Une enfance bien sombre

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  • Je suis le fils unique d’une famille de riches négociants. Nous sommes l’une des plus grosses fortunes. Mes parents avaient le pouvoir de me protéger de ce monde horrible. Ils ont usés de tous les moyens pour s’assurer que ces immondices ne laissent aucune trace sur moi et mon avenir. Ils ont déjoué bon nombre de pièges, multiplié le nombre de gardes et de mesures. Je voyais cela comme une prison parfois, mais l’amour de mes parents et leurs paroles réconfortantes m’ont évité de faire une bêtise qui m’aurait coûté la vie. Ma vie est un bonheur jusqu’à mes 8 ans. J’avais tout de l’amour, de l’argent, des amis. Je pouvais être tout, j’étais le roi du monde. Je me pensais indestructible et surtout intouchable. J’étais égoïste et j’étais un enfant roi. Mais la cruauté de ce monde m’a été rappelée de la manière la plus ignoble. Je m’étais lié d’amitié avec un autre garçon de mon âge, nous jouions tout le temps ensemble et nous étions inséparables. Je savais qu’il n’avait pas grand-chose et j’en ai profité pour le narguer, me montrer supérieur à lui. Je n’étais pas altruiste avec les autres. Je regrette d’avoir été ainsi avec les autres enfants. Cet ami m’a vendu aux plus offrants pour subvenir aux besoins de sa famille. Je me suis retrouvée comme toi, enfermée tel un animal.

Il prend une pause et je sens que les émotions l’empêchent de parler. Il prend plusieurs respirations pour reprendre le contrôle.

Je n’ai pas vécu l’épouvante aussi longtemps que toi, mais à cette époque ma mère était malade. Deuis ma naissance, l’angoisse l’a rongée et l’a tuée à petit feu. Je le voyais sur son visage creusé. Quand j’étais avec elle, je faisais tout pour qu’elle sourie. Lors de ma capture, sa santé s’est gravement détériorée et mon père était à ma recherche pour me ramener auprès d’elle. J’ai vu tous ces enfants autour de moi apeurés et décharnés. J’ai réalisé que je n’allais peut-être jamais sortir de cette cage et si c’était le cas, j’allais être un esclave toute ma vie. Je me suis haï pour avoir été comme ces monstres. J’ai compris à quel point j’étais méchant. Je me suis promis que je sortirais d’ici, je protégerais ces enfants comme mes parents l’avaient fait avec moi. J’utiliserais mon argent pour réunir ses familles brisées et que ma mère soit fière de moi.

Je ne sais pas si cet homme est sincère ou non. Mais s’il a vraiment essayé de se racheter et devenir quelqu’un de meilleur. Si tout ça est réellement la vérité, ne devrais-je pas l’aider au lieu de le détester ? La peur et la tristesse me tiraillent. J’aimerais le réconforter.

  • Après plusieurs semaines de recherche, mon père a réussi à me retrouver. Mais quand il m’a ramené chez moi, il était…

Il plaque ses mains sur ses yeux. Des larmes coulent sur son visage. Est-ce que je peux réellement rester impassible face à sa peine ? Je pose ma main sur son épaule. Il sursaute et pose sa main sur mon genou. Nous restons quelques instants ainsi avant qu’il continue son histoire.

  • Ma mère était morte à mon retour. Elle est morte par ma faute. C’était la femme que j’aimais et je n’ai pas su la protégée. Je l’ai juste poussé dans le précipice. J’ai décidé de prendre mon rôle au sérieux et j’ai travaillé aux côtés de mon père pour sauver le maximum de famille. Pour créer un lieu de paix. Mais mon père est tombé lentement dans la dépression suite au décès de ma mère. Il m’a tout enseigné, jusqu’à ce qu’il se suicide 6 ans plus tard.

Je suis surprise et je serre mes deux poings sur mes cuisses. Ce n’est pas ce que j’ai lu. Il disait qu’il était mort d’une crise cardiaque. Pourquoi mentir sur sa mort ?

  • Tu as sûrement lu qu’il n’était pas mort comme ça. J’ai demandé que ce soit changé dans les registres pour que son image reste noble.

  • Il t’a abandonné, parce que le monde était trop dur ? Il a juste renoncé par faiblesse.

Il se tourne vers moi et son visage est à la fois en colère et dans l’incompréhension.

  • Il ne m’a jamais abandonné, il m’a laissé un héritage et un but. Il était fort, c’était un héros pour beaucoup de personnes ici.

  • Mais il t’a laissé seul avec une tâche impossible à réaliser et à juste céder à sa peur.

Il se lève et me prend par le col.

  • TU N’AS AUCUN DROIT DE DIRE DU MAL DE MON PÈRE.

  • Je comprends ta rage. Mais le suicide n’est qu’un acte égoïste où l’on cède simplement à cette douleur qui nous ronge. On souhaite qu’une seule chose que cette angoisse qui nous tourmente se termine, que tout s’arrête.

Mes mots sont crus envers lui, mais j’ai longtemps pensé à disparaître de ce monde lorsque j’étais seule. Pourquoi vivre dans un monde qui se limite à quatre murs remplis de livres et personne avec qui le partager ? Être seule et n’avoir jamais vu l’extérieur de cette pièce. Mais si j’avais cédé, alors j’aurais laissé ce monde gagné. Il détend sa prise sur moi. Je me détache de lui.

  • Je ne voulais pas te faire de mal, je comprends mieux pourquoi tu m’as sauvé et ce que racontent ces livres n’est pas des mensonges.

Il ne m’écoute plus et part. J’essaie de le rattraper.

  • Galahad…

  • Laisse-moi tranquille. Je ne t’embêterais plus, c’est ce que tu voulais, non ?

Je laisse partir. C’est vrai, je voulais me débarrasser de lui, mais je ne me sens pas bien. Maintenant que je le connais un peu mieux, j’ai de la peine pour lui. De l’avoir blessée me comprime le cœur.

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