Seule à nouveau

3 minutes de lecture

Je cherche une solution pour sauver ma mère, mais plus j’y pense, plus cette solitude me dévore. Une nouvelle fois, je suis seule, désorientée. Ma mère m’abandonne à des gens dont elle ne connaît que leurs réputations. Je ne veux pas être avec eux. Ce que je souhaite c’est ne plus être séparé d’elle. Tout ce que je ressens ce n’est qu’un grand vide en moi. Cette sensation d’être dans le noir, sans savoir quelle direction prendre. Et cette pensée, qui ne cesse de creuser un trou encore plus profond et plus sombre dans lequel personne ne peut m’extirper. Je suis la seule responsable de mon malheur, la seule mal aimée de ses parents, la seule idiote à laisser les monstres l’utiliser à leur gré, la seule à abandonner à la première occasion.

Peut-être que c’est simplement ce que je mérite. Si je m’étais battu plus tôt pour mes parents. Si je n’étais pas restée cachée. Tout ce qui m’arrive n’est qu’un juste retour de mon inaction. Je dois me battre, jusqu’à perdre mes mains, je dois marcher vers mon but, jusqu’à en perdre les pieds, je dois hurler ma colère, jusqu’à en perdre la voix. Ne jamais flancher, jusqu’à ce que mon cœur soit écrasé.

Quelqu’un me tient le bras et me sort de mes pensées. Kévin me tend un verre.

  • Est-ce que tout va bien, Madame ?

Je ne suis qu’un outil pour lui, un outil pour en sauver d’autres.

  • Oui, le maître nous attend, nous devrions le rejoindre.

Le temps n’est plus aux larmes, mais à l’élaboration d’un plan de sauvetage. Je ne peux me fier à personne. Je dois devenir plus forte, plus intelligente et surtout je dois tout savoir. Connaître mes ennemis dans le moindre détail, apprendre à parler leurs langages, décrypter leurs codes, imiter leurs gestes, penser comme eux pour mieux les duper et la sauver. Mon objectif est de libérer ma mère de ces monstres et je les utiliserais tous comme ils le font avec moi.

Les ventes suivent leurs cours et je reste dans mon rôle. Octave est satisfait et M. Leconoistre est ravi. La récolte a été bonne, les meilleures fleurs ont été cueillies. Voilà le discours qui clôture comme chaque année le marché aux fleurs. Grâce à ma prestation, beaucoup plus d’enfants ont été secourus à moindre prix. Chaque nuit, Kévin n’a pas arrêté de me féliciter et surtout me poser des questions sur ma mère. Réellement, il ne posait pas des questions sur elle, mais sur la Grande Dame D’Eurasie. Je n’ai aucune réponse à lui apporter, je ne connais pas cette femme. Je connais une mère inquiète à l’affût des moindres regards étranges et s’enfuyant à la moindre occasion. Ce n’est pas de ma mère dont il me parle, mais d’une héroïne se battant pour la liberté des femmes et des enfants, cherchant à renverser un monde empoisonné par le profit et la perversion. Cette femme n’est pas ma mère. Toutes ces questions seront bientôt finies, nous rentrons aujourd’hui.

Je vais retrouver Paul. Il m’a manqué, sa gentillesse et sa patience m’auraient été d’un grand soutien, mais je ne pourrais plus être à ses côtés. J’aurais aimé rester auprès de lui, mais je ne veux pas l’utiliser. Je préfère qu’il reste en dehors de tout cela. Je ne dois pas le laisser me distraire et dévier de mon objectif. Les préparatifs du départ touchent à leur fin et je vois tous ses enfants qui pourront revoir leurs parents prochainement. Je suis heureuse d’avoir pu les aider et j’espère qu’ils vivront plus heureux que moi. Je monte dans le vaisseau et regarde autour de moi pour la première fois. Il y a des ouvertures, un peu partout, qui permettent de regarder à l’extérieur du véhicule. Papa aurait adoré observer ces étoiles défiler autour de nous. Nous les aurions nommées à notre guise et aurions réfléchir à quelle plante pourrait exister. Il aurait tout exploré dans les moindres détails, les grains de poussière, le taux d’oxygène, la présence d’eau, d’animaux ou de minéraux. Le savoir, c’est un pouvoir, il me le répétait sans cesse. Le savoir est une richesse permettant de comprendre le monde dans lequel nous évoluons, les gens qui nous entourent et surtout de discerner le menteur du juste. Le savoir me permettra d’atteindre mon objectif. Papa, tu as toujours su me donner les armes pour combattre, mais pourquoi tu ne m’as jamais dit que je souffrirais autant de te perdre. Je continuerais à me battre pour sauver Maman, je te le promets. Je serais forte pour que tu sois toujours fière de moi. Jamais plus je ne les laisserais m’affaiblir. Jamais plus je ne laisserais la peur m’envahir. J’aurais dû apprendre beaucoup plus pendant ces huit ans, être plus attentive à tes conseils. Je ne referais plus cette erreur. J’utiliserais tous les moyens pour les surpasser, m’endurcir et les éliminer.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Lucile Le Berre ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0