et il se trouve que celui-ci est très intéressant. Seulement, impossible d’en connaître totalement sa composition même en l’analysant. J’ai besoin de l’interroger pour savoir s’il veut bien me donner une piste.

— Intéressant comment ?

— Intéressant comme une substance qui pourrait soigner une certaine pathologie qui n’a actuellement aucun traitement. Une maladie mortelle.

— D’accord. » fit Firmin.

Shany entendit que dans la tonalité de ce “D’accord”, elle avait fait mouche. Elle réfléchit rapidement. Elle hésitait à lui dire toute la vérité. D’un côté, elle n’avait pas envie que Firmin la prenne pour une inconsciente qui avait tenté de soigner sa nièce coûte que coûte, quitte à prendre des risques incontrôlés. D’un autre côté, révéler la vraie raison pouvait être un élément qui pouvait lui assurer une réelle motivation de la part de Firmin. De plus, celui-ci le saurait d’un jour à l’autre par sa sœur.

« Pour dire la vérité, cela pourrait être un traitement pour ma nièce.

— Ah. Ta nièce est malade ?

— Oui. Désolée, je pensais que tu le savais… Je pensais que Paula te l’avait dit. » fit Shany en réalisant qu’il n’y avait aucune raison pour que Paula lui ait confié cela. C’est moi qui m’imagine que les gens connaissent tout de moi et de mon contexte de vie avant même que je ne leur dise. Bref voilà…

— Ne sois pas désolée. Je ne vais pas te dire que je m’en fous de tes motivations mais disons que motivation ou pas, je vais t’aider à retrouver ce gars. Laisse-moi quarante-huit heures max et je te donne des nouvelles sur le sujet. Tu sais, je connais très bien le Président de l’amicale des commerçants de Noël, je peux lui demander s’il connaît ton gars aux potions magiques. Au pire,tu peux m'accompagner au repas qu'ils organisent après l'assemblée générale, mercredi prochain.

— Ouille, en pleine semaine. Je suis en train de travailler sur une étude avec plusieurs étudiants. Bon, ils ne vont pas sauter de joie, mais, right. Je t’envoie l’heure et le numéro du train. Ça ira ?

— Bien sûr, je ne sors pas en mer en ce moment. Tu viens quand tu veux.

— Really ?... Merci.

— Oui, bah tu me remercieras après. »

Ils terminèrent leur conversation en évoquant l'hébergement.

« Imagine que ton gars soit retourné en Italie… Tiens. Peut-être que ce sera là-bas qu’il faudra que tu ailles… »

Et il n’avait pas tort. Ils se saluèrent et raccrochèrent. Shany mit à jour son agenda puis retourna dans la pièce commune de l’appartement.

« Alors ? fit Paula qui semblait l’attendre en embuscade, affalée sur le canapé.

— Alors quoi ?

— Je ne sais pas… Ton Cupidon au chômage se demande si t’as conclu ton affaire… C’est tout.

— Ton frangin me rappelle dès qu’il a du nouveau. Soit aujourd’hui, soit demain. Mais plutôt demain a priori.

— Cool ?

— Oui, c’est “cool” ! J’espère vraiment qu’il va le retrouver.

— Pour ça, fais confiance à Fifi. Quand il s’y met, c’est un vrai limier !

— Fifi ?

— Ouais, ce n’est pas terrible comme surnom. Quand j’étais gamine, je n’arrivais pas à prononcer son prénom. Firmin. C’est compliqué. Du coup, je l’appelai “Main-nain”. Ou peut-être que j’entendais mal, maintenant que j’y pense ! »

Shany éclata de rire.

« Peut-être. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que pour une américaine, “Ma…Nine…” c’est imprononçable ! »

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