GOYYYYAAAAAA.........aAAAArggh !!!!

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Goya ! 2 syllabes qui sonnent comme un cri de ralliement. Avec quelques points d'exclamation, on pourrait en faire un cri de terreur...GOYAAAAAA !.....AAAAaaarghhhhh !!!! .....

Il était pourtant bien joli en ce soir de Noël, ce monsieur à la chemise blanche. Son pantalon jaune avait l'éclat du soleil et son teint halé m'intriguait. Oui, intriguait à l'imparfait.

J'avais rendez-vous avec lui chaque année à la même heure. La pièce n'était pas grande et on était nombreux. Alors mon oncle disposait le sapin aux mille feux juste sous le tableau et je passais tout le repas à le contempler. LUI, l'homme qui criait si fort. Mille feux....feux.....FEU !!

Ce sont ses yeux, roulant dans leurs orbites qui me posaient problème. On ne voyait que le blanc, blanc comme sa chemise; Sa chemise blanche par-dessus son pantalon couleur soleil.

"C'est quoi Goya ?

- C'est le nom du peintre, il est espagnol.

- Ah. C'est pour ça qu'il est bronzé le monsieur. Ses cheveux noirs bouclés c'est pour ça aussi ? ....Il fait peur......

- Oui, ça s'appelle "les fusillés du 3 mai" et c'est un tableau de Goya.

GOYYAAAAA.....AAArgh.....

- Oui, chut, je l'entends.

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"Et par terre, le rouge, c'est du sang ?

Et l'autre monsieur, couché. Celui qui veut nous attraper les mains, il est mort ?

- Oui celui-là il est déjà mort
- Eh t'es sûr hein ??? Il va pas se réveiller ?"

Alors je regarde autour. Tout autour, ces êtres affolés la tête dans les mains, serrés les uns contre les autres. Ils semblent avancer à reculons.

Ils sont peu et si nombreux à la fois. Il y en a de chaque côté, comme 2 files de zombies, des morts et des moins morts. Ils semblent provenir de la pièce. Ils étaient sûrement cachés derrière le rideau. C'est pour ça.

En face des soldats, des fusils.

L'homme à la chemise blanche a levé les bras, dans un geste de désespoir. Il crie, il hurle. Est-ce qu'il est encore temps ? Est-ce que les fusils ont déjà déchargé leur poison ?

J'aurais voulu entrer dans le tableau, essayer quelque chose. S'il vous plait, ne tirez pas ! Ou simplement leur dire de ne pas avoir peur. Après tout, ça n'était pas pour de vrai, juste une image immobile, juste "pour de rire". Mais ce cri me pétrifiait. GOYYYYAAAAAA........aAAAArgggh....

"Non, n'éteignez pas les lumières !!!!

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- C'est l'heure ma chérie....Allez viens, le Père Noël va bientôt passer. Tu viens ? Et qu'est-ce que tu regardes comme ça ? Rrrhooo, encore ce fichu tableau !! Quelle idée franchement d'imposer une horreur pareille à des gosses.

Alors, régulièrement, on jetait un foulard sur la toile, ou on retournait le tableau. Le temps d'oublier...C'était Noël après tout. On pouvait bien faire comme si.

On sortait de la pièce, qui se retrouvait plongée dans le noir en attendant notre retour tandis que les cadeaux s'agglutinaient au pied du sapin.

Les lumières s'allumaient à nouveau pour nous accueillir. Pourtant je l'entendais toujours, je l'entends encore, mêlé aux cris de joie des gamins. Sous son linceul, face contre le mur, ce hurlement immense, avec ses yeux blancs exorbités et toute la terre qui saigne avec lui.

Figés dans le passé et toujours aussi vivants. Immortalisés sous le pinceau de Francisco de Goya, dans la nuit du 2 au 3 mai 1808...les fusillés de Madrid.

« Le peuple de Madrid abusé s'est laissé entraîner à la révolte et au meurtre !! » note le 2 mai 1808 Joachim Murat, chef des armées de Napoléon en Espagne. Il poursuit : « Du sang français a coulé. Il demande à être vengé ». Tous les Espagnols en armes faits prisonniers lors de la révolte sont fusillés. Environ 400 personnes seront exécutées.

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