Chapitre 1 : Repos, soldat

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 Duncan se redressa d'un bond, trempé de sueur, ses petits yeux noirs balayant la pièce avec inquiétude. Il comprit immédiatement qu'il avait été surpris par un nouveau cauchemar, dont les détails lui échappaient pourtant. La pièce était sombre, de fins traits de lumière glissaient au travers des stores, et l'atmosphère, lourde, empestait la bière et la cigarette. Peu à peu, son rythme cardiaque ralentit, et ses pupilles s'agrandirent, s'accoutumant à la pénombre. Des bouteilles d'alcool et des cendriers pleins à craquer de mégots jonchaient le sol. Quelqu'un avait déroulé l'entièreté du stock de papier-toilettes pour momifier la lampe du plafond, et des canettes avaient été empilées en pyramide, sans doute pour un chamboule-tout improvisé. Mais surtout, un terrible mal de crâne tourmentait à présent le quadragénaire.

 Il retomba mollement sur le matelas, et son bras gauche frôla une autre présence humaine. Il se retourna, fixa la jeune femme endormie à côté de lui sans la reconnaître. Etourdi par la gueule de bois monumentale qui le harcelait désormais, il choisit de se lever pour prendre une douche. L'eau tiède lui fit un bien fou, il la laissa perler sur son visage et ses épaules. Puis il s'habilla en silence, soulagé de voir que l'incroyable fête qui avait eu lieu dans son appartement les avait épargnés. Il glissa un oeil intrigué derrière les stores. La lumière éblouissante du matin lui piqua les yeux. Les hautes immeubles d'Amsterdam toisaient paisiblement les ruelles désertes. Dimanche, tout le monde profitait de la matinée pour rattraper leurs heures de sommeil. Duncan jeta un coup d'oeil au réveil posé sur la table de chevet : il indiquait 7:43.

 « Hmm ? grogna la jeune femme en remuant sous la couette. Quelle heure est-il ?

— On s'en fout, souffla-t-il, avec l'impression qu'une enclume reposait sur sa tête. Les clefs de l'appartement sont sur le bar, dans la cuisine. Tu peux rester autant que tu veux. C'est quoi ton nom, déjà ?

— Suzanna, répondit-elle, en fermant les yeux. C'était super, hier, la petite fête... »

 Duncan ne répondit pas, n'ayant plus aucun souvenir de la soirée. Il attrapa son blouson kaki, une casquette, et quitta l'appartement, le cerveau bouillonnant. Lorsqu'il déboucha dans la rue, l'air frais lui piqua la gorge, et la lueur du soleil l'éblouit. Il marchait d'un pas énergique, bien qu'encore assommé par la quantité astronomique de bières qu'il avait dû boire, la veille. Il se dirigea vers le bistrot le plus proche, et commanda un grand verre de coca. Tout en avalant le soda pétillant, il ne put s'empêcher de songer à cette Suzanna. Il espérait l'avoir satisfaite, tout en se demandant s'il ne devenait pas fou.

 La sonnerie de son téléphone portable lui vrilla les tympans. Il s'excusa auprés du barman et sortit de l'établissement à pas feutrés. Il ouvrit le boîtier de l'appareil et une silhouette féminine au crâne rasé apparut en hologramme grésillant.

 « C'est un plaisir de voir que tu es sorti de ton lit, gronda-t-elle.

— Moins fort, par pitié ! se crispa Duncan, les dents serrées. J'ai une gueule de bois pas possible, et le pire, c'est que je n'en ai pas le moindre souvenir.

— Argh, tu ne me facilites pas la tâche, abruti, se renfrogna-t-elle. Prends du paracétamol et un slip de rechange, et rejoins-moi à l'aéroport d'Amsterdam dans quinze minutes.

— Quoi ? s'étrangla-t-il. Mais pourquoi ?

— La Mission Væros, l'expédition du siècle ! lança son interlocutrice en levant les yeux au ciel, comme si c'était l'évidence même. On a besoin d'un co-pilote, et tu es le plus performant qu'on ait trouvé.

— Pardon ? Et ce Max Maureli... Maurice Meli...

— Moroli est mort, tonna la voix sacadée à travers le téléphone. Son simulateur a explosé il y a une semaine. Le remplaçant s'est cassé la clavicule et le poignet hier.

— Coup du sort ? plaisanta Duncan. Pardon, s'excusa-t-il ensuite, en voyant l'image de la femme se brouiller. En tout cas je refuse, désolé, niet. Je sais même plus comment on pilote un simulateur !

— Duncan, trancha-t-elle, sévère. Ce n'est pas un simulateur. On décolle demain, midi. Et tu n'as pas le choix. Des milliards de dollars sont en jeu. Tu ne peux pas te désister d'une mission qui a pris plus de trente ans avant d'être opérationnelle. À l'aéroport, dans quinze minutes.

— Verity, attends, tu...

— C'est un ordre, Duncan Clark. »

 À ces mots, l'image holographique disparut, et le quadragénaire se retrouva seul dans la rue. Le vent lui colla des mèches de cheveux bruns dans les yeux, et il ne put s'empêcher de soupirer. Mais bien vite, un sourire se dessina sur ses lèvres gercées. Je savais qu'elle ne pouvait pas se passer de moi, songea-t-il.

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