Astrélia recoiffa nerveusement ses cheveux. Elle évitait le regard des deux sœurs, ce qui ne faisait qu'augmenter leur stress.

-Alors ? lança Cathie. Tu es qui, au juste ?

-Ça va vous sembler suspect, mais je ne suis pas d'ici. Je ne vous veux aucun mal, c'est juste que je ne sais pas comment vous l'annoncer.

-Annoncer quoi ? Serais-tu la cause de l'arrestation de nos amis ?

-Écoutez-moi bien, vous deux. Vous avez subi une perte de mémoire, lâcha la jolie brune.

Annie retint sa respiration. Soudainement, elle croyait en cette femme qu'elle ne connaissait pas. Tout lui sembla plus clair.

-Alors, c'est pour ça qu'on est les seules à ignorer le nom de Lucien ? raisonna-t-elle tout haut.

-Je le pense. J'en suis persuadée, même. Et ce n'est pas tout. Cette perte de mémoire ne semble pas être liée au hasard.

-Qu'est-ce que tu sous-entends ? l'interrompit Cathie.

-On a extrait seulement certaines informations de vos souvenirs, mais pas tout.

Cathie eut un sourire en coin. Elle fit un pas en avant, menaçant la belle parleuse.

-Comment tu peux en savoir autant ? Tu es qui, au juste ?

-Euh… Eh bien… Comme je vous l'ai dit, je ne viens pas d'ici. Et à vrai dire… j'ai moi aussi été victime de ce trouble.

-Quelque chose ne tourne pas rond, dit Annie.

-Oui. Et le plus surprenant, c’est que tout ceci semble être lié à Lucien, le garçon que vous avez dénoncé. Moi aussi, après ma perte de mémoire, j’ai eu affaire à lui. Vous n'avez pas remarqué quelque-chose de bizarre, depuis votre réveil ?

-À part le fait que nos amis sont ligotés sans raison, non, dit Cathie.

-Si, nos capes ont disparu, fit remarquer Annie.

-Nos capes ? Ah, oui, celles au dos de nos robes. Elles ont peut-être glissé sous nos lits.

-Rien d'autre ?

Elles s'échangèrent un regard inquisiteur.

Soudain, des cris perçants se firent entendre. Des centaines d’oiseaux passèrent au-dessus de la ruelle où les trois femmes se trouvaient, fuyant l’origine des hurlements. Toutes trois accoururent sur la place et constatèrent avec effroi le déroulement de la scène.

Un troisième garçon avait rejoint Charles et Émilien. Était-il le Lucien dont tout le monde parlait ?

-C'est trop tard, murmura Astrélia.

Les jumelles se précipitèrent au centre du rassemblement. Tout le monde affichait un visage répugné, terrorisé. Les femmes se réfugiaient dans les bras de leurs maris, les enfants en pleurs se réfugiaient à leurs jupes. Le feu avait déjà entamé les jambes de Charles et d'Émilien, tandis que le dernier, qui semblait inconscient, n'avait pas encore été pris. Sans hésiter, Cathie se jeta aux pieds de Charles.

C'était un cauchemar, pensa-t-elle en se pinçant l'avant bras.

-Cathie, reviens ! cria sa sœur, sans succès.

Charles hurlait, pleurait, se tordait dans tous les sens, haletait, étouffé par la fumée. Bientôt, le feu entamerait ses cuisses.

-Cathie ! Cathie, sauve-moi, pitié, parvint à dire la victime de ce brasier. Je… je t'ai…

La jeune fille se leva, déterminée. Elle adressa un regard de dédain à son frère. Il se tenait debout, les bras dans le dos, en haut des marches de l'Église, accompagné de quatre hommes en toge. Ce n'était qu'une bande de gros lâches, pensa-t-elle. Elle qui avait toujours été obéissante, qui avait toujours vu l'Église comme un symbole de justice et de bonté. Toute sa considération, son respect, partait en fumée devant ses yeux. Ses amis ne méritaient pas cela !

-Flavio ! cria-t-elle, la voix remplie de désespoir. Sauve-le !

Le prêtre, voyant sa sœur se lamenter, la pointa du doigt en tapotant le dos de son voisin. Celui-ci descendit les marches et attrapa les bras de Cathie. Dès lors, il la tira vers l'arrière, mais elle donna un généreux coup de coude dans son ventre et parvint à se ruer de nouveau vers Charles.

L'heure de la désillusion avait sonné. L'homme la rattrapa avant qu'elle ne se brûle par accident et cette fois-ci, il supporta ses coups avec ténacité.

-Flavio ! Enfoiré ! hurla la petite religieuse dans un brouhaha horrifiant.