Pam & Yltis

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Ce jour-là, Pam décida qu'il n'aimait plus Yltis. C'était un vendredi.

Pam et Yltis n'étaient pas un couple ordinaire. À bien y regarder, leur relation n'avait rien non plus de bien particulier. Ils s'étaient rencontrés cinq mois auparavant. Aucun d'eux ne se souvenait véritablement des circonstances de cette rencontre. Yltis se rappelait avoir songé que Pam était étrange. Ça lui plaisait. Lui, il ne savait plus trop ce qu'il avait pensé d'elle à ce moment-là. Elle portait de jolies chaussures et lui avait inspiré une certaine sympathie. Yltis avait été surprise de la facilité avec laquelle Pam s'adressait à elle. Il avait beaucoup d'assurance. En ce qui la concernait, elle avait un peu de mal à aller vers les autres. Mais l'audace de Pam l'avait touchée, d'une certaine façon.

Ils avaient échangé des banalités et Pam avait finalement obtenu le numéro de téléphone d'Yltis. Elle avait moins de difficulté à discuter par écrans interposés. Moins d'une semaine plus tard, Pam avait demandé à Yltis si elle accepterait d'être sa petite amie. Un étrange sentiment s'était emparé du cœur d'Yltis à cet instant : d'une part, elle avait nourri sans se l'avouer l'espoir que cette demande viendrait depuis plusieurs jours, d'autre part, elle avait l'habitude des histoires d'amour qui tournaient mal. Elle ne comptait plus les déceptions, les ruptures, le nombre de fois où elle avait eu le cœur en morceaux. Mais Pam avait prononcé certaines paroles – une proposition aussi bête qu'attrayante – et, même si Yltis n'était pas certaine de ce qu'elle ressentait pour lui, elle avait eu envie d'accepter.

Pam était heureux. Il avait toujours été rejeté avant ce jour-là ; Yltis était la première à recevoir son amour aussi chaleureusement. Sur le moment, et pendant plusieurs semaines, Pam avait éprouvé une joie sans précédent. Il voulait voir Yltis chaque jour. Il voulait la serrer contre lui, l'embrasser. Il la désirait avec une ardeur toute nouvelle pour lui. Il n'avait jamais ressenti cela pour personne. Yltis l'aimait ; il était sûr qu'ils étaient faits l'un pour l'autre.

Yltis était heureuse. Pam était très attentionné envers elle. Il lui répétait de jolies choses, il lui fabriquait des colliers, il n'avait de cesse de la rassurer, il promettait d'être là pour elle et de la protéger. Il avait suffisamment confiance pour avouer qu'il avait envie d'elle. Personne ne lui avait jamais dit ce genre de choses. Elle aussi, peu à peu, se sentait en confiance.

Après trois mois passés à se répéter à quel point ils s'aimaient, ils avaient décidé de laisser libre cours à leur désir mutuel et de concrétiser cet amour. Pam avait laissé entendre une fois de plus que c'était ce dont il avait envie. Alors, Yltis avait pris les devants. Elle lui faisait confiance ; elle devait lui faire plaisir si elle ne voulait pas le perdre. Elle avait donc fait de son mieux pour lui plaire. Pam n'avait jamais ressenti cela avant ! Enhardi par cet extase nouveau, il avait voulu lui rendre ce qu'elle lui avait procuré. Yltis l'avait laissé la couvrir de baisers, palper sa poitrine et caresser son corps. Plus que jamais, elle voulait s'unir à lui. Mais, au moment de passer à l'acte, alors que sa tête le désirait ardemment, son corps avait eu un moment de recul. Suite à cet épisode, une profonde frustration s'était emparé d'elle. Yltis avait honte.

Pam avait honte. Ne l'aimait-elle donc pas ? Il n'avait pas cherché à insister. Finalement, il n'était pas sûr d'en être capable. Après tout, il n'avait jamais rien fait de tel.

Et puis, une sorte de froid s'était installé. Pam continuait de dire à Yltis qu'il avait envie d'elle et qu'il ne voulait pas la perdre. Mais, lorsqu'ils étaient ensemble, il craignait qu'elle lui proposât de retenter l'expérience. Yltis en avait bien envie. Elle voulait prouver à Pam que ses sentiments étaient sincères. Parce qu'elle en était certaine à présent : elle l'aimait. Elle était certaine de l'aimer, parce que la distance qui se creusait entre eux lui était douloureuse, et elle savait bien que c'est le propre de l'amour. Elle sentait aussi que Pam la repoussait mais, se disait-elle, s'était sans doute parce qu'il était gêné, lui aussi. Cela passerait avec le temps.

Et le temps avait filé. Pam ne se montrait plus aussi attentionné qu'avant. Il ne cherchait plus absolument à la voir chaque jour. Quand Yltis lui avait posé la question, il avait dit que tout allait bien, qu'elle n'avait pas à s'inquiéter. Quand elle lui faisait remarquer qu'ils ne s'étaient pas vus depuis longtemps, Pam trouvait toujours de quoi se justifier. C'était un mauvais moment à passer, disait-il. D'ici quelques semaines, il aurait plus de temps pour elle. Yltis avait confiance. Il n'était pas comme tous les salauds qui l'avait laissée tomber. Pam était devenu distant, mais ce n'était probablement que quelques soucis passagers.

Pam, de son côté, ne savait pas lui-même pourquoi il n'avait plus envie d'être constamment avec Yltis. Il avait arrêté de lui dire qu'il avait envie d'elle, en espérant que cela réduirait ses avances. Il avait besoin de réfléchir. Yltis avait toujours de jolies chaussures, et elle lui inspirait toujours une certaine sympathie. Mais quelque chose avait changé. Il ne savait jamais trop quoi lui dire. Il avait souvent eu peur de se retrouver dans dix ans, père de famille coincé dans une carrières monotone. Yltis n'avait pas non plus la volonté de fonder une famille. Il voulait voyager. Elle aurait été prête à le suivre au bout du monde. Yltis ne pouvait qu'être la bonne personne. Mais il était resté distant.

Ce fameux vendredi, après deux mois passés à retourner la question dans sa tête, Pam retrouva Yltis à l'endroit habituel. Alors, il décida qu'il n'était plus amoureux d'elle. Il attendit la fin de la journée pour le lui annoncer. Il n'avait pas envie de lui mentir ; mieux valait en rester là. Yltis ne trouva pas la force de pleurer. Elle le savait depuis bien trop longtemps pour que ses larmes fussent spontanées. Elle ne les laissa couler que plus tard lorsqu'elle fut seule chez elle et, par la suite, elle prétendit à ceux qui le lui demandèrent qu'elle n'en avait versé aucune. Elle refusa d'avoir l'air abattue, en particulier devant Pam. Pam, quant à lui, tenait à garder de bonnes relations avec celle qu'il avait aimée. Mais comment était-il supposé se comporter à présent ? Yltis ne lui adressait plus la parole lorsqu'ils se trouvaient dans la même pièce. Elle avait résolu de se taire. Elle non plus, désormais, ne savait plus quoi lui dire. Mais ce n'était pas faute de savoir ce qu'elle éprouvait. Inexplicablement, ses sentiments pour Pam ne s'atténuaient pas. Pam ignorait sans doute qu'il y avait plusieurs façons d'aimer et, contrairement à ce qu'il pensait, il n'avait pas été en mesure de la faire croire aux contes de fées. Yltis garda le silence jusqu'au bout, justement parce qu'elle savait : l'amour n'est pas quelque chose qui peut se décider, ce n'est qu'une plante que l'on cultive. Ce qu'on ressent le premier jour n'est jamais éternel.

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