Une mauvaise journée

6 minutes de lecture

2h22. C'était la quatrième nuit de suite que j'ouvrais les yeux à cette heure là. Je transpirais et j'avais la nausée. Ma femme Hélène faisait semblant de dormir à côté de moi, je le sentais. Elle émettait toujours un petit ronflement en temps normal. Et là rien. Je l'imaginais attendre que je meurs dans mon sommeil, le sourire aux lèvres. Elle pourrait enfin jouir de la vie comme le souhaitait. Mais je ne me laisserai pas tuer comme ça. Dans la pénombre de la nuit, je me levais de notre vieux lit dont la housse et la couette partaient en lambeaux, comme le reste de la maison d'ailleurs.

Je me dirigeais ensuite vers les toilettes. Je me passais les mains sous l'eau dans le but de me rafraichir le visage. Je découvris que J'avais du sang séché sur les mains. J'avais plein de petites entailles sur les bras et les mains. Je n'avais aucune idée d'où elles pouvaient venir, même si je me doutais qu'Hélène devait être dans le coup. Je me regardais dans le miroir. J'avais maigri. Mon visage était creusé, je perdais mes cheveux. Je donnais l'impression d'avoir deux fois mon age. Je levais les yeux vers l'armoire à pharmacie. La boite de mon médicament était là. Enfin, c'est Hélène qui disait que c'était mon médicament. En réalité, ces petites pilules bleues me tuaient à petit feu, je le sentais. Mes souvenirs étaient flous, et j'avais du mal à me souvenir de ce que j'avais fait la veille. Hélène me forçait à prendre mes pilules bleues. Elle me faisait lever la langue pour vérifier que j'avalais bien mon poison. Comme cela la rendait heureuse, de savoir que son cher mari se rapprochait de la tombe à chaque ingestion du produit.

Tout commença quand on apprit pour ma maladie. Au départ, le médecin m'avait prescris des pilules jaunes, que je devais prendre trois fois par jour. J'avais l'impression d'aller mieux. Mais un jour Hélène me dit qu'elle avait trouvé un traitement plus puissant. Les fameuses pilules bleues, les pilules de la mort. Je commençais donc à ingérer ma mort lente chaque jour que dieu fit.

Rapidement, je sentis que quelque chose n'allait pas. Je perdais peu à peu la perception de mon corps et de mon esprit. J'avais l'impression d'assister aux scènes de ma vie plutôt que de les vivre. Tout s'emmêlait dans ma tête. Je compris alors qu'Hélène essayait de m'empoisonner. Depuis ce jour, j'avalais bien ma pilule bleue pour faire le bon élève devant celle qui voulait ma mort. Et dès que je le pouvais, j'allais me faire vomir.

Je me sentais sale. Malgré l'heure tardive, je décidais de prendre une douche.

2h34. Je sortais de la douche. Je me sentais un peu mieux. Je réfléchissais à comment me sortir de cette situation. Je ne comprenais pas pourquoi Hélène voulait me tuer. Je ne voulais pas retourner dans le lit avec elle. Elle me dégoutait. Je repensais à notre rencontre dans un cours d'anglais à la fac puis à ma demande en mariage sur les falaises d'Etretat il y a cinq ans. Comment en étions-nous arrivé là. Certes, ma maladie fut compliqué à gérer pour elle, mais je sentais que j'allais mieux.

2h36. Je descendais dans le salon puis m'installais sur mon fauteuil préféré. Je voulais penser à autre chose. Je pris le premier livre à côté de moi. C'était un roman policier que j'avais commencé il y a quelques temps. J'ouvrais au niveau du marque page. Je commençait à lire, mais je ne comprenais rien. J'ai dû reprendre une dizaine de page en arrière pour retrouver le fil du récit. Ces pilules bleues m'avait vraiment bousillé le cerveau. Après quelques minutes, mes yeux commençaient à se fermer d'eux mêmes.

11h43. Il était tard. J'avais beaucoup dormi. Aucun signe d'Hélène. Nous avions l'habitude de passer nos journées à nous éviter en ce moment. Elle était peut-être partie faire des courses. J'allais vers la cuisine pour me préparer à manger. Quatre assiettes à moitié vides trainaient encore sur la table. Je ne me souvenais pas que nous avions reçu du monde hier. J'ouvrais le congélateur, et sortis un plat surgelé que je mis au micro-ondes. Pendant la cuisson, je réfléchissais à mes chances de survis. Hélène finirait par en avoir marre de ne pas me voir mourir. Peut-être finirait t elle par employer des moyens plus radicaux. Dois-je aller voir la police ? Me croiraient t ils ? Peut-être si je leur amène une pilule bleue, ils pourraient faire des examens et déduire de quel poison il s'agissait, ils mettraient Hélène en prison et tout finirait bien, en tout cas pour moi. Le micro-onde sonna. Je versais le contenu de la barquette surgelée dans une assiette. Je pris les derniers couverts disponibles et m'installa à table, poussant du bras le fatras environnant. Mes pensées m'avaient coupé l'appétit. Je mangeais difficilement quelques bouchées de mon plat préparé à base de poulet et de purée quand soudain, quelque chose me frappa. Les assiettes sales qui trainaient avaient chacune une fourchette à côté d'elles, mais pas de couteau. Où étaient passés les couteaux ? Hélène avait t elle compris que j'avais compris ? Elle avait donc entrepris de cacher toutes les armes potentielles de la maison ? Ecœuré, je laissais mon assiette de côté et me levais. Il fallait que je sorte d'ici.

16h11. J'errais sans but dans mon quartier depuis plusieurs heures. Ma réflexion m'avait poussé à la conclusion suivante. Je devais confronter Hélène. Je vais retourner la voir, et lui dire que je savais tout. Je ne savais pas comment elle réagirait. J'avais peur, mais je ne pouvais plus continuer comme ça.

16h37. J'entrais dans notre maison. Aucun bruit. Elle adorait bouquiner dans notre chambre. Je pourrais certainement la trouver là-bas. Je montais les marches. J'ouvrais doucement la porte de la chambre. Elle était là. De son côté du lit, tournée vers la fenêtre. Elle ne dit aucun mot quand j'entrais dans la pièce. J'allais ouvrir la bouche quand je vis quelque chose qui me fit frissonner de terreur. Les couteaux de la cuisine gisaient dans un coin de la chambre. Ils étaient recouverts de sang. Je me rappelais les traces de sang sur mes bras et mes mains ce matin. Hélène m'avait t elle lacéré pendant mon sommeil ? Pourquoi aurait elle fait ça ? Peut-être a t elle essayé de m'agresser pendant la nuit et je ne m'en souvenais plus. Faute aux petites pilules bleues. Je déguerpissais de la chambre à toute allure.

19h52. Ma décision était prise. J'allais me débarrasser d'Hélène. Je devais la tuer. J'allais dans la cuisine et pris le dernier couteau disponible. Ferait-il l'affaire ? Je ne devais pas me rater. Je testais la lame sur ma main, au milieu de toutes mes égratignures. Il avait l'air de bien couper. Je testais à deux ou trois autres endroits, juste pour être sur. Je me dirigeais ensuite de nouveau vers la chambre.

19h57. Couteau à la main. J'entrouvris la porte. Hélène était là, c'était le moment. Sans même lui laisser le temps de se retourner, je fonçais sur elle et plantais le couteau à plusieurs reprises dans son ventre, des morceaux de couette et de housse virevoltèrent dans la chambre, au rythme de mes coups. Une fois assuré qu'elle était bien morte, je jetais mon couteau dans un coin de la chambre. J'entendis un bruit métallique à l'impact. Il était tombé sur les autres couteaux de cuisine. Je m'effondrais à côté de ce qui restait d'Hélène. Le cœur meurtri par mon acte, mais soulagé d'être sorti de ce piège infernal. Je m'endormais paisiblement.

2h22. C'était la cinquième nuit de suite que j'ouvrais les yeux à cette heure là. Je transpirais et j'avais la nausée. Ma femme Hélène faisait semblant de dormir à côté de moi, je le sentais.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Awa ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0