J’ouvre les yeux. La lumière m’éblouit. Mon corps est lourd. J’entends des bips autour de moi. Ma tête bourdonne et mes idées sont embrumées. J’essaie de prendre appui sur mon bras, mais une douleur violente m’en empêche, des fils sortent au niveau de mon coude.

• Vous êtes enfin réveillée ?

La surprise me fait grimacer de douleur.

M. Leconoistre est affalé dans un siège à côté du lit. Des cernes noirs se dessinent sous ses yeux.

• Je ne voulais pas vous faire peur, excusez-moi.
• Que s’est-il passé ?

Je cherche dans ma mémoire, mais une migraine m’arrache une douleur profonde.

• Vous étiez dans le couloir après avoir vu Alicia et d’un coup vous vous êtes effondrée. J’ai essayé de vous rattraper, mais votre tête a tapé si fort le sol, que j’en pensais que vous ne vous réveilleriez jamais.

Je cherche encore dans mes souvenirs, mais tout est flou.

• Je ne…

La douleur dans ma tête est de plus en plus forte.

• Ce n’est pas grave.

Pourquoi je ne m’en souviens pas ? Je place la paume de mes mains sur mes yeux et resserre mes doigts autour de ma boîte crânienne. Je sens sa main chaude se poser sur mon bras.

• Il ne s’est rien passé. Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas grave.

Je retire mon bras. Sa main reste suspendue quelques instants avant de se refermer fortement sur sa paume. Il paraît énervé. C’est moi qui devrais l’être, c’est lui l’homme abject qui me violera.

• Depuis combien de temps suis-je évanouie ?
• Trois jours.

Son regard se fixe sur ses mains.

• Trois… Je ne comprends pas. Je suis restée endormie trois jours ? Qu’est-ce qu’il sait passé ? Que m’aviez-vous donné ? Pourquoi êtes-vous là ?
• Cela fait des mois que vous ne vous nourrissez plus, votre corps ne pouvait plus le supporter. Depuis que vous êtes alimenté, votre respiration est plus calme et vous avez repris des couleurs.
• Comment pouvez-vous le savoir ? Vous m’observez depuis le début ? Cela n’est pas suffisant de me torturer pour que je sois plus douce et docile envers vous ?
• Paul m’a rapporté vos faits et gestes. Je ne vous surveille pas. Je suis ici, car vous vous laissez mourir, alors que j’ai besoin de vous. Je ne vous ai pas sauvée pour vous laisser mourir.
• Sauver !!!! Vous ne m’avez pas sauvé, vous m’avez acheté pour votre propre plaisir. Ne me faites pas croire que les jeunes filles que vous avez achetées sont libres. Je sais que vous nous achetez pour nous violer, pour nous soumettre selon votre volonté. Avec moi, vous n’avez pas le retour sur investissement que vous souhaitiez.
• Vous… Si c’est votre souhait de mourir, car vous avez trop peur de vivre, très bien. Mais je ne laisserais pas une personne se suicider sans l’aider avant. Tous les gens de ce monde ne veulent pas vous tuer. Certain·e·s aimeraient vous voir heureuse et épanouie comme Alicia. Quand vous aurez décidé de vivre au lieu de survivre, alors je pourrais vous aider.

Il se lève, se dirige rapidement vers la porte avant d’hésiter. Il se tourne vers moi, le visage dur. Une peur soudaine me tétanise. C’est aujourd’hui, il a fait son choix. C’est aujourd’hui que je serais violé pour son bon plaisir. Soudain, il ouvre la porte et la claque derrière lui.

Mon corps est complètement engourdi après ces jours d’immobilités. J’essaie de m’asseoir, mais mes bras n’ont pas la force de me porter et je m’écroule à nouveau. J’essaie encore et encore jusqu’à réussir à me redresser. Je suis en sueur, l’effort m’a paru intense alors que je ne suis même pas sorti de mon lit. J’ai la gorge sèche. Je tends la main vers le verre d’eau posé sur la table de chevet à côté de moi. Je resserre la main et le verre vole en éclat juste après son impact sur le sol. Le bruit me provoque une violente douleur à la tête. La douleur qui traverse mon corps est si forte que je suis incapable de sortir du lit. Soudainement, l’angoisse m’envahit. Pendant ces 3 jours d’inconscience que m’a-t-on fait ? M. Leconoistre a-t-il abusé de moi ? J’ai mal partout. Est-ce que c’est à cause de lui ? Je descends lentement ma main le long de mon ventre espérant avoir une réponse. Je regarde mes vêtements et ce sont les mêmes qu’il y a 3 jours. J’ai peur et j’entends les bips des appareils s’affoler. Est-ce que le moment que je redoutais est arrivé ? Savoir que quelqu’un a pu abuser de moi alors que j’étais inconsciente m’assèche encore plus les lèvres. Quels plaisirs un homme peut-il prendre à violer une femme dans le coma ? J’ai du mal à respirer et les bips des machines m’assourdissent.

• Madame, madame, où avez-vous mal ?

La voix d’une femme me fait sortir de ma transe.

• Madame, que se passe-t-il ?
• Je vais bien. J’ai besoin de savoir ce que l’on m’a fait.
• Vous êtes dans le coma depuis 3 jours. Je suis venue vous faire vos soins tous les jours. Vous avez à nouveau des constantes stables. M. Leconoistre est resté avec vous tout le long où vous étiez dans le coma. Il n’a pas quitté son fauteuil une seule minute.
• QU'EST-CE QU’IL M’A FAIT ?
• Calmez-vous, il ne vous a rien fait. Il est resté à vos côtés, attendant votre réveil.
• Vous mentez. Je suis sûre qu’il m’a violée.
• Personne ne vous a touché à part moi pour placer votre perfusion. Personne ne vous a fait du mal. Vous êtes monitoré depuis votre évanouissement. Nous avons les vidéos si vous le souhaitez ?
• Vous avez pu les trafiquer, je ne peux avoir confiance en personne ici. Vous allez me faire croire que M. Leconoistre vous a sauvé comme les autres et que grâce à lui vous êtes devenue médecin.
• Oui, c’est le cas et si vous continuez à vous énerver, je serais dans l’obligation de vous donner un calmant. Votre cœur est encore fragile et vous devez vous reposer.
• Montrez-moi les vidéos et je pourrais peut-être me calmer.