Épisode 5 : Marilyne (5/5)

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eDebout, devant l'un des chemins d'entrée de la forêt, Sydney restait figée. Sa peur l'incitait à ne pas faire un pas de plus vers le bois.

Pourtant, ce ne serait pas la première fois qu'elle s'y promènerait. Plusieurs fois, elle avait randonné avec ses parents ou ses amis. D'ailleurs, elle appréciait énormément ces promenades, ces contacts avec la nature. Elle en ressentait toujours les bénéfices.

Mais cette fois, des différences notables s'imposaient à elle. Un cadavre s'y trouvait - même si elle savait que ce n'était pas le premier et certainement pas le dernier - et ; une énergie particulière émanait de la forêt. Elle ne l'avait jamais captée avant aujourd'hui. Un parfum d'hostilité, comme si une force invisible cherchait à l'éloigner des lieux. Quelque chose ne la voulait pas ici. Le tueur ? Peut-être. Ou bien quelque chose de plus maléfique.

Sydney se jugea alors inconsciente de venir ainsi, seule. Elle ne savait pas sur qui elle pourrait tomber. Il pourrait lui arriver des choses bien désagréables. Néanmoins, quelle marge de manœuvre avait-elle ? Voir la police et leur raconter ce qu'elle avait vu et éprouvé ? Personne ne prendrait au sérieux ses visions.

Et puis, une voix au fond d'elle-même affirmait qu'elle devait le faire. Alors elle s'engagea sur le chemin. Elle marchait sans destination précise. Elle laissait faire ses jambes.

Au bout d'une vingtaine de minutes, elle commença à ressentir une pression au niveau de ses tempes. Elle se rapprochait. Elle tourna la tête vers la droite, vers les profondeurs de la forêt où aucun chemin n'était balisé. Elle s'y dirigea.

Au même moment, alors que le soleil rayonnait à travers les feuillages, un nuage noir assombrit le paysage. Sydney pensa que ce changement n'était en rien naturel, mais elle écarta rapidement cette hypothèse.

Elle continua sa route. Plus elle avançait, plus son mal de tête augmenta. Lorsqu'elle arriva dans une clairière, la douleur devint presque insupportable.

Elle s'arrêta. Elle ne voyait rien, mais Marilyne se trouvait là. Elle le sentait. Elle s'avança près d'un arbre. Ses yeux se fixèrent sur les pieds du sapin. Toujours rien. Pour autant, elle était comme hypnotisée.

Elle sursauta lorsqu'elle vit une main apparaître sur le sol. Elle disparut aussitôt.

"Je deviens complètement folle. Je suis en train de dérailler".

Cependant, son attention resta sur ce même point. Ce qui se produisit ensuite la stupéfia. La main réapparut, mais elle ne fut pas seule cette fois-ci. Un voile invisible semblait s'enlever pour laisser à découvert le corps sans vie de Marilyne, un trou au niveau de la poitrine.

Sous le choc, Sydney perdit l'équilibre et tomba sur le sol.

"C'est impossible. Il n'y avait rien il y a quelques secondes".

Mais le cadavre de Marilyne demeurait sur le sol. Avec lenteur, Sydney se releva et s'approcha du corps.

  • Je suis désolée, Marilyne.

Une larme coula sur sa joue.

Un bruit retentit derrière elle. Sur le qui-vive, elle se retourna. Personne. Elle bougea à nouveau pour revenir vers Marilyne, mais ce fut la peur qu'elle trouva.

Devant elle, une fumée noire se dressait. La même qu'elle avait vu dans sa vision sur la place du centre-ville. Elle dégageait de la fureur. Le fait qu'elle découvre Marilyne ne lui plaisait pas. La fumée la toisa quelques secondes avant de partir comme une furie.

  • Dans quoi je suis tombée, murmura Sydney.

Les yeux à nouveau rivés sur Marilyne, elle sortit son téléphone portable et composa le numéro de la police.

***

  • Tu pensais à quoi ? cria Laurianne.

Les mains crispées sur le volant, elle jeta un regard sévère à sa fille.

  • Tu imagines ce que j'ai ressenti quand la police m'a appelé pour me dire que ma fille était au commissariat après avoir trouvé un cadavre dans la forêt ? Alors que ma fille, à cette heure-ci, est normalement au lycée suivant sagement les cours.
  • Je ne sais pas à quoi je pensais, maman. Comme je l'ai dit aux policiers, je... Ce qui est arrivé à parrain me travaillait, je n'avais pas la tête aux cours et je suis partie me promener dans la forêt pour me changer les idées.
  • Toute seule ?! Et si tu étais tombée sur le meurtrier ? Tu as réfléchi à ça.
  • Je vais bien, maman. Je suis là. Rien ne m'est arrivé.
  • Et rien ne t'arrivera dans les prochains jours. Tu es punie de sortie pendant une semaine. Quand ton père va apprendre ça !

Sydney accepta la sentence en silence. Que pouvait-elle dire de plus ?

Le reste du trajet se déroula sans un mot. Arrivée à leur domicile, Sydney se précipita dans sa chambre, sous le regard surpris de Joseph. Une fois la porte fermée, elle se laissa tomber sur le sol et éclata en sanglots.

Elle ne sortit de sa tristesse que lorsqu'on toqua à la porte.

  • Sydney ? Je peux rentrer ?

La jeune femme se releva et ouvrit la porte. Dès qu'elle vit son parrain, elle se jeta dans ses bras.

  • Oh, ma chérie ! Ta mère m'a raconté ce que tu as vu. Tout ira bien, tout ira bien. Ce sera bientôt plus qu'une mésaventure. Et ne t'inquiète pas pour ta mère ! Elle n'est pas vraiment en colère contre toi, elle a surtout eu peur.
  • Je sais.

Pendant ce temps, au rez-de-chaussée, Laurianne sortit dans le jardin pour téléphoner à son mari. Il répondit dès la première sonnerie.

  • Laurianne, est-ce que tout va bien ? s'inquiéta-t-il.

Elle lui raconta les péripéties de leur fille.

  • Tu penses comme moi, affirma-t-il après qu'elle eut fini.
  • Oui. Je crois que nous devons envisager que notre fille ait activé ses pouvoirs.

***

Sydney ne quitta pas sa chambre de l'après-midi. Elle essaya de dormir, de lire, de regarder des séries télévisées, mais rien ne l'éloignait de Marilyne, de ses questionnements sur ses rêves et sur cette fumée noire, de son sentiment de culpabilité. Coupable de n'avoir rien fait de plus. Coupable d'avoir menti à ses amis et à sa mère. Un tourbillon d'émotions.

Vers dix-huit heures, Laure interrompit sa torture mentale. Laurianne l'avait laissée voir Sydney. Si elle était encore en colère, elle comprenait parfaitement le besoin de sa fille de parler avec une amie.

Laure avait pleuré. Sydney le devinait, même si son amie ne montrait rien. L'annonce de la mort de Marilyne Legrand était sur tous les médias et sur toutes les lèvres depuis le début de l'après-midi, mais c'était Sydney qui lui avait appris par téléphone.

Laure se posa à côté de Sydney et la prit dans ses bras.

  • Je suis désolée pour Marilyne, dit Sydney.
  • J'espère que le salaud qui a fait ça sera retrouvé.

Elle s'écarta de son amie avant de demander :

  • Raconte-moi à nouveau ce qui s'est passé dans cette forêt.

Sydney s'exécuta en prenant soin d'être la plus précise possible.

  • Je me demande sérieusement si c'est un être humain qui a fait ça, conclut-elle. Cette fumée noire, c'était étrange. J'avais vraiment l'impression que c'était une entité consciente.
  • Je ne sais pas quoi te dire. Cette histoire est complètement insensé.
  • Je sais. Et il y a encore quelque chose de plus insensée qui me traverse l'esprit. Marilyne et Barbara ont eu, toutes les deux, le coeur arraché. Et si c'était la même personne ? Après tout, nous savons que le meurtrier de Barbara était dans le coin.
  • J'aimerais tellement boire un verre de vodka maintenant.

Elle essayait l'humour pour détendre l'atmosphère. Laure rajouta :

  • Tu penses qu'on peut convaincre tes parents pour que je dorme ici ce soir ?
  • Tu sais que tu n'auras pas de vodka ?
  • Je me ferais un double shot demain soir.

Sydney laissa échapper un petit rire.

  • Au fait, qu'est-ce qui s'est passé ce matin en cours de littérature ? questionna Laure pour changer de sujet. Quand tu as vu, Monsieur Delettre, on aurait dit que tu avais vu un fantôme.

Karl. Avec les derniers événements, elle l'avait presque oublié.

  • C'est lui.
  • Qui lui ?
  • Le gars de cet été

Hébétée, Laure resta un moment sans réaction. Puis, elle éclata de rire.

  • Tu ne fais vraiment pas les choses à moitié. Les cours de littérature vont être intéressants.

Sydney lui lança gentiment un coussin, mais les rires de Laure continuèrent, éloignant, pour un court instant, le spectre de Marilyne.

***

  • Nicolas, tu es sûr que tu ne veux pas manger ?

La voix aiguë de sa mère retentit à travers la porte. Nicolas s'agaça. Il pensait avoir été très clair.

  • Non merci, maman.

Sa mère s'éloigna et il rapporta son attention sur les photos qu'il tenait entre ses mains. Sur chaque image, toujours les mêmes protagonistes : Marilyne et lui. Souriant. Grimaçant. S'embrassant. Le

cœur du jeune homme pesait lourd dans sa poitrine. De nombreux "Et si..." tournaient dans sa tête.

  • Pardonne-moi, Marilyne.

Il laissa couler ses larmes.

***

Dix jours plus tard

À l'écart de la famille et des amis proches, Sydney assistait à la mise en terre de Marilyne. Elle avait tenu à être présente pour lui rendre hommage, mais aussi pour accompagner Laure. Cette dernière se tenait non loin des parents de la défunte, avec le groupe d'amis de Marilyne.

Sydney avait également aperçu Nicolas. Il était à l'opposé d'elle. Ils s'étaient salués, mais sans se rapprocher. Chacun devait avoir besoin de son espace pour traverser ce moment poignant.

Depuis sa découverte macabre, Sydney n'avait plus eu de rêves ou de visions. Le calme plat. Elle espérait que cela reste ainsi, même si ses questions demeuraient sans réponses.

  • C'est tellement triste et injuste, n'est-ce pas ?

Elle se tourna vers la femme qui venait de parler. Sydney ne put s'empêcher d'être frappée par son élégance. Elle portait une robe noire qui s'harmonisait parfaitement avec sa silhouette élancée. Sydney remarqua ensuite sa chevelure auburn. Elle ornait son visage angélique et ses yeux marron oranger dégageaient un mélange de douceur et de mystère.

  • Vous êtes de sa famille ? demanda Sydney.
  • Non, répondit la femme. Marilyne n'est pas la raison pour laquelle je suis là. Je suis là pour vous, Sydney.
  • C...Comment connaissez-vous mon prénom ? Je suis certaine que nous ne nous sommes jamais vues.
  • C'est exact. Laissez-moi me présenter. Je m'appelle Amandine Saint-Pierre et je peux vous apporter les réponses que vous cherchez sur vos visions.

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