Épisode 1 : Marilyne (1/5)

5 minutes de lecture

Bande son : Angelo Badalamenti – Mulholland Drive Main Theme


Où suis-je ? Il lui était impossible de le savoir. Une brume épaisse floutait sa vision. La peur, en revanche, était palpable. Elle la sentait dans chaque cellule de son corps et son rythme cardiaque suivait son tempo. Elle avertissait : une menace planait. Elle ne la voyait pas, mais elle était proche, prête à bondir et à en finir avec elle. L'image s'éclaircit. Une silhouette apparut, ressemblant à une femme. Telle une ombre chinoise, elle courait dans un environnement toujours aussi obscur. L'objet de la peur prit soudain forme humaine. Un homme à l'allure menaçante. Il la poursuivait, déterminé à l'anéantir. Il y parvint. Un cri mortel retentit suivi d'une image nette : celle d'un collier en argent doté d'un pendentif représentant la lettre M. Sydney se réveilla en sursaut. Elle resta confuse quelques instants avant de reprendre ses esprits et de comprendre qu'elle était dans sa chambre, en sécurité. Sa respiration, d'abord vive, redevint plus fluide. Son cœur se calma. Elle remarqua qu'elle transpirait et la moiteur de son corps lui donnait une sensation désagréable. Elle avait besoin de se rafraîchir. Elle regarda d'abord son téléphone portable. Quatre heures treize du matin. Moins de deux heures avant le réveil pour se rendre au lycée. Elle fila sous la douche et, alors que l'eau fraîche coulait sur sa peau, elle repensa à son rêve. La peur, l'angoisse même de la mort, la saisissait encore. Si l'ensemble était flou, jamais elle n'avait eu un rêve avec des émotions aussi fortes, avec un réalisme aussi poignant. Elle devait être certainement stressée, même si elle ne mettait pas le doigt sur ce qui provoquait son anxiété. Elle retourna dans sa chambre et essaya de se rendormir. Elle n'y arriva pas. À chaque instant, elle avait la sensation d'être sur le point de mourir.

***

– Non, mais tu le crois ça ? Lucas Martel qui me demande de sortir avec lui. Mais dans quel monde il vit celui-là ? Eh Syd ! Tu m'écoutes ? Tu n'es pas avec moi, on dirait. D'ailleurs, tu as semblé dans la lune toute la matinée. Je ne suis pas certaine que tu aies retenu quoi que ce soit des cours. Tu es sûre que ça va ?

Sydney, accompagnée de sa meilleure amie Laure, quittait l'enceinte du plus prestigieux lycée de la ville d'Isle : Joaquim Morlat. Le nom avait été donné en l'hommage d'un des pères fondateurs de l'île cité. Durant les quatre heures de cours de ce samedi matin, Sydney avait essayé de ne pas montrer sa fatigue, mais surtout l'effet que son rêve avait encore sur elle. Elle pensait avoir réussi, mais c'était sans compter sur le regard perçant de Laure. Lorsqu'elle cachait quelque chose, Laure le sentait aussitôt.

– Je n'ai pas très bien dormi cette nuit. J'ai fait un...je ne sais même pas comment le qualifier... un drôle de rêve, je dirais. C'était saisissant. J'en ai des frissons rien que d'y repenser.

Laure s'arrêta de marcher, conduisant son amie à faire de même. Elle était intriguée par les propos de Sydney et par son ton sérieux. Comprenant qu'elle souhaitait la suite, Sydney continua :

– Je n'ai pas d'images précises, surtout des sensations très fortes. Une femme était en danger. Un homme lui courait après pour lui faire du mal. Elle n'a pas pu s'échapper. Je n'ai pas vu la scène, mais je sais qu'elle a été tuée par l'homme. La seule chose visuelle dont je me rappelle nettement c'est un collier avec un pendentif en forme de M. Depuis, l'impression d'une mort imminente ne m'a pas quittée.

– Tu as regardé un film d'horreur hier soir ?

– Non. Je sais que tu vas me dire que ce n'est qu'un rêve, qu'il n'y a pas de quoi faire un drame mais... mes rêves sont toujours loufoques. Je peux rêver d'un flamand rose qui fait un karaoké avec moi ou de toi en train de sortir avec un geek (Laure mima l'expression de dégoût). Pas ça. Tout m'a semblé réel. Jamais un songe n'aura eu un tel impact sur moi plusieurs heures après mon réveil.

– Ce n'est qu'un rêve et tu le sais. Ce que j'en pense, c'est que tu es sans doute stressée. Tu as remarqué la pression que tu te mets pour le bac ? Tu ne penses qu'à travailler, à étudier. C'est bien, mais tu as aussi besoin de te détendre. C'est ce qu'on va faire cet après-midi. On va aller dans le centre, manger un bout et faire du shopping. Il y a une nouvelle boutique de prêt-à-porter féminin qui a ouvert : Les habits de Vénus. Nous ferons des folies et à la fin de cette journée, tu n'y penseras plus.

Sydney hocha la tête même si l'hypothèse du stress ne la convainquait plus et que le programme ne lui convenait pas particulièrement. Faire les boutiques avec son état d'esprit, elle ne savait pas si elle en profiterait. Cependant, la présence de Laure serait réconfortante. Elle avait le don de lui donner un regain d'énergie à chaque mauvaise passe.

Elle la suivit donc dans les rues médiévales du centre-ville.

Le temps du repas, assise sur la terrasse, elle oublia son rêve pour profiter de la dégustation d'un burger maison et du soleil qui réchauffait sa peau pâle. Son esprit s'assombrit à nouveau lorsqu'elles se retrouvèrent devant l'entrée du magasin Les habits de Vénus. Excitée par l'idée d'acheter de nouveaux habits, Laure entra sans réaliser que sa meilleure amie restait figée devant la porte.

Le ventre de Sydney se noua. Sa respiration devint plus difficile. Sa tête tournait et ses jambes tremblaient. Elle crut, pendant un instant, qu'elle était sur le point de s'évanouir.

– Syd, qu'est-ce que tu fais ? Entre ! Il y a vraiment des merveilles. Et puis, j'ai quelqu'un à te présenter.

Laure avait passé furtivement la tête à l'extérieur pour retourner aussi rapidement à l'intérieur. Sydney parvint à se ressaisir. Chaque pas lui sembla lourd, difficile, mais elle passa le pas de la porte. Elle vit Laure discuter avec une jeune femme. Elle devait avoir leur âge et la gentillesse émanait de son visage. Sydney s'avança.

– Syd, fit Laure. Je te présente Marilyne. Elle est dans un autre lycée. Nous nous sommes rencontrées il y a deux ans dans une colonie. Marilyne travaille ici...

Le reste échappa à l'attention de Sydney. Elle n'entendait plus ce qui se disait, ne voyait plus ce qui l'entourait. Elle restait fixée sur une seule chose. Une chose terrible. Elle en frissonnait. Elle en perdait même la raison. Et pourtant, c'était devant ses yeux, autour du cou de Marilyne : un collier en argent avec un pendentif en forme de M.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire GaetanM ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0