CHAPITRE 1

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Nous sommes à la veille de notre départ de Montpellier, c'est la fin de notre voyage scolaire de terminal. Je suis heureuse de rentrer à la Réunion, mais je me sens triste de quitter la Métropole aussi vite.

Cette petite île qui est perdu dans le milieu de l'océan Indien, pas très loin de Madagascar et la chère et tendre voisine de l'île Maurice. Ses plages, ses montagnes, ses villes et ses couleurs me manquent terriblement. La France est un peu trop austère pour moi.

Nous sommes le 20 octobre 2017, je range mes affaires en bordel dans ma valise et essaye tant bien que de mal de tout caser dedans. Sania, - ma sœur - va littéralement exploser de joie quand je lui rapporterais des romans de son auteur préférée Jane Austen – Je ne comprends toujours pas ce qu'elle peut trouver à ces livres romantiques à la con – Une fois ma valise close, je lance un lourd soupir et m'assois dans le canapé lit, encore dérangée, je suis à la fois triste et fatiguée.

Romy, une de mes amies et colocataires pendant ce tempétueux voyage scolaire m'appelle :

– Marie ? Tu es prête ? M. Lheureux – le professeur – commence à perdre patience en bas !

– Oui j'arrive ! Rétorquée-je exaspérée, ma mauvaise humeur le pas sur mon côté gentille fille.

 J'ai tout, sauf l'envie de me faire engueuler à 6h30. Romy m’attend à la porte vêtu de noir et d'une veste en laine rose poudrée, un débardeur noire montrant sa poitrine débordante accompagné d'un jean noir slim et des baskets puma de la même couleur que son pull en remplaçant les lacets en cotons par des rubans de soie de la même couleur. Ses cheveux ébènes et bouclés en macaronis sont relevés en un chignon grossier, prônant à ses oreilles deux jolie boucles argentés.

 Ses yeux noisette reflètent l'impatience, l'impertinence et le manque de sommeil dût à nos journées chargées, elle tape du pied. Sur le chemin vers le restaurant pour prendre le petit déjeuner – qui est à volonté – elle me demande :

– Alors, Benjamin t'a renvoyé un message ou vous vous êtes parler depuis cette fameuse nuit ?

– Non, - je secoue la tête de honte et de tristesse – pas un seul message, pas un regard et encore moins une parole … Dis-je en retenant la bile qui me monte à la gorge.

– QUEL SALOPARD ! Il me dégoûte ! Je suis désolée pour toi... Dit-elle compatissante, elle n'a pas à l'être je suis une idiote finie.

Je boue intérieurement, au fonds de moi je savais qu'il finirait par m'abandonner. Je feins l'indifférence mais le mal est ancrée dans mon cœur comme un hameçon dans le palé d'un poisson. Nous arrivons dans le restaurant de l'hôtel, je m'empiffre de crêpe et vole des petits pots de confitures, comme tout le reste de la classe, c'est devenu la routine matinale de ces vacances organisées.

J'aperçois Benjamin, je le regarde avec insistance mais il m'évite consciencieusement, il se concentre uniquement sur son plat et son ami Kurt avec qui il rigole à gorge déployer pendant que je me morfonds dans mon coin.

Il n'est pas plus grand que moi, ses cheveux sont d'un noir ébène à couper le souffle, ils sont assez long pour pouvoir faire une queue cheval avec. Il porte un tee-shirt noir tout simple, un pantalon noir décoloré et ses boots noirs montantes. Il est musclé mais le cache pour dieu sait quelle raison, son visage n'est pas carré mais un peu rond, des yeux noisette avec des reflets verts qui perce tout ce qu’il voit.

On me saisit par les épaules me sortant de ma rêverie, je me retourne, c’est Flavius, mon ami gay. Il mesure un mètre quatre-vingt et moi un mètre soixante-cinq, on dirait la tour Eiffel et une touriste à côté. Il est bronzé porte une barbe de trois jours – absence de rasoir je présume – il est svelte. Nous entamons une discussion animée sur le nouvel petit ami de Flavius pendant un court instant j’oublie la douleur qui me taraude la poitrine.

Lheureux commence à faire son show de professeur tyran et nous parle du programme de la journée. Je suis déjà éreintée avant le début de la journée.

Donc nous allons faire une journée au cinéma – normal vu que nous sommes venus exprès pour le Cinemed, le festival du cinéma – au programme deux films des années vingt et vers 18H30 nous irons savourer notre dernier repas dans la douce et paisible ville de Montpellier et nous finirons tous à la patinoire. J’ai hâte d’y être.

On regarde le film – dont j’ai déjà oublié le titre et ne le suis aucunement – mes yeux ne se détachent pas de Benjamin qui tente de flirter avec une fille déjà en couple – quel abruti, dire que j’ai commis l’irréparable avec lui –. Elles dégoulinent en silence dans le noir, je déglutis tentant de reprendre le contrôle de ce flot incontrôlé. Je sens la main de Romy serrée tendrement la mienne compatissant en silence. Je la remercie en silence, sèche mes larmes et repose mon sourire factice.

Nous prenons – pour la première fois de ma vie – le tram, ce n’est pas différent du bus, la différence réside dans les rails. Nous arrivons dans les alentours de 17h30, le tram s’arrête devant une grande enseigne où c’est inscrit « LA PATINOIRE DU SUD » plus vers la droite nous découvrons de grandes galeries, des restaurants, des friperies comme des grandes enseignes – Dior, Chanel… - toute la classe se met d’accord pour manger aux 3 Brasseurs malgré la réticence des professeurs.

Une fois arriver, nous nous installons, je scrute la carte minutieusement pour éviter de turbiner à propos de moi et Benjamin – mais aussi pour choisir car la carte est démesurément grande – j’opte pour un steak cuit à la bière et un panaché – évidement on n’a pas le droit de prendre de la bière – au moins il y en a dans mon steak. Romy a tenté le tartare de thon et Flavius un simple burger, nous nous coltinons tous des panachés.

Je suis morose, je n’arrête pas de penser à Benjamin et moi, je me doute de la raison de sa prise de distance mais je ne me résous pas à admettre l’évidence. Je secoue la tête et revient à la réalité.

On est arrivé à la patinoire – après avoir réussi à prendre deux grandes gorgées dans les bières des professeurs – je me sens légère mais j’enfile tant bien que de mal ces maudits patins. Romy insiste pour prendre une photo de groupe, nous mettons la pose, à la fin elle me gratifie de son sourire mille mégawatt, c’est contagieux je lui rends son sourire.

Le professeur commence son sermon sur le danger du patin à glace en nous conseillant d’y aller doucement aux premiers abords. Malheureusement pour lui, son sermon le rattrape, il chavire la tête la première sur la glace. Ce qui produit pour effet un éclat de rire générale et une ébullition de photos et de vidéos. Romy, Flavius et moi tenons à peine sur ses maudits patins, mais au bout de trente minutes de débat, de l’aide des habitués de la patinoire et de je ne sais combien de gamelles, nous finissons par réussir debout et à avancer.

Je comprends que c’est comme le roller, je me laisse le vent glacé fouetter mon visage pendant que je prends de plus en plus de vitesse, me ramenant à mes doux souvenirs d’enfance où tout semblait plus simple.

Dure retour à la réalité, je me ramasse de plus belle lors d’une descente un peu abrupte. Personne ne semble m’avoir vu mais je crois que je me suis foulée la cheville – elle me fait un mal de chien – une voix derrière moi interrompt le cours de mes pensées :

- Marie ? ça va ? dit une voix masculine que je reconnaîtrais entre mille.

C’est la voix de Benjamin. Je me retourne, je ne peux pas m’empêcher de le fusiller du regard.

- Je me suis foulée la cheville… je … je n’arrive plus à me lever… dis-je dans un chuchotement.

Il me lance un coup d’œil désapprobateur, il me tend la main. J’hésite mais je finis par la prendre, une douce chaleur se propage dans mon corps et mon cœur, mais je sais que ce n’est pas réciproque, si ça l’était il ne serait pas aussi indifférent. Je le regarde et fini par dire :

- Qu’est ce qu’il se passe Benjamin ? Pourquoi es-tu si distant ? Pourquoi ne me parles-tu plus ? Ma gorge se serre et mon estomac se noue, j’ai peur.

- Je n’avais plus rien à te dire Marie. Dit-il avec désinvolture.

Nous arrivons dans l’endroit appeler « vestiaires », c’est l’entrée de la patinoire où nous avons rangés nos chaussures pour enfiler les patins, des casiers bleus et blancs se succèdent, le vertige me monte à la tête – non ! ça ne peut pas être ça, il y a forcément une autre raison – je finis par articuler :

- Comment ça … plus rien ? Balbutie-je, en cherchant de l’air et mes mots.

- Et bien, - il se gratte le menton et me transperce de ces yeux verts noisette – plus rien, dans le sens, on a fait ce qu’on a fait maintenant c’est terminé entre nous.

Sa voix est dénuée de sentiments, il ne reste plus que de l’indifférence. Je tombe dans un gouffre, je le regarde, je regarde ce garçon que j’ai tant aimé, à qui j’ai donné ma vertu. Tout s’effondre mes sentiments s’envole, ses promesses ne sont plus qu’un lointain souvenirs, nos fous rires, nos disputes, tout vole en éclat, mon cœur part avec lui et je ne peux pas le retenir. La colère, cette colère monstrueuse prends le pas sur tous les autres sentiments :

- TU TE FOUS DE MA GUEULE ? Alors c’était ça l’idée ? – je lève les bras au ciel – Ton but ultime ? Tu baises la vierge de service pendant les vacances et tu disparais ? Tout ce que tu m’as dit c’était que des conneries ? Tous tes mots : « ne t’inquiète pas … je serais toujours là Marie » « Je ferais tout pour toi … » c’était pas vrai ? Tu m’as dit que tu ne partirais jamais, tu m’as dit que même ce cap passer, on resterait, tu savais que c’était important pour moi ? Alors pourquoi tu l’as fait, si tu savais que tu ne resterais pas ? – il ouvre la bouche pour répondre, je l’en empêche- En fait, tu n’es qu’un CONNARD qui voulait tirer son coup… Ma voix n’est plus qu’un chuchotement après avoir tout dit d’une traite.

- Marie je …

Je renchérie de plus belle, je ne veux plus l’écouter :

- TA GUEULE ! – j’utilise les dernières parts de ma fierté en lambeau – Je ne veux plus t’écouter toi et tes excuses bidon ! Je te préviens Benjamin … - je retiens mes larmes et feint l’indifférence – ne m’adresse plus un regard, une parole, un appel, un message ni même une pensée. Est-ce que je me suis faite comprendre ? Dis-je avec une voix posée et un cœur en mille morceaux.

Il me regarde en me scrutant comme à son habitude, je ne laisse passer aucun signe. Il se retourne, quitte le vestiaire, disparait de ma vie et de mon cœur.


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