Chapitre 12 : Fantômes du passé

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Colère. Indifférence. Tristesse. La mort brutale d'Irenia et la disparition de Viktor provoquèrent un florilège d’émotions. Mais déjà fallait-il passer à autre chose. Car dans le lointain retentissait la mélodie funeste de l'acier qui s’entrechoque. La quête aux indices démarra et ils exhumèrent rapidement les appareils d’un renfoncement rocheux. Tous étaient bien là, à l’exception de celui de Viktor. Logiquement, il devait être sur son propriétaire, en contrebas, mais le corps demeurait introuvable. Néanmoins, les recherches furent abandonnées quand Einar découvrit l’information capitale dans celui de la vieille dame.

- Ainsi donc, elle était la traîtresse... Ça explique son comportement. Poussée par la panique, elle a sans doute attaqué Viktor par surprise, suggéra-t-il.

Huori l’attrapa soudain par le col. Ses beaux yeux écarlates brillaient d’une rage inhabituelle.

- Ne joue pas avec nous ! C’est toi qui as proposé de tout lui remettre, en argumentant qu’elle était inoffensive !

- Qu’aurais-je à gagner d’un pareil chaos ? répliqua-t-il, plein de hargne en saisissant à son tour le poignet de son interlocutrice. Laisse donc tes préjugés de côté, veux-tu ?

Devant la sincérité de son indignation, la colère de la jeune femme s’estompa aussi rapidement qu’elle était montée, laissant place à l’incompréhension. Ce sentiment était partagé par le reste du groupe. En fin de compte, la découverte du traître amenait plus de questions que de réponses, et personne ne parvenait à expliquer précisément ce qui venait de se produire sous leurs yeux médusés. Mais ce sordide mystère ne les impactait pas tous de la même manière.

Agdhim regarda Emma avec une certaine tristesse. Tous deux connaissaient Irenia depuis plus longtemps que quiconque ici. Sans parler, il savait qu’elle était dévorée par le regret. Regret de ne pas avoir réussi à la rattraper. De ne pas avoir été suffisamment présent. Il soupira. Lui-même éprouvait une réelle amertume, mais il était absolument hors de question de se laisser abattre. Irenia ne faisait pas partie des personnes qu’il s’était juré de protéger.

Néanmoins, tant que les circonstances autour de sa mort seront nébuleuses, Emma aura du mal à avancer. Trouve quelque chose, vite.

Déterminée à résoudre le plus rapidement possible cette énigme, sa réflexion s'accéléra. Il était certain que la vieille savante, aussi diminuée soit-elle, n’aurait jamais commis un tel acte à l'encontre de Viktor. Ils étaient trop proches, trop complices.

D’un autre côté, la surprise d'Einar ne semble pas feinte. Même en préparant quelque chose contre nous, il n’a pas l’air d’avoir anticipé la tournure des événements. Cela ne peut vouloir dire qu’une chose. Quelqu'un d'autre complote, une tierce partie suffisamment rusée pour manipuler un Eadra.

À mesure que s'affinait sa pensée, tout paraissait converger vers un point trouble : la disparition de Viktor. De prime abord, il était logique de le considérer comme mort, pousser depuis le haut de la falaise. Pour tout le monde, ce n'était pas une hypothèse, mais un fait tangible. Pourtant, un problème mettait à mal cette version. L'absence de cadavre.

La clé du mystère réside probablement ici.

En faisant part de son analyse aux autres, il reçut une approbation générale, même de la part d'Einar. Ils se séparèrent donc en deux groupes, l’un restant sur la scène de crime, le second partant au pied de la falaise dans l'espoir de retrouver Viktor. Mais rapidement, tout le monde se réunit sur les traces de la seconde piste, jusqu’à faire une découverte macabre. Les jumeaux tombèrent presque par hasard sur une carcasse coincée entre plusieurs gros rochers. Sa position n'avait rien d'une coïncidence, et elle semblait avoir été délibérément cachée dans cet interstice invisible depuis le sommet. En l’extirpant, Vranill manqua de chuter à la renverse sous l'effet d'une terreur aussi soudaine qu'inattendue. Alors qu'elle s'écartait en jurant, Agdhim en profita pour s'approcher.

- C’est quoi ce délire... pesta-t-il.

Les tissus du visage avaient été arrachés, mais les cheveux grisonnants et les vêtements étaient amplement suffisants pour deviner à qui appartenait le cadavre

- Peut être qu’un animal l’a déplacée pour… suggéra timidement Margot avant de s'interrompre, prise d’un haut-le-cœur.

Ignorant la remarque, Agdhim se pencha pour mieux en observer les détails. Il palpa délicatement la chair à plusieurs endroits avec des gestes experts. Son malaise s'intensifia à mesure que progressait son investigation. Quand il se redressa pour livrer ses conclusions, son visage d’ordinaire jovial était résolument grave.

- La cause du décès n’est pas la chute.

Un court silence s’écoula, le temps que chacun puisse digérer l'annonce.

- Comment ça ? demanda finalement Emma, incrédule.

- Les blessures dues à l'impact sont post-mortem. (il désigna alors une entaille au niveau de la carotide.) Elle s’est vidée de son sang… depuis un bon moment. À priori, juste après s’être éloigné avec Viktor.

- C’est quoi ces sornettes ? intervint Vranill. Tout le monde a vu cette vieille folle, bien vivante, se jeter du haut de la falaise !

- Merci, le souvenir est encore bien vivace, ironisa Agdhim. Mais si je ne peux expliquer ce que nos yeux ont observé, je suis certain de ce que j'avance.

- Cause toujours, l’étranger ! Si tu penses que je vais te croi...

- Vranill, tais-toi, ordonna Einar.

Le jeune Eadra s'approcha pour ausculter à son tour le cadavre, réfléchissant quelques instants avant de se redresser.

- Il dit vrai, admit-il.

Cette confirmation écarta les précédents soupçons et plongea le groupe dans une stupeur silencieuse. Une bourrasque souffla soudain. Le ciel se couvrait, annonçait le mauvais temps à venir.

- Qu’importe ce qui vient de se produire, déclara Einar avec une résolution nouvelle. L’Épreuve continue et nous avons pris suffisamment de retard. Il nous faut avancer sans tarder.

Sans attendre de réponse, il s’éloigna avec sa garde rapprochée sur ses talons. Margot hésita avant de les imiter, laissant les trois amis seuls. Tous les trois avaient la tête basse, rendant un hommage silencieux aux disparus. Agdhim se remémora sa rencontre avec Irenia dans le cube.

Il y a eu des hauts et des bas, mais je ne regrette pas d’avoir croisé votre route. Si par le plus grand des hasards le mystère autour de votre mort s’éclaircissait, je m’assurais de châtier le coupable.

Sur cette promesse, il s'éloigna à son tour, accompagné de Huori. Emma resta quelques instants, le regard humide. Écrasé par le remords, elle formula, sans le savoir, le même souhait qu’Agdhim avant de le rejoindre. Quand le trio rattrapa les autres, l’ambiance s'assombrit un peu plus.

- Les choses ont évolué, annonça sobrement Einar en désignant son appareil.

Agdhim s’empressa d’allumer le sien, découvrant avec stupeur que la cagnotte s’était énormément remplie.

- Elle était quasiment vide il y a vingt minutes ! paniqua Margot.

- Une grande bataille a dû avoir lieu, supposa Huori.

- C’est possible, acquiesça Einar. Ne nous attardons pas plus longtemps sur ce triste épisode. Nous devons agir, maintenant.

Mettant de côté sa méfiance, la jeune Da-Xia le questionna :

- Que suggères-tu ?

En pleine réflexion, le stratège caressa son menton du bout des doigts.

- Notre taupe ne nous a pas contactés. Elle a dû être débusquée, ou alors elle a décidé de ne pas trahir son groupe. Dans tous les cas, nous manquons d'options. Je pense que notre meilleure chance à présent est d'attendre la seconde phase et de profiter du chaos pour franchir le portail.

- C’est risqué, objecta Agdhim.

- J’en ai conscience. Mais que nous reste-t-il d’autre ?

Le jeune aventurier obtempéra en silence. L'équipe, déjà amputée d’un membre avant le début de l’Épreuve, se retrouvait maintenant réduit à sept. Dans ses conditions, affronter frontalement leurs cibles était délicat, si tant est qu'il parvienne à les repérer sans l'aide de la taupe. D'autant que tous ne seraient pas forcément d'accord avec l'idée de verser le sang d'innocents. Agdhim regarda spontanément Emma. C'était une redoutable combattante, peut-être la meilleure du groupe, mais son cœur était trop doux. Il en avait la certitude, elle n'ôterait jamais la vie pour servir ses propres intérêts.

Il soupira. Cette mentalité handicaperait assurément la jeune femme dans son ascension. Mais il ne pouvait se résoudre à mépriser cette naïveté qui lui était d’ordinaire insupportable. C'était même précisément pour ça qu'il avait fini par la tenir en haute estime.

L’orage gronda avant que ne tombent les premières gouttes de pluie. La tempête qui s’annonçait allait être particulièrement terrible. Dans cette partie du Premier Étage, les vents n’avaient rien à voir avec ce que l’on pouvait trouver sur Terre. Leur ampleur terrifiante était la raison pour laquelle aucun arbre ne pouvait grandir ici. La végétation s’était adaptée à ces contraintes, ne produisant que des pousses basses.

Avaient-ils anticipé un tel cataclysme en préparant l'Épreuve ? Sans doute quand on connaît les prouesses technologiques à l’œuvre dans la Tour, songea Gabriel.

Il rassembla ses pensées vagabondes pour se concentrer sur son objectif. L'urgence était là, et il n’avait aucune garantie d’arriver à temps. Le précédent carnage l'avait vidé de ses dernières ressources. Il avançait au mental, poussé par sa volonté de la sauver, avec la certitude de la retrouver au centre. Néanmoins, il était lucide et savait que dans cet état, son aide serait mineur.

Emma était forte. Bien plus qu’Harag ou Einar. Bien plus que lui. Pour autant, malgré cette certitude, il pressentait le drame à venir. Même s'il n'était pas le plus intelligent ou le plus rusé, ces dernières semaines lui avaient fait prendre conscience des avertissements de son ancien mentor. Il avait senti sur lui l’ombre écrasante de la convoitise, le poids des regards investigateurs. Où qu’il soit, quoi qu’il fasse, il était traqué pour ce qui dormait en lui. Et c’était bien normal : La Première Magie avait la possibilité de contrôler ou d’anéantir le monde. Il repensa à Nyeme, l’administrateur l’ayant accueilli, au désir ardent entachant ses pupilles. Ce feu vicié lui était familier. En cherchant plus loin dans sa mémoire, un souvenir remonta.

Il se trouvait dans un train avec Élise, fuyant Paris et ses ombres. Exténué, il s’apprêtait à s’endormir sur les genoux de sa gardienne quand quelque chose avait attiré son attention. Une image, que son inconscient avait capturée et enfermée, pour le protéger. Une vérité terrible. Ce moment, où les yeux d’Élise brûlaient de convoitise.

Choqué par cette réminiscence, il dérapa sur le sol maintenant boueux et dévala la pente de la colline qu’il contournait. Au terme de sa chute, il fut pris d'une violente quinte de toux avant de se laisser choir sur le dos. Son corps tout entier, gangrené par les courbatures et recouvert d’écorchures, lui faisait atrocement mal. L’odeur de terre humide se mêlait à celle de la mort, le pénétrant par le moindre pore de sa peau sale. À bout de souffle, il regarda le ciel. Les oiseaux avaient abandonné leur valse, fuyant la catastrophe à venir pour rejoindre la sécurité du nid. Ils ne restaient que les sombres colosses gazeux ayant dévoré le soleil, qui illuminaient maintenant le monde de leurs éclairs rageurs. Désespéré, Gabriel étendit son bras vers les cieux déchirés en s’adressant aux fantômes du passé.

- Suis-je en train de perdre ma raison ? Élise, étais-tu réellement à mes côtés durant toutes ses années ?

Pour toute réponse, la nature tonna, frappant le sol de sa toute-puissance, avertissant les fous osant la défier. Serrant les dents, Gabriel se releva, encore une fois. Maintenant qu'il en venait à douter de son propre passé, il ne pouvait que s'accrocher à ce mince filet lumineux. Il se remit à courir, courir, et courir jusqu’à la fin du monde. Autour de lui dansaient les ombres déformées de spectres cauchemardesques, disparaissant lorsque vociférait la foudre avant de revenir le hanter, sans répit. En transe, il finit par découvrir au sommet d’une nouvelle colline, l’objectif de sa quête désespérée. Subjugué, il arrivait au moment crucial. D’imposantes pierres s'étaient mises à flotter, s’élevant dans le ciel en défiant la gravité et le déchaînement des éléments, et s'agencèrent jusqu’à former une gigantesque structure. Quand tous les blocs furent à leur place, d’antiques inscriptions runiques illuminèrent les ténèbres d’un violet ésotérique. L’air se chargea d’énergie, et lorsque la tension fut à son paroxysme, tout fut relâché dans un grandiose tonnerre. Le souffle de l'explosion balaya la plaine en contrebas, révélant toutes les horreurs caractéristiques d’un champ de bataille. Gabriel, qui avait mis un genou à terre pour encaisser l’onde de choc, se redressa péniblement en titubant.

- Tu es dans un état misérable, Gabriel !

Surpris, il se retourna et découvrit une silhouette familière en amont qui le toisait.

- Tu es… le garçon handicapé qui a rejoint le groupe, balbutia-t-il.

Viktor sourit avant d’exécuter une révérence parfaitement exagérée.

- Exactemeeeent !

Il fallut quelques secondes à Gabriel pour qu'il reprenne ses esprits. Sa main se posa sur la garde de l’épée qu’il avait emportée avec lui. Malgré le vent qui sifflait à ses oreilles, malgré la pluie qui éclaboussait son visage, malgré son immense fatigue, il sentait que quelque chose clochait. Ce qui le troublait n'était pas la posture étrange de son interlocuteur ou l’absence de canne, pas plus que sa présence ici, éloignée de tout et surtout du reste du groupe. Non, toutes ces étrangetés n’étaient en aucun responsable de son malaise. La réponse se trouvait dans le dénominateur commun à tous ses démons. Tout était concentré dans deux pupilles, similaire à celle d’Élise dans le train, ou de Nyeme dans l’ascenseur. Deux pupilles qui se consumaient de folie, de perversion, d’un désir malsain. Deux pupilles qui le hantaient depuis presque toujours.

- Qui es-tu ? rugit-il avec colère et méfiance.

Viktor l’observa surpris, avant d’afficher une moue triste.

- Pourquoi réagir ainsi ? Tu ne me reconnais pas ?

- Je sais que tu n’es pas celui que tu prétends être. Maintenant, réponds : qui es-tu réellement ?

Viktor abandonna sa façade et sourit. Sa chair se mit alors à gonfler, adoptant une forme grotesque tout en émettant un bruit répugnant. Perturbé par ce spectacle morbide, Gabriel ne put s'empêcher de reculer. Au terme de la transformation, celui qui lui faisait face était quelqu’un d’autre.

- Je suis ton guide, Gabriel, lui rétorqua Nyeme. Mais je suis également l’un de tes héros (à nouveau, son corps se contracta. La personne qui en émergea était un beau jeune homme aux yeux rouges et aux vêtements élégants). Oh, tu ne te souviens plus de ce bon vieux Elias ? Soit, ce n’est pas le plus important. Après tout, je suis aussi celle que tu chéris plus que tout.

En découvrant la nouvelle forme face à lui, les jambes de Gabriel se dérobèrent sous lui. Des larmes commencèrent à se mêler à la pluie ruisselant sur ses joues. Il tendit la main, et dans un filet de voix écrasé par le chagrin prononça un nom.

- Élise…

- C’est moi, Gabriel.

Elle s’exprimait chaleureusement, avec son habituelle douceur. Plusieurs semaines s'étaient écoulées depuis sa disparition, une éternité durant laquelle Gabriel s’était refusé au deuil, tuant au nom du désespoir. Maintenant qu’elle se tenait à nouveau devant lui, il délaissa toute méfiance et la laissa venir jusqu’à lui.

- Élise, je…

- Chut.

Elle l’enlaça, réchauffant son âme gelée. Lorsqu’elle commença à lui caresser tendrement les cheveux, il s’abandonna à l’étreinte. L’odeur de son parfum, les battements de son cœur plein de vitalité, tout ça fit remonter en Gabriel la peine accumulée, le chagrin qui le consumait.

- Élise ! Tu ne peux pas savoir ce que j’ai ressenti quand... j’ai découvert ta lettre. Quand j’ai appris pour ton suicide. Je voulais tant m’excuser !

- Tu n’as pas à le faire.

- J’ai fui cette réalité, dans laquelle tu n’étais plus. Ça m’a tant tourmenté que j'en suis presque devenu fou ! Je... J’ai fait des choses horribles.

- Ce n’est pas grave. Tout ça est derrière nous. Maintenant, ne parle plus et laisse-toi aller. Tu en as fait suffisamment.

- Mes actes sont impardonnables. Ils m’interdisent à tout jamais toute chance de rédemption. Pourtant, ils m’ont également permis d’ouvrir les yeux. D’avoir le courage de faire face à la réalité.

Il redressa la tête. Les larmes ne coulaient plus sur son visage qui n’exprimait à présent que la gratitude. Heureux, les traits d'Élise s'illuminèrent sous l'effet de la joie et de la fierté. En retour, Gabriel lui sourit tendrement.

- Depuis notre départ de Paris, ce n’est plus toi, n'est-ce pas ?

- Gabriel ?

Inquiète, elle le regardait, troublée par la question. Puis lentement, un rictus se dessina sur son doux faciès. Un rictus terrifiant, reflétant les sentiments véritables de l’imposteur.

- Ah ! Tu t’en es finalement rendu compte !

- Oui, et je vais la venger ! Maintenant !

Gabriel se libéra soudainement de l’étreinte, dégainant sa lame pour la plonger dans le torse de la créature. Cette dernière tituba en arrière, sa tête basculant vers le ciel.

- AAAAAAAAAH ! J’AI MAL ! SI MAL !

Elle s’agita grossièrement avant de s’immobiliser subitement en constatant que Gabriel ne réagissait pas.

- Je plaisante ! ricana-t-elle en lui adressant un clin d'œil mignon, la moue moqueuse.

Gabriel serra les dents, mais ne céda pas à la provocation. Il se doutait déjà que son attaque serait sans effet. Cette chose ne pouvait être détruite par des moyens conventionnels. Néanmoins, il se surprit à éprouver de la satisfaction. Il était celui ayant porté le premier coup.

En réalisant que sa prestation n’avait pas l’impact escompté, le métamorphe abandonna sa façade, révélant sa déception.

- Tsss, décidément tu n’es pas amusant, soupira-t-elle. Même après tout ce temps passé à tes côtés, tu restes désespérément ennuyeux.

- Mes excuses si je ne me montre pas à la hauteur, ironisa le jeune homme.

- Rassure-toi, tu as encore de nombreuses chances de te rattraper. Et justement, une occasion va se présenter d'ici peu !

- C'est donc toi qui es responsable de cette maudite liste.

L’autre hocha la tête joyeusement avant d’abandonner la forme d’Élise pour celle de Nyeme.

- Rien n’a été laissé au hasard, dit-il en se frottant les mains. J’ai hâte de voir quel sera ton choix. N’espère pas pouvoir grimper sans avoir tué la petite Emma, les anciens prisonniers ne peuvent franchir le portail sans s’être occupés de leur cible.

- Tu mens.

- Plaît-il ?

Après un instant de flottement, le faux Nyeme dévisagea son interlocuteur avec une expression ahurie particulièrement comique. Mais Gabriel demeura bien droit, déterminé.

- J’ignore quelles sont tes intentions à mon égard, mais j'ai la sensation que tu ne souhaites pas me voir mourir. Pas de cette manière en tout cas. Donc je ne crois pas à ton petit dilemme. Tu ne mettrais pas mon existence dans la balance.

Le pari était risqué, mais Gabriel l’acceptait avec joie. Même s’il venait à se tromper, il préférait encore périr. De son désir de vivre, il ne restait que des cendres.

La réaction de la créature lui donna raison. La stupéfaction disparut de son visage, progressivement déformé par un rictus laissant deviner toute la haine sommeillant en elle.

- Je me démène pour te préparer une scène sensationnelle, et toi, TOI, tu refuses de monter dessus ?

Le métamorphe abandonna la forme de Nyeme, revenant à celle du bel homme aux yeux rouges. En l’apercevant à nouveau, Gabriel eut un flash mémoriel. C’était l’un des mercenaires appartenant au groupe l’ayant sauvé autrefois des ombres parisiennes.

Si tu étais déjà là, alors ça signifie qu’Élise était encore Élise, songea-t-il avec soulagement et tristesse.

Bougon, le faux Elias commença à dévaler la pente de la colline en traînant des pieds.

- Où crois-tu aller comme ça ? l’interpela Gabriel.

Le jeune Magicien avait beau menacer son ennemi, sa lame manquait de conviction. Quelque chose le rattachait toujours à la vie, une dernière mission. Le faux Elias l'avait compris également.

- Pourquoi ? Tu veux m’arrêter ? Libre à toi d'essayer, mais ce choix condamnera ta petite princesse. Non, toi et moi le savons. L’heure de notre confrontation n’est pas encore venue.

La mâchoire de Gabriel se contracta sous l’effet de la frustration.

- La prochaine fois que nos routes se croiseront, je te tuerai, promit-il.

- Excellent ! Dans ce cas, je nous préparerai la plus belle des scènes !

Momus éclata d’un rire franc et joyeux, qui s'estompa progressivement à mesure qu’il s'enfonçait dans la tempête. Quand sa silhouette disparut complètement, Gabriel chancela. En s'appuyant sur ses genoux, il parvint à éviter une nouvelle chute. Malgré l'usure, son esprit était à nouveau clair. En faite, jamais ne s'était-il senti aussi lucide. Désormais, son objectif ne reposait plus sur des sentiments incontrôlables.

- Maudit démon. Observe bien tout ce qui va suivre. Plus jamais je ne jouerai selon tes règles.

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