Le revers de la médaille

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Je suis dans ma chambre, sur mon ordinateur à récupérer la vidéo de la caméra. Ils l'ont déjà trouvé, je me doutais que ça ne tiendrait pas longtemps. Heureusement, tout était enregistré en direct sur de multiples serveurs renvoyant sur différents ordinateurs et qui était ensuite renvoyé sur un téléphone, celui de M. Amne, sans qu'il ne le sache. Puis je l'ai récupéré, lors de notre séance. Je regarde minutieusement la vidéo. La grande partie ne sert à rien, c'est les dernières minutes qui sont les plus intéressantes. M. Leconoistre est à son bureau en train de lire des pages et les annotés, quand Octave entre et tend une feuille.

  • Voilà, la liste complète de l'ensemble des enfants de la dernière vente.
  • Est-ce qu'ils sont tous réussis leurs réinsertions ? Ont-ils tous récupéré un parent pour les aider ?
  • Oui, tous.
  • Nous n'avons donc plus personne sur les listes d’attentes à l'aide psychologique et il n'y a plus besoin de M. Amne ?
  • Oui et non, l'ensemble des enfants ont retrouvé une vie sociale stable, sauf une ?
  • Qui ? Je peux jouer le rôle de l'inconnu, cela a toujours fonctionné. M. Amne a dit que c'est la meilleure solution pour qu'ils retrouvent une zone de confort et de sécurité.
  • Mlle Gaust. Elle est toujours dans l'attente de retrouver sa mère et elle continue à s'entraîner jusqu'à l'épuisement. J'en ai parlé à Thymothee, pour qu'il l'arrête. Il a dit que c'est son amie et que cela ne fait de mal à personne. Il a dit aussi que ça lui permet de se détendre.
  • Elena, elle est venue, il y a quelques jours. Elle voulait des nouvelles de sa mère. J'ai essayé de la rassurer, mais j'ai peur que Léandre ne cède pas. Il a refusé déjà plusieurs de nos propositions et à chaque fois, il me répète, que je devrais la lui laisser pour qu'elle puisse enfin retrouver sa mère.

M. Leconoistre semble énervé et froisse la feuille qu'il tient dans la main.

  • Octave, je ne sais plus quoi lui proposer. Même si je lui donne tout mon or, il refuserait. Nous devons trouver une autre solution, peut-être une expédition pour aller sauver sa mère.
  • Monsieur, vous vous emballez, Mlle Gaust a vécu jusqu'à maintenant sachant que sa mère était morte, elle peut vivre encore loin d'elle en sachant qu'elle est en vie. Essayez de lui parler avec G.

G ? De quoi il parle ? Est-ce que c'est G ? Mon ami G., qui me contacte toujours par message. Est-ce que c'est une autre manigance de leur part ?

  • Je ne peux pas lui parler de ça sous l'apparence de G. C'est un de ses seuls amis. Elle a tellement peur de moi, que cela m'aide à la connaître un peu mieux sous sa carapace. Je ne peux pas l'abandonner, Octave.

Ils m'ont menti, encore. Je ne suis qu'un jouet pour eux, un jouet qui ne veut pas coopérer. Je pensais, non ..., j'espérais plutôt qu'ils veulent réellement m'aider, mais tout ça n'est qu'une farce, dont je suis le dindon. Je ne pourrais jamais leur faire confiance. Des larmes coulent sur mes joues. Je n'arrive pas à retenir les morceaux de mon âme qui se consume lentement, ne laissant qu'un grand vide.

  • Je comprends ce que vous ressentez, vous vous êtes rapproché lors de la vente. Elle s'est appuyée sur vous et je le vois depuis un moment le regard que vous posez sur elle. Vous n'êtes pas indifférent en sa présence. Mais elle est fragile.

Fragile ? C'est eux et leur monde cruel qui remplit le mien de doute et de peine. Et ils disent que je suis fragile. Lorsque je leur ferais subir la même chose, serais-je toujours aussi fragile à leurs yeux ? S'ils subissaient un dixième de ma solitude et de mes douleurs, cela ferait bien longtemps qu'ils auraient abandonné. Toute cette gentillesse depuis un an, tout cela n'était qu'un mensonge, une grotesque duperie et j'y ai cru. Je suis bien naïve d'avoir pensé que j'avais le droit à un quelconque bonheur dans ce monde. Même ma mère jurait que j'étais entre de bonnes mains, elle n'a pas vu qu'elles étaient crochues.

  • Octave, que dois-je faire ? Que me conseilles-tu ? Rester là et la regarder sombrer, c'est cela ? Ce n'est pas n'importe qui sa mère, c'est Dame D'Eurasie. Tu sais tout autant que moi, que c'est bien plus qu'un symbole. Avec elle à nos côtés, nous pourrions changer ce monde. Et toi tu préfères la laisser dans les bras d'un démon, pendant que sa fille se tue à la sauver. C'est ça que tu proposes, Octave ?
  • Ga...

La vidéo se coupe. Je reviens en arrière plusieurs fois, mais je n'ai pas plus de données. Je suis bouleversée. Je ne sais pas quoi faire pour me sortir de cette impasse. Je suis littéralement dans le ventre du lion pensant que cette chaleur réconfortante n'était rien d'autre qu'un soleil. J'ai mal, très mal, j'aimerais hurler ma douleur, mais cela donnerait l'alerte. Je préfère me mordre le poing et crier ma douleur dans ma main remplie de larme, de morve et de bave. Cette déchirure à l'intérieur, elle grandit, elle arrache tout sur son passage. Elle broie chaque morceau viable pour ne laisser que des miettes et des éclats transperçant ma peau. Tout mon corps me fait mal, je veux que ça s'arrête, je griffe, je tape mon corps pour enlever cette chose qui me ronge. Au bout de quelques minutes, la douleur s'estompe. Je me rends compte de ma position difforme, les épaules recroquevillées sur mes jambes compriment ma poitrine. J'élève ma main de sur mon épaule et regarde mes ongles ensanglantés. Je retire enfin, mon poing de ma bouche, un goût de fer reste présent. La marque de mes dents est bien imprégnée dans la peau. Je ne dois laisser aucune trace. Je file dans la salle de bain et fait coulé un bain chaud. J'enlève mes vêtements en évitant de les tacher de sang. Mon épaule nue laisse apparaître 5 griffures. Je rentre dans le bain, l'eau brûle mes plaies et les cicatrisent légèrement. Je laisse la douleur m'apaiser et l'eau nettoyer mes pensées. Avec les idées claires, je sais que j'ai toujours mon plan et je dois m'y tenir, tant que je le peux.

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