Épisode 27 : Amours contrariés (5 / ?)

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Dès que Laure comprit qu'elle était réveillée, elle voulut replonger dans son sommeil ; mais elle sut qu'elle ne se rendormirait pas. Son cœur, qu'elle essayait de ne pas écouter depuis quelques jours déjà, se serrait de plus en plus fort dans sa poitrine. Avec une telle force qu'une douleur vive la piquait. Certainement qu'il en serait ainsi tous les vingt huit septembre.

Son portable vibra, mais elle n'ouvrit pas tout de suite les yeux. Elle resta encore quelques instants dans le réconfort de son lit, repoussant le début de cette journée qu'elle détesterait.

Elle pensa à son père. Elle ne l'avait pas entendu rentrer. Elle espérait qu'il avait découché et l'imaginait décuver sur le canapé d'un collègue. Elle préférait ça qu'à le croiser dans la journée, sentir sa transpiration et la puanteur de l'alcool, et l'entendre lui balancer des horreurs comme il savait si bien les énoncer depuis des années.

Elle s'étira avant de permettre à ses yeux de retrouver la lumière du jour. Puis, elle se tourna sur le côté afin d'attraper son téléphone portable posé sur la table de chevet. Il était neuf heures et Sydney lui avait envoyé un message :

« Je pense à toi, ma chérie. Je viens te voir en début d'après-midi et on passe le reste de la journée ensemble. Je t'aime ».

Les mots de sa meilleure amie lui réchauffa le cœur. Ils lui donnèrent même la force de se lever du lit.

Elle sortit de sa chambre. Avant de descendre pour se rendre dans la cuisine, elle se déplaça avec la plus grande discrétion, jusqu'à la porte de la chambre de son père. Elle tendit l'oreille. Aucun bruit. Elle ne s'autorisa pas à ressentir encore un soulagement complet. Ce ne serait pas la première fois qu'elle trouverait son père sur le canapé du salon.

Elle descendit l'escalier et inspecta le rez-de-chaussée. Personne. Elle se détendit. Elle était bel et bien seule.

Elle se rendit dans la cuisine et se prépara son petit déjeuner : un jus d'orange, un café et des céréales accompagnés d'une boisson à l'amande. Elle prit ensuite place sur une des chaises autour de la petite table de la pièce, et alors qu'elle était sur le point de commencer son repas, elle se retrouva soudain dans un autre état de conscience. Le regard au loin, son esprit quitta le présent pour faire une plongée cinq ans en arrière.

Elle était assise à la même place. Elle avait douze ans. Elle se rappelait de l'odeur du pain perdu. Sa présence se sentait dans tout le rez-de-chaussée, réveillant l'appétit et promettant des moments de délice. Laure adorait le pain perdu. Depuis l'enfance, elle le classait parmi ses desserts préférés. Sa mère le savait, bien qu'elle en faisait rarement, souvent lorsqu'elle avait quelque chose à se faire pardonner. Elle était assise face à elle. Elle lui souriait, mais de son regard se dégageait une certaine tristesse voire une pointe de culpabilité. Quant à Laure, elle se tenait sur la défensive. Ces derniers jours, sa mère n'avait pas pris de drogues. Elle n'avait pas bu. Elle n'avait pas non plus découché pendant plusieurs jours.

– Pourquoi tu m'as fait du pain perdu ? avait-elle demandé ?

– Comme ça, répondit sa mère. Je n'ai pas le droit de faire plaisir à ma fille ?

Elle s'était contentée de cette réponse. Elle avait alors mangé puis sa mère l'avait amenée au collège. Avant qu'elle ne descende de la voiture, elle l'avait prise dans ses bras, lui avait lancé un « je t'aime » furtif. Le soir, lorsqu'elle était rentrée chez elle, Laure n'avait pas trouvé sa mère. Elle s'en était pas inquiétée. Ni le jour suivant. Ni le jour d'après. Le troisième jour, son père et elle avaient commencé à s'inquiéter. Ils avaient appelé leurs contacts. Personne n'avait su où elle se trouvait. Son père avait fini par trouver une lettre qui était tombée sous le lit. Elle expliquait sans grands détails qu'elle les avait quittés vivre une nouvelle vie avec un musicien. Elle ne savait pas quand elle reviendrait à Isle pour passer du temps avec Laure. Cinq ans plus tard, Laure l'attendait toujours.

La jeune femme sortit de son souvenir et laissa sa tristesse s'exprimer par de chaudes larmes.

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