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 Lee’Roy, Rubby et un soldat de la protection royale étaient descendus du carrosse et se présentèrent devant la loge de la garde de l’Académie Royale. Ils ne passeraient pas par l’immense portail en fer forgé recouvert à ses pointes de feuilles d’or, mais par une petite porte contiguë à la loge. Le soldat chaperon confirma l’identité des nouveaux entrants auprès de ses camarades de la garde de l’Académie des cadets, futurs élites de l’armée du royaume d’Hartlan. Enfin, Lee’Roy pénétra, à reculons, sur la grande esplanade servant d’espace d’entrainement en plein air, de lieu de promenade et de remises de prix. Rubby le suivait à distance convenue. Un groupe de cadets en composition rectangulaire s’exerçait à la marche en cadence et en formation strictes. D’autres s’entrainaient au combat à l’épée avec des armes factices. Au fond de cette esplanade se muant en promontoire sur la baie de la mer de Dunia, des cibles de ballots de pailles étaient transpercées par des apprentis archers.

Un homme au physique aguerri par les combats et l’entrainement militaire, protégé par une vielle armure élimée, striée par une multitude d’entailles de lames ennemies, vint à la rencontre du jeune paysan. Une longue chevelure noir bordée de gris coiffée en catogan couvrait une tête au visage éprouvé par les combats. Une longue cicatrice lui barrait la face de la racine du cuir chevelu à la pointe du menton carré, épargnant l’orbite de son œil droit. Une cape de velours bleu fixée sur ses épaules symbolisait l’importance du personnage en ces lieux.

« Monsieur Attila, je me présente ; Ronan Age dit Ronan Le Sage, maître d'arme et instructeur principal de l'Académie Royal.

Lee’Roy se gratta l’arrière du crâne mal alaise. Il essaya de rouler ses pupilles sur le côté cherchant Rubby, mais elle était hors de son champ de vision.

« Je vous remercie pour votre accueil.

— Suivez-moi, vous allez assister à la fin de l’entrainement de mon groupe dans lequel brette le prince Vyneprince, avant le repas.

Il s’entraine encore à cette heure, pensa-t-il, justifié par un gargouillis d’estomac. Arrivé à proximité d’un rassemblement de jeunes cadets, la présence du maître d’arme ouvrit un passage vers le centre de l’action. Lee’Roy découvrit un duo dansant face à face faisant virevolter leur lames fines à pointe protégée par une boule de liège. Les estocades étaient vives et rapides. Le corps de l’attaquant avançant s’allongeait à se démantibuler, jambe d’appui tendue, son genou fleurtant avec le sol, et la jambe avancée plié à l’extrême, son genou à un souffle d’air du menton. En bout de mouvement la pointe du pied d’appui glissait et couinait sur les dalles de la cours. En défense, le jeune qui faisait face était acculé, assis, les fesses sur les chevilles, fuyait la pointe arrondie telle la piqure d’une guêpe. Il balayait sa lame comme pour chasser la bête volante au dard bombé. Peine perdue, le bout de l’épée piqua le plastron courbant sa lame et déséquilibrant la victime de l’assaut, achevant sa chute sur le séant et le dos. Le jeune victorieux au sourire éclatant tendit le bras et aida son partenaire à se relever.

« Le vainqueur de cette joute est Vyneprince, l’héritier du trône d’Hartlan, informa Ronan le Sage à Lee’Roy.

Je le sais, j’ai déjà eu l’honneur de rencontrer cet agréable individu.

Nombre de ses camarades l’accolèrent et le félicitèrent. De part le rang du prince, les congratulations de certains semblaient soit forcées, soit exagérées. Aucun des jeunes cadets ne voulaient, ne devaient se mettre Vyneprince à dos.

Le prince repéra enfin le jeune visiteur.

« Mon ami le charbonneux ! comment va ? Bienvenu chez les cadets royaux.

Ronan le Sage se racla la gorge, signe habituel d’une remarque à venir.

« Mon seigneur, veuillez nommer notre invité LeeRoy Attila, s’il vous plait.

— Oui LeeRoy, le grand protecteur de ma sœur ! Le nouveau héros du royaume ! J’espère que vous appréciez la chance et l’honneur que nous vous faisons d’accéder au sein de l’Académie Royal ; l’élite des jeunes puissants du royaume d’Hartlan. Même la grande majorité de la cité n’a jamais pu voir l’intérieur de ce site.

— Oui mon prince, marmonna LeeRoy.

— Allons-nous restaurer, dit Vyneprince en indiquant de sa main la direction du réfectoire.

Décidément, tout était plus grand, plus vertigineux et le jeune paysan n’était pas au bout de ses surprises. Il pénétra dans une salle à manger démesurée, traversée de part et d’autre d’une table en cèdre massif de vingt pas de long, bardé de bancs. De grands plats garnis de volailles rôties fumantes et de pommes de terre ruisselées recouvraient déjà la tablée accompagnés de cruches en étain remplies de jus de fruit et de bière. Ronan invita LeeRoy à s’assoir en bout de table entre lui et le prince. LeeRoy ne sentait plus la présence de Rubby. Il la chercha du regard avec de larges mouvements pivotant du cou.

« Votre dame de compagnie partagera le repas dans la cuisine avec les servants, fit remarquer Ronan.

— Ce n’est pas ma dame de compagnie, c’est celle de la princesse.

— Et la votre pour la durée de cette journée exceptionnelle.

LeeRoy n’aimait pas ce terme. Cela donnait l’impression que Rubby lui était assujettie. Une centaine de cadets était maintenant assis tout autour de la table. Après une prière à la gloire du royaume déclamée par le maitre d’arme, ils se jetèrent sur la nourriture abondante. LeeRoy ne s’en laissa pas compter et remplit son estomac vide à volonté. Il engloutit un gobelet de jus de fruit d’une traite. Il se rendit compte que c’était la première fois qu’il buvait des fruits pressés. Incroyable nectar ! Vyneprince l’observait d’un air amusé. Au bout de quelques minutes, les plateaux d’argent n’accueillaient plus que des amoncellements d’os. Les cadets étaient repus.

« Comment trouver vous votre repas ? demanda le prince.

— Délicieux, je vous remercie. Ce jus est incroyable !

— N’est-ce pas ? Mais ne vous habituez pas trop, je ne voudrais pas que vous ayez un choc alimentaire de retour chez vous.

— Mon prince ! grogna Ronan.

— Quoi, c’est vrai. Je ne voudrais pas que notre ami se perde dans cet enchantement étant donné sa condition.

— Et du fait de la vôtre, ce ne sont pas des paroles qui se disent.

— Non je vous en prie, le prince a raison de me faire ce rappel. J’avoue être comme dans un rêve depuis que j’ai posé les pieds sur le plateau volant de Patalane.

— Vous voyez Ronan, il reconnait ma sagesse.

Ronan tiqua et masqua son mécontentement en sifflant une timbale de bière.

« Pour prolonger mon propos, je vous mets amicalement en garde sur l’enthousiasme exagérée de ma sœur. Elle s’emballe pour la moindre chose un peu excitante dans son existence parfois monotone. Et vous en êtes une. Mais cette excitation est passagère.

— J’en suis conscient mon prince. Mais n’ayez crainte, je suis très heureux de ma condition paysanne. Je ne partagerais pour rien au monde votre vie, vos grandes responsabilités qui vous obligent. Le poids de votre famille qui pèse sur vos épaules me serait insupportable. Vous êtes l’héritier de votre dynastie, le futur roi, le prochain responsable de tout le continent des Terres Riches. Pour cela vous devez avoir un esprit et un mental puissants. Je suis bien trop faible pour tout cela.

L’écoute de ces mots provoqua une petite sueur froide, une déglutition difficile chez le prince. Il essaya de masquer son malaise par un sourire forcé.

— Ah… J’en suis fort aise.

— Que de jolies paroles LeeRoy, acclama Ronan. Au moins vous avez le don de remettre la tête de notre prince à l’endroit.

Vyneprince le maudit intérieurement. Il se leva prestement de table.

— LeeRoy, me feriez vous l’honneur de partager notre entrainement, demanda Vyneprince.

— Non l’honneur est pour moi, cependant je ne suis pas équipé pour cela. Mon costume n’y résisterait pas et votre sœur en serait très affligée je pense.

— Mon prince, notre jeune ami n’est pas là pour cela aujourd’hui.

— Ah quel dommage ! mais tenez, pour prolonger votre enchantement, je vous invite à venir dans quelques jours, vous entrainer avec nous toute une matinée. Je vous en prie acceptez.

Le prince n’avait pas l’intention de lui faire plaisir mais bien au contraire de lui en faire baver. LeeRoy regarda le maitre d’arme attendant son assentiment ou plutôt sa réprobation. Cette invitation sentait le mauvais coup. Malheureusement, Ronan le Sage hocha la tête positivement.

« Cela est fort généreux mon prince. LeeRoy, nous acceptons votre venue dans les prochains jours.

Aïe, oh non !

— Je superviserais personnellement cette initiation à l’art de l’épée.

Les derniers mots de Ronan rassurèrent un peu LeeRoy.

— Merci pour votre invitation, je n’y manquerais pas.

Rubby apparut comme une délivrance derrière la lourde cape du maitre d’arme.

« Pardonnez-moi messires, mais je dois vous ôter la présence de monsieur Attila. Son agenda est très précis et serré.

Merci ma douce Rubby !

— Mais je vous en prie, nous nous revoyons ce soir, n’est-ce pas ?

— Oui mon prince.

— Je vous souhaite bien du courage pour l’entretien avec mon père ; le roi, susurra malicieusement Vyneprince.

La gorge serré, LeeRoy pris congés du prince, de Ronan le Sage et de tous les cadets.

A la sortie de la loge de l’Académie, un grand soupire de soulagement de LeeRoy balaya par sa puissance les cheveux de Rubby qui le devançait. Il grimpa dans le carrosse et s’affala sur la banquette.

« Quel supplice ! pitié ! râla LeeRoy.

— Et ce n’est que le début, ajouta Rubby.

LeeRoy posa sa tempe sur le rebord de l’encadrement de la fenêtre, le regard se perdant dans l’immensité de la cité.

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