Épisode 13 : L'Ogre (5/14)

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Le quartier des Alouettes s'offrait au regard de Sydney, et il n'y avait pas grand-chose de réjouissant à voir. L'entretien des immeubles et des routes laissait à désirer. Des nombreux déchets en tous genres traînaient sur le sol. Les personnes qui défilaient devant la jeune femme ne renvoyaient que lassitude, frustration voire désespoirs quand ce n'étaient pas des dealers de drogue qui faisaient leur tournée.

Sydney se sentait mal à l'aise. Elle n'était pas habituée à une telle misère sociale. À cet instant, elle remercia la vie d'avoir pu naître dans une famille, certes pas riche, mais ayant suffisamment de revenus pour se permettre d'habiter dans un cadre agréable.

– Rien ne me vient, déclara-t-elle.

En disant ces mots, elle eut l'impression d'être en faute. Pourtant, Christian la regardait avec bienveillance.

Ils avaient garé la voiture à l'entrée du quartier et l'exploraient depuis une quinzaine de minutes dans l'espoir que quelque chose déclenche une vision à Sydney.

– Nous allons faire autrement, annonça Christian. J'avais une idée en tête, mais je ne voulais pas vous la présenter en premier lieu. Elle ne va pas vous mettre à l'aise.

Intriguée, Sydney attendit la suite.

– Comme nous avons l'adresse des parents de Louis, nous pouvons leur rendre visite. Visiter son habitat voire rentrer dans sa chambre pourrait vous aider.

– Je ne me sens pas de faire ça. Qu'allons-nous leur dire ? Nous ne sommes pas de la police et…

– Laissez-moi cette partie ! Officiellement, je suis détective privé.

Sydney décida de suivre l'idée de Christian. Après tout, elle n'avait rien d'autre à proposer et son désir d'empêcher l'Ogre d'agir grandissait.

Ils se dirigèrent au bâtiment C et cherchèrent le nom de famille de la mère de Louis : Collot. Ce fut Christian qui appuya sur l'interphone.

Quelques instants plus tard, une voix de femme, marquée par une tristesse évidente, leur demanda de se présenter.

– Bonjour Madame Collot. Je me présente, je suis Christian Sinclair. Je suis détective privé et j'enquête sur plusieurs disparitions d'enfants. J'aimerais parler avec vous de Louis.

– Vous l'avez retrouvé ?

Sydney eut un pincement au cœur. Elle ressentait, dans la voix de cette femme, l'espoir de pouvoir serrer à nouveau son fils dans ses bras. Malheureusement, comment lui dire qu'une telle scène ne se produirait plus ?

– Non, Madame, répondit Christian. Je suis désolé de ne pas pouvoir vous apporter cette joie. Mais Louis n'est pas le seul enfant à avoir disparu et l'enquête que nous menons avec ma collègue pourrait nous conduire à la retrouver. Cependant, nous aurions besoin de discuter avec vous. Sans le savoir, vous êtes peut-être en possession d'éléments qui pourraient faire avancer notre enquête.

Silence. Sydney commençait à croire que la femme ne les recevrait pas quand ils entendirent le bruit d'ouverture de la porte d'entrée retentir puis la voix de Madame Collot :

– Troisième étage. Porte de gauche.

Le cœur battant, Sydney suivit Christian. Ils montèrent en silence. Madame Collot les attendait devant la porte. La jeune femme remarqua ses cheveux non coiffés, ses traits marqués, ses yeux cernés, et, malgré l'heure tardive de la journée, elle portait un pyjama. À cet instant, Madame Collot incarnait la tristesse même.

– Je pensais que vous étiez seul, fit-elle.

– Je vous présente Sydney Delorme, dit Christian. Elle ma coéquipière.

Elle les invita à entrer et les installa dans le modeste salon.

– Souhaitez-vous quelque chose à boire ? demanda mécaniquement Madame Collot. Je suis en train de préparer une infusion.

– Non, je vous remercie, répondit Christian.

Sydney donna la même réponse.

– Madame Collot, pouvez-vous nous parler de la dernière journée de Louis ? Je sais que c’est difficile, et que vous avez certainement dû parler à la police…

– Pff, la police ! S’énerva-t-elle. Ils disent qu’ils ne savent rien, qu’ils n’ont aucune piste. On n’est pas aidé à Isle avec la police. Mon fils n’est qu’une victime de plus de leur incompétence.

« Si elle savait ce qui était vraiment la cause de tous ces malheurs », pensa Sydney.

– C’est pour ça que nous sommes là. Pour essayer de trouver des indices que la police n’aurait pas vu.

– Qui vous a engagé ?

– Une mère comme vous qui désespère de ne plus retrouver son enfant. Nous avons des raisons que celui qui a enlevé Louis est à l’origine de plusieurs enlèvements sur Isle.

Madame Collot les scruta avec grande attention. Elle semblait décider si elle pouvoir leur faire confiance ou non, si s’infligeait, une nouvelle fois, le récit du jour le plus horrible de sa vie en valait la peine.

Elle souffla un bon coup et commença à parler :

– Louis est un garçon gentil et attentionné. Il est aimé de ses copains et ne ferait même pas de mal à une mouche.

Sydney trembla en notant qu’elle utilisait le présent pour parler de son garçon.

– Le jour de sa disparition a commencé comme une journée normale. Je l’ai amené à l’école, je suis partie travailler, le soir je suis allée le chercher. On est rentré, il a pris son goûter puis il est parti en bas de l’immeuble jouer au football avec ses copains. Ils font souvent ça. Vous allez me dire que je suis une mauvaise mère : laisser seule un gamin de huit ans dans la rue. Je le laissais y aller, car il y a toujours des plus grands, certains ont même dix-huit ans passé. Et puis, je peux jeter un œil de temps en temps à la fenêtre.

– Personne ne vous juge, Madame Collot, la rassura Christian.

Elle se retenait de pleurer. Sydney aussi.

– Il n’est jamais revenu. Ses camarades l’ont vu monter dans une voiture, mais personne n’est capable de dire avec qui ni dans quelle type de voiture.

Cette fois-ci, les larmes sortirent. Elle s’excusa et les quitta pour revenir quelques instants plus tard.

– Si Louis est monté dans la voiture de son plein gré, vous pensez qu’il connaissait la personne qui l’a enlevé ? demanda Christian.

– Je ne sais pas. Certainement, mais je ne comprends pas. J’ai appelé toutes mes connaissances.

– Personne n’est venu chercher Louis. Et il vient toujours me demander l’autorisation avant de faire quelque chose.

– Puis-je voir la chambre de Louis ? intervint Sydney.

– Pourquoi faire ?

Subitement, Madame Collot se montra sur la défensive. La chambre de Louis était, certainement, devenue un sanctuaire où les inconnus n'avaient pas leur place. Sydney s'expliqua :

– Je travaille sur les profils des disparus pour repérer des similitudes entre eux et voir si la ravisseur s'attaque à un profil particulier d'enfant. Ce que vous nous dites est intéressant, mais voir la chambre de Louis me permettrait de mieux le cerner.

La jeune femme remarqua que Madame Collot hésitait encore, mais elle l'autorisa finalement à entrer dans l'antre de Louis.

C'était une petite chambre avec un lit une place sur un côté du mur. Sur le lit, les draps se retournaient dans tous les sens. Cependant, Sydney soupçonnait que Louis n'était pas la dernière personne à avoir utilisé le lit. Madame Collot avait dû dormir dedans depuis sa disparition.

Des jouets se trouvaient sur le sol : des voitures et des figurines. Sur la gauche, contre le mur, un petit bureau avec des cahiers et des livres.

Tout comme Madame Collot, la chambre semblait attendre le retour de Louis pour une remise en ordre.

Sydney s'avança vers les jouets. Avant de les toucher, elle se tourna la mère qui la laissa faire. Sydney prit une voiture rouge dans ses mains. Rien ne lui vint. Elle essaya d'autres objets, mais le résultat fut le même.

La jeune femme se releva puis son regard fut attiré par les photographies accrochées au-dessus du bureau. Elle jeta d'abord un œil sur une photo où Louis était entouré des bras de sa mère. Puis une autre où le jeune garçon était en présence d'un labrador.

La troisième photo la glaça. Louis se tenait debout, fièrement, en compagnie d'autres garçons de son âge. Ils portaient tous des maillots et se trouvaient dans ce qui ressemblait à un terrain de football. Mais ce qui saisissait Sydney, c'était la présence d'un adulte à leurs côtés. Pas n'importe lequel. Jean-Paul, l'homme invité par ses parents le midi même.

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