Chapitre 42 - Nuit blanche

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Shany ouvrit un œil et regarda l’heure sur son téléphone. Il était trois heures et demie du matin. Elle inspira profondément, ferma les yeux et expira lentement pour se détendre. Décidément ces vacances s’avéraient peu reposantes. Il fallait dire que son cerveau tournait en boucle au sujet de Clara. Elle repartait sur Paris samedi. D’ici là, elle devait absolument savoir si ce qu’elle avait observé lors de la première dose allait s’avérer ou pas. Il n’y avait aucune raison pour que l’effet ne se reproduise pas. Cela n’avait rien à voir avec la rigueur scientifique, mais elle y croyait. Elle se redressa sur le bord du lit pour se lever. Elle enfila ses chaussons et se dirigea vers le couloir.

Avant de le traverser, elle tendit l’oreille pour capter tout bruit inhabituel. Même si cela faisait plus de six mois qu’elle n’habitait plus dans cet appartement, il restait que la mémoire des sons de l'environnement était encore parfaitement présente dans sa tête. Elle entendit le bruit de la respiration d’une Jodie qui semblait dormir profondément. Elle s’avança et rejoignit la partie cuisine. Elle fouilla dans le réfrigérateur pour trouver quelque chose à manger et à boire. Elle trouva une bouteille remplie de jus de papaye et attrapa une boîte de pâté. Elle chercha du pain mais n’en trouva pas. Décidément, toutes ses colocataires avaient un problème avec les boulangeries. Elle ouvrit les placards les uns après les autres et finit par trouver un paquet de pain de mie oublié. Elle regarda la date de péremption. Il restait deux jours avant la limite.

Elle retourna dans sa chambre et s’assit sur le lit pour se préparer un encas. Elle en profita pour allumer son ordinateur portable et retourner sur le fichier tableur où elle avait compilé tous les événements : les résultats d’analyse, les traitements administrés et les symptômes. Malgré la simplicité d’établir un suivi en se contentant d’interroger le patient, le manque de rigueur dans le recueil des données sur le ressenti du malade était patent. Pour recréer des indications fiables, elle s’était astreinte à structurer une nomenclature qui lui avait permis de les compiler dans des graphes pour combler les lacunes. En appliquant sa méthode, les symptômes qui s’aggravaient ou évoluaient, se révélaient formels et sûrs. La précédente fois, elle s’était appuyée sur la fréquence des crises et le témoignage de Clara pour valider l’effet bénéfique de la potion administrée. Cette fois-ci, elle voulait corroborer ces éléments à l’évolution d’un indicateur dans les résultats d’examens. Alors elle compara ceux-ci sur les 6 derniers mois et releva toutes les variations. Une fois cette tâche réalisée, elle les analysa pour déterminer ce qu’elles pouvaient traduire. A mesure qu’elle avançait sur son travail de déduction, quelque chose apparaissait. La maladie de Clara semblait fluctuer comme une sorte d’allergie. Il transparaissait que le produit donné à sa nièce semblait avoir un effet atténuateur dans la manifestation des effets de la maladie. Cette conclusion, elle seule pouvait la faire car elle seule savait ce qui avait changé entre les deux précédents examens. Se pouvait-il que cette maladie soit comparable à une grave allergie ? C’était assez étrange voire osé comme postulat mais pourquoi pas ? L'important était de confirmer ces hyposthèses : premièrement, cet effet thérapeutique se maintenait à la prochaine dose ; deuxièmement soit le produit traitait seulement les symptômes soit il avait une réelle action d'éradication de la maladie.

Shany releva la tête et regarda l’heure. Il était cinq heures trente. Il était temps de repiquer un petit somme pour être d’attaque pour la journée. Elle n’avait aucune certitude quant à ses conclusions d’analyse. Elle avait l’intuition qu’elle était sur une piste solide. Restait à vérifier la reproductibilité des effets positifs sur l’état de Clara. Il ne fallait pas s’emballer mais il ne fallait pas négliger l’hypothèse qu’elle puisse avoir raison. Elle se jeta en arrière atterrissant sur son oreiller les bras en croix. Heureuse, elle voulait savourer cette sensation. Elle ferma les yeux et se laissa aller. Elle s’assoupit avec une quiétude inédite.

*

Jodie vient frapper à la porte de la chambre pour signaler que le petit déjeuner était prêt et Shany bougonna qu’elle arrivait malgré le fait qu’elle n’avait absolument pas envie de se lever.

« Tu as une sale tête ce matin. Mal dormi ?

— Non, juste peu dormi. Trop peu, grogna Shany.

— Bouh, j’avais oublié que la Belle aux bois dormant était ronchon dans ce cas. Tu fais quoi aujourd’hui ? Tu retournes à l'hôpital ?

— Peut-être. Si j’ai le temps.

— Tu as autre chose en tête ?

— Oui, je dois aller voir mon ancien directeur de thèse.

— Ah bon ? Un souci ?

— Non, non. Juste envie de lui passer le bonjour, lui souhaiter la bonne année et sûrement lui poser deux ou trois questions.

— Tu es sûre qu’il va t’accueillir à bras ouverts ? De son point de vue, il doit avoir l’impression que tu as lâché en dernière année.

— Non, pas du tout. Clairement il n’a pas sauté de joie quand je lui ai dit que je partais en France et il n’y était pas favorable mais au fond, il comprenait que les études ne peuvent pas tout le temps préempter ta vie au motif qu’il n’y aurait qu’un seul chemin pour atteindre ton avenir. Bref… C’est quand même lui qui m’a fait le courrier de recommandation qui m’a fait admettre à Paris-Saclay… Je ne suis pas sûre que sans lui, j’aurais été admise. »

Elle pensait qu’il n’y avait aucun doute en vérité. Le nom de son directeur, Jeremy Monroe, avait fait briller les yeux de tous ceux qui l’avaient reçue en entretien préalable à son admission. Il fallait dire qu’il était un spécialiste reconnu dans son domaine et que ses publications avaient plusieurs reprises dans de nombreux travaux qui avaient abouti à des résultats de recherche plutôt prestigieux. Malheureusement, c’étaient ceux des autres et pas les siens. Ce qui en faisait un très grand contributeur scientifique mais sans distinction honorifique majeure.

« Ok. En tout cas, j’allais te proposer qu’on mange ensemble à midi mais, vu que l'hôpital de Clara est à côté de l’Université, j’en déduis que je ne te reverrai que ce soir. »

Shany eut un air désolé.

« Excuse-moi… C’est vrai que ce n'est pas cool de ma part. J’essaierai de rentrer tôt ce soir. Promis. »

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