Épisode 25 : Amours contrariés (3 / ?)

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Dès qu'elle comprit que Nicolas l'embrassait, Laure le repoussa d'un geste brusque. Elle aurait aimé réagir avec moins de violence, mais ce fut plus fort qu'elle.

– Qu'est-ce qui te prend ?

Sa question ne manifestait aucune colère, mais plutôt de la surprise.

– Je...je suis désolé. J'ai cru que…

Laure le sentait. Si Nicolas pouvait se transformer en petite souris pour se cacher dans un trou, il le ferait. Malheureusement pour lui, il n'était pas magicien.

– Tu as cru quoi ? Je t'ai pris la main par réflexe parce que j'ai eu peur. À quel moment, as-tu pensé que c'était un appel pour m'embrasser ? Surtout après l'année dernière…

Honteux, Nicolas rougit alors que Laure continua :

– Mes sentiments pour toi n'ont pas changé. Je ne ressens que de l'amitié pour toi. Si tu n'es pas capable de n'avoir qu'une relation amicale avec moi, je crois qu'il faudrait qu'on arrête de se voir que tous les deux. D'ailleurs, je pense que tu devrais partir.

– Je suis désolé.

Il avait prononcé ces mots dans un murmure. Laure les avait à peine entendues.

Nicolas se leva du canapé et sans rajouter un mot ni un regard à la jeune femme, il quitta la maison.

Laure resta sur le canapé, mais arrêta le film. Ses pensées la plongèrent ailleurs, dans un souvenir vieux d'un an. Les protagonistes de cette scènes étaient, à nouveau, elle-même et Nicolas. Ils passaient aussi la soirée ensemble. Cette fois-ci, ils ne regardaient pas un film, mais ils étaient allongés sur le toit-terrasse en train d'admirer les étoiles. Nicolas revenait d'un stage d'astronomie et il partageait avec elle ses découvertes. Laure l'écoutait attentivement. L'espace l'avait toujours intrigué. Cette mer céleste gardait encore bien des secrets et elle stimulait son imagination. La beauté de cet instant bascula à un grand étonnement lorsque Nicolas s'était penché vers elle pour l'embrasser. Laure le repoussa gentiment et chercha à comprendre pourquoi le jeune homme avait agi de la sorte. Il lui révéla alors qu'il était amoureux d'elle depuis près d'un an, et que jusqu'à présent, il n'avait jamais osé se déclarer. Mal à l'aise, elle l'avait blessé dans son amour propre en lui disant que ce n'était pas réciproque et qu'ils ne serait qu'amis, rien de plus. Il était parti de la même façon qu'il venait de quitter Laure. Abattu.

Alors qu'elle sortit de ce souvenir, Laure se surprit à effleurer sa bouche avec un doigt, comme si elle cherchait à réveiller le souvenir du baiser. Son attitude la troubla, mais elle enfouit cet instant dans les profondeurs de son esprit pour reprendre le fil du film. Regarder une famille se faire martyriser par un esprit maléfique serait moins terrifiant que d'affronter ce qu'elle ressentait.

***

Au restaurant, Marie passait un agréable moment. Pour commencer, l'homme face à elle était un plaisir à regarder. Ses magnifiques yeux verts et son sourire digne d'une publicité pour une marque de dentifrice l'hypnotisaient. Ses atouts physiques ne s'arrêtaient pas là. Les traits de son visage était gracieux et il possédait une musculature bien proportionnée.

Alors qu'il parlait, la jeune femme ne put s'empêcher, un instant, de l'imaginer nu.

– Tu as l'air ailleurs. Je t'ennuie ?

Marie sortit de sa courte rêverie, confuse.

– Non, pas du tout. Je suis désolée. J'ai juste été distraite un moment. Donc, tu disais que tu habitais Isle depuis pas longtemps.

– Oui, je suis originaire de Toulon. Je suis venu à Isle, il y a un an, pour prendre un poste de pompier.

– Tu es content de ce choix ?

Le serveur arriva avec les entrées. Marie avait pris une soupe au potiron tandis que Jérôme avait opté pour des œufs pochés.

– J'ai encore du mal à avoir un avis tranché sur la question. Isle n'est pas une ville banale. D'un côté, elle a tous les atouts d'une grande ville ; mais de l'autre… je n'ai jamais vu et entendu autant d'accidents, de meurtres et autres violences en tous genres.

– Au moins, tu ne risques pas d’être au chômage !

Jérôme la regarda avec un air choqué. Marie eut un sourire gêné :

– Oui, je suis désolée. J’ai parfois un humour noir. C’est un des effets secondaires de vivre à Isle.

– Oui, Isle est connue pour sa violence et ses crimes ; mais dans le même temps, elle attire comme si elle possédait un pouvoir d’attraction. La preuve, tu es venu travailler ici et tu n’envisages pas de partir dans l’immédiat. Elle n’a pas eu un effet répulsif sur toi.

– C’est vrai, et peut-être que je vais découvrir un autre aspect charmant de la ville.

Il lui fit un clin d’œil. À nouveau, un sourire embarrassé se dessina sur le visage de Marie.

– Peut-être.

***

Le cœur lourd, Sylvie arriva devant Le Salon des Merveilles. Alors qu’elle s’était promis, un an auparavant de ne plus mettre les pieds dans cet endroit, elle était de retour, forcée par Victoria. La colère monta et ce fut avec cette émotion qu’elle rentra dans l’établissement par la porte de derrière réservée aux employées.

– Tu es retard ! aboya Victoria.

Sylvie la fusilla du regard.

– Tu m’as dit vingt et une heure trente.

– Vingt et une heure trente sur scène. Tu connais la maison, dépêche toi de te préparer ! Je vais bientôt faire l’annonce de ton retour.

Sylvie entra dans les coulisses où quelques filles enfilaient de la lingerie haut de gamme et se maquillaient. De la pièce, elle entendait les bruits de la « salle de spectacle » comme l’appelait Victoria. La musique rythmée qui était diffusée ne masquaient pas les cris et les sifflements des spectateurs en rut.

La jeune femme frissonnait déjà de dégoût.

– Tu es nouvelle ?

Sylvie se tourna vers la femme qui venait de lui poser la question. Elle semblait plus âgée qu’elle. Elle aurait dit presque une trentaine d’années. Elle portait une perruque rousse et lisse, ce qui faisait ressortir ses yeux verts ; mais son regard et ses lèvres pulpeuses ne parvenaient pas à masquer la rigidité de son visage. Elle avait un léger accent de l’Europe de l’Est.

Sylvie aurait aimé ne parler à aucune des filles, mais elle se lança par pure politesse :

– Pas vraiment. J’ai déjà travaillé ici, mais j’ai arrêté il y a un an.

– Ah, tu es la fameuse Coccinelle ! Celle que Victoria a fait revenir pour sauver le bateau ! Tu n’as donc pas complètement réussi à fuir ce monde.

Sylvie baissa le regard. Si elle avait toujours trouvé les coccinelles jolies, elle associait maintenant cet insecte à la honte.

– Je m’appelle Cannelle.

Sylvie releva la tête et lui sourit. Le ton aimable de Cannelle lui indiquait qu’elle ne cherchait rien de plus qu’une amitié. Elle l’accepta. Elle aurait besoin d’une alliée dans cet univers où les tensions avec les filles pouvaient être parfois vives et les hommes ressemblant souvent à des animaux.

Victoria fit une apparition dans les coulisses et lança à Sylvie :

– Tu n’as plus que cinq minutes pour te préparer.

Elle quitta aussitôt les lieux. Sylvie se prépara le plus rapidement possible. Elle enfila une lingerie dorée et une perruque noire. Elle n’eut pas le temps de se maquiller.

– Coccinelle ! l’interpella une voix d’homme.

Stéphane, un employé de Victoria, était entré dans la pièce. Ils se connaissaient, s’appréciaient même et la jeune femme remarqua le regard triste qu’il portait sur elle. Cependant, il ne fit aucun commentaire. Il lui sourit :

– Prépare-toi à rentrer ! Victoria va faire l’annonce et tu pourras rentrer sur scène. Tu es peut-être un peu rouillée…

– Merci, Stéphane ! Je m’en sortirai. Je n’ai malheureusement pas oublié.

Sylvie avança vers la porte qui menait directement sur l’estrade. Elle entendit la musique stopper puis la voix de Victoria retentir :

– Messieurs, messieurs ! Je lis sur vos visages à quel point vous êtes heureux d’être ici ce soir. Laissez-moi augmenter votre plaisir, car j’ai une surprise pour vous. Certains d’entre vous la réclament depuis des mois, d’autres ne la connaissent pas encore. La légende du Salon des merveilles est de retour, celle qui réveille vos sens et les met en ébullition. Je parle bien sûr de Coccinelle. Elle est de retour pour vous. Accueillez-là !

La porte s’ouvrit, et sous les applaudissements, Sylvie s’effaça pour laisser place à Coccinelle.

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