Chapitre 86 - La présentation de Shany

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Au sortir du bureau, le téléphone de Jennifer vibra.

— Milo ?

— Ma qué que oui, c’est moi. Bonjour. J'ai rassemblé tout le matériel et préparé pas mal de fioles d'avance.

— Oh, parfait. Merci. Nous sommes en plein avec les médecins de Clara. S’ils le veulent bien, Shany va leur présenter ses conclusions d’analyse. Peut-être que vous pouvez poser une option pour un vol pour New-York. Dès qu’on sait si l’équipe de l’hôpital est partante pour le traitement, vous n'aurez qu'à sauter dans l’avion.

— Ok, mais une autorisation est-elle nécessaire pour le transport des appareils plein de fioles inconnues ?

— Nous allons vérifié cela et je vous rappelle. Est-ce que ça vous va ? Je suis désolée. Vous êtes coincé en Italie, mais nous faisons au plus vite. Scuci !

— Ça ira. Ici, mes amis et ma famille m’entourent.

— Parfait. Je raccroche. Pendant ce temps, par texto, envoyez-moi les éléments pour que je puisse vous transférer la somme pour les appareils réfrigérés et le prix du billet par Western Union, d’accord ?

— Perfecto, ciao !

*

Le couple rejoint Shany. Le casque sur les oreilles, cette dernière écoutait un opéra italien. Cette musique avait le don de la calmer.

— Alors ? interrogea Shany, de bonnes nouvelles ? en soulevant les écouteurs de son appareil.

— Ils discutent. Ils vont voir s’ils consentent à ce que tu puisses leur présenter les preuves de l’efficacité du produit.

— Bon, j’ai une soif de chameau. Je vais me chercher un thé au rez-de-chaussée. Quelqu’un veut quelque chose ?

— Non, ça ira.

— Ok, j’en ai pour une minute. S’il y a urgence, Jennifer appelle-moi !

Quelques minutes plus tard, le professeur Claye vint les chercher. Il avait ôté sa blouse blanche.

— Bien, Larry et moi-même sommes prêts à écouter votre sœur. Gageons que le fruit de ses études saura nous convaincre. Faites entrer l’accusée, annonça Raymond Claye, théâtralement.

— Pardon ? s’indigna Jennifer goûtant peu le trait d’humour.

Raymond Claye prit un air gêné.

— Pardon, je tentais un trait humoristique.

— Ce n’est rien. Je suis un peu à cran.

— Je comprends. Où est notre jeune prodige de la donnée ?

— Je l’appelle, elle va arriver d’une minute à l’autre.

Sur ces entrefaits, apparut Shany. Tchin ! dit-elle en levant son gobelet de thé bouillant.

— Oooh, pardon. Je ne vous avais pas vu, Monsieur ?

— Professeur Raymond Claye, Chef du service des enfants malades de cet auguste hôpital. Nous n'attendions plus que vous. Si vous voulez bien me suivre.

— Je prends mon cartable. Je vous suis.

Larry Swan avait ajouté une chaise. Le professeur Claye retourna s'asseoir derrière son bureau aux côtés de son collègue qui semblait plus que dubitatif. Il sembla à Patrick et Jennifer que le Professeur Claye se montrait plus ouvert que son confrère, un poil renfermé.

*

Raymond Claye, en qualité de Chef de service et représentant de l’étage des enfants malades prit la parole :

« Bien, tout le monde est assis. Commençons ! Voilà où nous en sommes, Mr Swan et moi. Pour le moment, nous n’avons pas encore annulé la greffe. Nous avons encore quelques petites heures devant nous. Nous allons écouter vos arguments. Vous vous en doutez, c’est quitte ou double. Soit vos dires révèlent un potentiel non négligeable de guérison pour votre fille et notre patiente. Soit, nous jugerons que vos recherches sont peu tangibles et non concluantes. Soyons bien clairs, ce dont il est question ici est le strict intérêt de Clara. Sa santé oscille trop entre des signes de maladie aiguë et des crises de détresse respiratoire. Personne ne peut se permettre de laisser au hasard toute chance de mieux-être. Ce que je veux dire est que, bien entendu, si la greffe peut être évitée, nous tiendrons un conseil scientifique afin de mettre au point un nouveau protocole de soins. En revanche, la greffe peut être aussi une option certes complexe mais qui soulagera durablement les effets chroniques du syndrome de Panzuzu. Est-ce que notre démarche est bien claire ? Nous devons nous décider rapidement, le temps est compté. »

Le chef de service regarda son assistance avec un air satisfait de son discours introductif. Shany ne put s’empêcher de faire une grimace.

« C’est bien clair, répondit Patrick dans un hochement de tête qui signifiait son assentiment.

— Oui, très bien. Votre point de vue est compréhensible. » renchérit Jennifer en écho, tout en fronçant les sourcils à l’attention de sa petite sœur.

En guise de réponse, Shany était déjà en train de sortir l’épais classeur relatif à ses recherches. La fermeture du cartable résistait. Elle insista pour l’ouvrir. La boucle finit par se casser, mais le compartiment offrait l’accès aux précieux documents.

« Voilà ! Ouf, c’est le dossier. » fit-elle dans un grand sourire soulagé.

Sans y avoir été invitée, elle s’empressa d’en ouvrir le contenu sur le bureau de Raymond Claye qui eut le réflexe de retirer le cadre photo de ses enfants qui se trouvait sur le bureau.

« Bien, tout d’abord, ici se présentent les dates des crises de Clara, les signes avant-coureurs les annonçant. J’ai voulu observer si ces crises étaient récurrentes de manière aléatoire ou bien s’il y avait une certaine corrélation. Et aussi, bien sûr, quels étaient les facteurs qui les occasionnaient. »

Claye, quelque peu brusqué par cette introduction, donna ses premières remarques qu’il formula sous la forme de pseudo-objections.

— Vous n’avez pu tirer ses conclusions seule. Vous ne pouviez que vous appuyer sur des travaux existants ! »

Shany regarda le médecin avec un œil terne. Elle s’attendait à ce que cette question finisse par tomber mais pas dès le début. Elle voulait à tout prix éviter de compromettre Monica. Celle-ci était tenue au secret professionnel et était passible au minimum d’une amende voire même une peine de prison pour toute divulgation confidentielle d’informations liées aux patients. Avec sa détermination habituelle, Shany décida d’ignorer fallacieusement la question et elle poursuivit :

« Pardon, mais je donnerai les détails des données brutes par la suite. Pour l’instant, concentrons-nous sur la démarche scientifique qui m’a conduite à valider le fait d’administrer la potion à Clara. »

Patrick se rappela la version qu’ils avaient communiquée à l’équipe médicale.

« Oui, c’est cela. Nous avons validé tous les points avant toute chose. »

Shany ne comprit pas l’intervention de Patrick mais n’en fit pas cas. En revanche, la remarque fit mouche car Claye hocha la tête, l’air surpris mais avec une expression qui montrait son approbation.

« Bien, il a été constaté que ce qui précède une crise aiguë est l’apparition de tâches bleutées qui marquent les insuffisances pulmonaires et veineuses. Voyez le schéma : la veine cave supérieure est la grosse veine qui fait circuler le sang de la tête vers le thorax puis le cœur. Le syndrome de compression de la veine cave supérieure se manifeste quand une pression est exercée sur la veine cave supérieure, lorsque celle-ci est partiellement obstruée. Donc le sang ne peut pas retourner au cœur normalement, causant ainsi plus de pression sur les veines et le visage, ce qui provoque une accumulation créant une enflure et ces tâches. La trachée, obstruée, prive la personne d’une respiration standard qu’on voit sur le corps de Clara sur ce cliché. Voilà pour l’aspect morphologique, passons maintenant aux causes, aux facteurs aggravant la maladie. »

Les médecins étaient médusés par autant de précision. Ils devaient bien se rendre à l’évidence : chaque étape avait été consciencieusement observée dans ses manifestations physiques et organiques, documentée, analysée afin de pallier toute éventuelle complication pour Clara.

Les deux spécialistes étudièrent le dossier que leur présentait Shany.

« Et où donc tout cela vous a-t-il mené ? fit L'anesthésiste en se grattant le nez.

— Hé bien, comme vous l’a dit Patrick. La plante, une fois transformée, garantit, comme le prouve mes recherches, la prise en charge thérapeutique de la maladie.

— Certes, mais quelle est votre proposition ? Mr et Mme Cunningham ont évoqué un remède thérapeutique, remarqua le Professeur.

— Pour le moment, le médicament est sous la forme liquide. Un pro des plantes de notre connaissance a mis au point la formulation.

— Et, il en a préparé plusieurs litres. Le but est de pouvoir administrer la substance à Clara, éviter l’opération, la soigner le temps que la plante puisse être reproduite à l’infini.

— Vous rendez-vous compte ? Entre le moment où nous tenons un médicament susceptible de soigner qui que ce soit et la commercialisation d’un produit que le délai de un à deux ans ?

— Les recherches sont en partie effectuées au sein de mon université, mes recherches ont pour but de transmettre les évaluations cliniques aux autorités. Bien sûr, les chercheurs de cet hôpital devront se baser sur un panel comptant plus que la patiente Clara seule. Mais la maladie est si rare, que vous devez connaître en partie les personnes touchées par ce syndrome. Leurs analyses existent.

— Oui, certes, répondit Mr Swan, il existe un fichier des personnes souffrant de Panzuzu.

Raymond Claye siffla - ce qui surprit l’ensemble de l’auditoire.

— Hé ben. Votre CV indique que vous avez été l’étudiante de Jeremy Monroe. J’avoue Mademoiselle que votre parcours plaide pour vous car tout le monde n’a pas la chance d’être accepté au sein de la sacro-sainte université de Columbia.

Shany de nature modeste se contenta de sourire et en profita des bonnes dispositions des chercheurs pour argumenter :

— Vous aurez le loisir de vous baser non seulement sur vos travaux, et aussi sur mes graphiques et infographies, argumenta Shany. De plus, j’ai créé des matrices permettant de confronter différentes données sur un temps non déterminé et pour plusieurs personnes en tenant compte de spécificités sanitaires et d’autres facteurs que je développerai ultérieurement. Mon programme peut évoluer de sorte que tous les chiffres, les signes de mieux-être et effets secondaires soient comparés, y compris en comparaison inter-laboratoires.

— Il est certain que vous avez un certain talent pour valoriser les recherches en mode graphique et autres présentations synoptiques, observa Raymond Claye.

Une fois la plante synthétisée, la molécule créée, elle sera reproductible en laboratoire. La phase de test pourra débuter. Ainsi, l’hôpital pourra s’enorgueillir d’avoir fait progresser la science. Nous pourrons conjointement demander l'autorisation de mise sur le marché à la FDA. Nul doute qu’un grand industriel pharmaceutique commercialisera ce nouveau produit à la pointe de la technologie.

Le professeur fut piqué au vif, il ne s'attendait pas à être mis en défaut par une toute jeune.

— Hé bien, jeune fille, ne nous emballons pas. Nous pourrons voir cela plus tard.

— Très bien, répondit Shany, parfait.

— Nous contactons la responsable juridique dès à présent. Nous revenons vers vous dès que les documents de décharges financières sont rédigés pour signature.

— Très bien, répéta Shany.

Elle avait certes travaillé d’arrache-pied sur ses recherches et avait sollicité plusieurs personnes sur deux continents. Ceci dit, Shany pensait qu’elle devrait batailler davantage pour défendre son dossier et les intérêts de Clara dans la foulée.

— Serrons-nous la main, proposa le Professeur Claye qui voyait déjà les retombées que les recherches de Shany pourraient lui occasionner en se révélant être un sérieux coup de pouce à sa carrière. Il était déjà en train de rechercher les titres accrocheurs de publications qu’il allait sans conteste rédiger pour les magazines tels que The Lancet. A partir de ce moment-là, sa notoriété serait grandissante, il ne serait plus jamais question d’aller chercher des subventions publics ou privés pour lancer des recherches susceptibles d’améliorer la santé de ses semblables.

— Une dernière chose, Professeur Claye. La plante concernée Camilla Alpaca ne pousse qu’en Italie. Notre contact, Milo Azzaro, est sur place à Riomaggiore. Il a préparé des flacons emplis de la substance qui peut soigner Clara en attendant que vous puissiez mettre au point le médicament. En attendant, on se demandait si une autorisation est nécessaire pour le transport en avion. Pouvez-vous poser la question au service juridique.

— Bien entendu. J’imagine que la réponse est urgente ?

— Plutôt.

— D’accord, considérez que c’est fait. Vous pouvez dire à votre contact de se précipiter vers le premier vol. Si une autorisation est indispensable pour le transfrontalier, on y va ! Sur ce, on a du pain sur la planche, ne vous vexez pas, mais nous allons prendre congés.

— Bien sûr, au revoir, à bientôt, Professeur.

Et le petit groupe, fort enjouée, sortit à la queu leu leu du bureau de Raymond Claye.

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