Apprivoiser

4 minutes de lecture
  • Vous avez de la chance d'avoir rencontré M. Leconoistre. Il nous a tout·e·s sauvé·e·s de cette société de pédophile. J'aimerais être comme lui pour sauver notre peuple et que tout·e·s soient égaux. C'est un héros.

Paul a l’air admiratif et un peu naïf. Il me fait de la peine. J’aimerais lui ouvrir les yeux, mais le rêve paraît plus tendre que la réalité.

  • M. Leconoistre a l’air de vous apprécier. Il n’a jamais vu les nouveaux arrivants plus d’une fois. Je le comprends, vous êtes unique. C’est la première fois que je vois une fille vendue à votre âge et aussi belle que vous.

Mes joues s’empourprent légèrement, avant que ma tête me ramène à mon statut de prisonnière. Ce n’est qu’un compliment pour m’apprivoiser.

  • Je vois ce que vous pensez de nous, que nous sommes des esclaves en adoration devant de faux dieux. M. Leconoistre nous a rendu notre liberté dès le moment où il nous a acheté·e·s.
  • Alors pourquoi m’avoir enfermée dans cette chambre, si je suis libre ?
  • Vous pas la première et vous ne serez pas la dernière à vouloir partir. M. Leconoistre a décidé que c’est la manière la moins dangereuse de réagir à la situation. Il cherche juste à vous protéger d’hommes dangereux.

Je me rapproche de lui. Je vois son visage viré au rouge. Je le mets mal à l’aise. Je vois bien qu’il veut mon corps comme les autres.

  • Vous êtes vous aussi un homme dangereux. Je le vois dans la façon dont vous me regardez. Je vois ce même désir vicieux.

Il tourne la tête toujours aussi rouge et se cache le visage avec ses mains.

  • Je… je ne…
  • À la différence des autres vous me paraissez timide, réservé, mais tout au temps obscène.
  • Je ne vous veux aucun mal. Je ne veux pas ce que vous dites. Je vous trouve simplement… séduisante, mais rien de plus.

Il continue à marcher jusqu’à la chambre 222, sans se retourner. L’atmosphère est soudain pesante. Pourquoi cette sensation de mal-être m’envahit pour quelqu’un que je ne connais pas ? J’ai un pincement au cœur. J’ai été irrespectueuse envers Paul. Il n’est qu’un autre monstre, pourquoi me sentir mal pour lui ? Je suis à la fois furieuse et gênée de ses sentiments dont je n’ai pas l’habitude. Je cours pour le rattraper. Paul a déjà ouvert les fenêtres et aéré. Le magnifique paysage s’étend encore une fois devant mes yeux.

  • Je vais vous laisser. Si vous avez besoin, envoyez un message. Je vous amènerais votre repas dans quelques heures. M. Leconoistre ne vous retient plus. Si vous voulez partir, vous le pouvez.

Son ton sec et son visage fermé me rendent tristesse. Je veux dissiper cette sensation qui m’envahit. Je veux résoudre ce problème. Pourquoi ai-je besoin que Paul ne parte pas ainsi ? Il commence à partir. Je lui rattrape la manche.

  • Paul, je ne voulais pas vous blesser. Je…

Il retire son bras et ferme la porte derrière lui. Je reste bouche bée. Je n’ai jamais ressenti ça avant. Je devrais le haïr, pourtant je suis énervée envers moi. Je suis en colère de l’avoir blessée. C’est confus. Tout est confus dans ma tête dans mes sentiments. Je dois penser à autre chose, vider ma tête de toutes ses émotions. Je me tourne une nouvelle fois vers les fenêtres. Les premières lueurs de l’aurore arrosent les arbres d’un rose orangé. Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau. Mon corps est parcouru par un frisson. Mes yeux me piquent légèrement. Je sens une vague d’émotion me traverser. Je n’arrive pas à contenir mes larmes. J’aurais pu mourir sans voir la douceur de cette nature féerique. J’entends les oiseaux percher sur les branches des arbres. Leurs chants sont des mélodies merveilleuses à mes oreilles. Alicia me manque terriblement. Je reste toute la matinée à observer ce festival de couleur, de son et d’odeur. Je peux sortir maintenant. Je peux, pour la première fois aller à l’extérieur, sentir le vent caresser mon visage et le soleil réchauffer ma peau. Je veux me balader sous les arbres, glisser mes pieds nus dans les herbes hautes. J’attrape des vêtements et pars me laver. En sortant de la douche, je m’enveloppe dans une serviette. Je regarde les vêtements que j’ai pris, mais j’ai oublié un t-shirt. Je sors de la salle d’eau et me retrouve nez à nez avec Paul. Il tient un plateau avec mon repas. Il se tourne vers moi et son visage devient cramoisi. Il fixe ses mains et respire difficilement.

  • Je… je suis désolée. J’ai frappé, mais vous n’avez pas… répondu. J’ai cru que… vous étiez partie. Je… je suis… désolée. Je m’en vais.

Il s’éclipse. Un sourire en coin se dessine sur mon visage. Paul n’est peut-être pas si méchant que ça. Je prends un t-shirt et finis de m’habiller. Je regarde le plateau de nourriture et récupère le pain. Je suis les instructions de G. pour sortir de l’hôtel. Au bout de quelques minutes, j’ouvre les portes et la lumière du soleil m’aveugle.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Lucile Le Berre ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0