Proxénétisme ?

2 minutes de lecture

Il m’a jeté devant vous, dans ma totale nudité, sans avertissement. J’en suis confus. Reconnaissez que vous n’étiez pas obligé•e de venir me regarder. Vous êtes là à me détailler, à me contempler avec une moue qui en dit long.

Il dit que je suis le fruit de son plaisir. Mais c’est un plaisir laborieux ! Il s’y est repris plusieurs fois, peinant, ayant recours à des artifices stimulateurs. C’est de la procréation assistée, je dis.

Tout ça pour m'exhiber devant vous. J’ai de la chance, car il n’a pas parlé de me « mettre en maison », comme d’autres de ces « créations », comme il nous appelle. En maison, offert à la vue de tous pour quelques pièces. Son objectif, je vais vous le dire, c’est de nous vendre ! Il faut que vous le sachiez. Alors, son plaisir, c’est de trouver ce qui va vous plaire, des formes agréables, une tournure élégante, des minauderies.

Mais je ne suis pas dupe ! J'ai compris qu'il attend ta réaction. C'est terrible pour lui. Il a besoin, comme nous tous, de reconnaissance. Il croit, le sot, que je suis un bon moyen pour cela ! Je l'ai entendu dire : « Ça, ça va marcher, c'est putaclick ! ». Voilà, il me prostitue pour son ego. il cherche à voir de l’extase dans vos yeux. Nous ne sommes que de la marchandise.

Je suis à ta merci. J'ai peur de ne pas te plaire, de t'embêter, d'être sans intérêt ou mal fagoté. Pourtant, tu sais, il a eu du mal à me concevoir. Je sais que je porte des choses très intimes de lui. Il y a ce qu'il voulait dire, mais j'ai emporté aussi ce qu'il voulait taire. Il y a même des bribes de choses qu'il ignore sur lui. Il le sait. C'est pour ça qu'il est très ambigu dans son amour pour moi. Il m’adore, me trouve sublime, mais je sens qu'il me hait pour tout ce que je vais rapporter sur lui.

Il me bazarde et m’abandonne sur ce site ! Il m'a rassuré, me disant qu'il y connaissait des gens extraordinaires. Je vois plein d’inconnus passer. Certains sourient, la plupart me survolent à peine. Je ne suis rien, une goutte invisible dans un océan de banalités.

Mais je lui appartiens, alors je cède. Je suis fier de travailler pour lui, de m'offrir à vous. Ce que je préfère, c'est quand je vois une émotion dans votre œil. Là, je sais que nous avons réussi. Nous nous sommes rencontrés, une fraction de seconde.

Je vous laisse, je n'ai pas encore fait ma recette de likes aujourd'hui. Il va être encore déçu !

Attention ! Pas la peine de m’en mettre un par charité ! J'ai horreur de ça. Moi, j'm'en fous ! C'est lui qui est vexé !

Si je n'en rapporte pas assez, il va être fâché. Il va me repasser dans son clavier. C'est vrai que j'en ressortirai plus souple, plus gouleyant, mieux tourné. J'aime bien, mais d'un autre côté, ça me déclenche des troubles de la personnalité. Je ne suis plus pareil en restant identique !

Quand je pense que demain, on n’existera plus : comme tout le monde, des robots nous aurons remplacés. Est-ce qu’ils auront aussi une âme pour ressentir la souffrance ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Jérôme Bolt ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0