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             La jeune princesse s’était relevée seule sans l’aide de son sauveur la robe entièrement souillée de terre. Elle ressemblait à un petit cochon sorti de son bain de boue quotidien. Elle frotta sa robe au niveau de ses fesses soit pour essayer d’essuyer la crasse accumulée ou pour soulager la douleur de l’hématome dû à la chute. LeeRoy s’était précipité vers le collet de Dyp pour aider la jeune servante à descendre de l’animal. Ses yeux se cristallisèrent sur le visage hâlé de Rubby. C’était la première fois qu’il voyait une peau aussi bronzée, certes pas aussi noire que la sienne mais bien plus cuivré que la norme de teint du royaume. Il passa sa main à la surface de ses cheveux et baissa la tête, gêné face à la beauté de la jeune femme. En plein trouble, il sentit une étreinte soudaine.

— Notre preux sauveur ! Merci du fond du cœur d’avoir sauvé nos vies ! s’exclama la princesse.

Trop intimidé, LeeRoy ne put s’exprimer. Les chevaux de la garde arrivèrent au galop tournoyant autours des jeunes miraculés avant que leur cavalier saute prestement au sol s’enquérir de la santé des jeunes femmes. Le chef de la garde décolla la princesse du torse de LeeRoy et l’éloigna à distance raisonnable.

— Princesse Syvannah, allez-vous bien ?

— Pour le mieux, grâce à notre protecteur !

— Je me confonds en excuses madame pour ce terrible incident ! votre père, mon roi décidera de mon sort. J’assume l’entière responsabilité…

— Cessez de vous flageller, fidèle Houranoss. La faute revient à l’inaction de mon père. Cette route aurait dû être pavée depuis des lustres. Faites-moi confiance pour lui en toucher deux mots.

— Vous n’en ferez rien altesse, laissez-nous nous charger de ça.

Pendant la conversation avec son chef de la garde, sans s’en apercevoir Syvannah s’était rapprochée de LeeRoy pour retrouver un contact avec lui passant son bras sous le sien. Le jeune homme discerna à peine la manœuvre étant suspendu au charme de Rubby.

La jeune servante gracile à la peau mate avait une longue chevelure brune, épaisse ondulant sur ses épaules. Dans ce regard félin brillaient des yeux noir profond dont l’éclat était accentué par le coucher du soleil. Ces lèvres pulpeuses étaient pincées à sang par des dents d’une blancheur exemplaire, à la suite de la tension tombante de l’accident. Ses formes généreuses dessinaient une silhouette vallonnée des plus exquises dans sa robe noire. LeeRoy était fasciné par la jeune femme à la peau foncée du même âge que lui, tandis que la princesse Syvannah ne lâchait pas le bras de son sauveur.

La dernière-née du couple royale d’Hartlan était un peu l’antithèse de sa servante. De même âgée de quinze ans, elle possédait une peau de porcelaine éclairé par une coiffure aux brins d’argent. Ses yeux d’un bleu cristallin voguaient sur un regard mutin. En revanche, elle partageait un point commun avec sa servante ; la beauté naturelle.

Un chariot tracté par une mule puissante déboula en trombe conduit par un Pol’Jow paniqué. Il se précipita vers son garçon, s’agenouilla à ses pieds et tâta toutes les parties de son corps pour repérer toutes traces de blessure.

— Mon fils, tu n’as rien ?

LeeRoy sortit de sa léthargie admirative.

— Non père tout va bien. Relève-toi voyons, tu es en présence de la princesse Syvannah.

Pol’Jow se raidit.

— Nom d’une pipe en bois, hoqueta le paysan. Tu viens… Tu viens de sauver…

— La fille du roi, coupa Syvannah. Il est devenu le nouveau héros du royaume.

Houranoss se passa la main sur le visage.

— N’exagérons rien altesse. Ce gros dipcoy aurait pu aussi vous écraser sous ses pattes pataudes.

La princesse se détacha de son bienfaiteur et alla gratter avec ses ongles encore parfaitement manucurer inondés de terre, le menton d’Houranoss.

— Mon chevalier serait-il jaloux de l’exploit d’un simple agriculteur ?

L’homme en armure se tut, souffla et appela un de ses homme en selle pour se soustraire à toute réponse.

— Hâte-toi aux écuries du château et fait quérir un attelage pour ramener ces dames avant la nuit noire.

— Non Houranoss, nul besoin de perdre du temps. Je monterais sur ton cheval derrière toi et Rubby fera de même avec un de tes hommes.

— Vous n’y pensez pas altesse ?

— Oh si j’y pense. Arrêtez de nous prendre pour de faibles créatures incapables de supporter une chevauché de quelques lieus.

Houranoss touché dans son honneur mais faisant preuve de chevalerie s’approcha de LeeRoy et proposa sa main. Impressionné par la carrure imposante de l’homme, LeeRoy accepta et serra la main tendue. Sa paume et ses doigts disparurent dans la large paluche.

— Merci jeune homme pour le service rendu au royaume.

Sans plus de discours, Houranoss pivota raide sur lui-même pour rejoindre sa princesse et l’aider à la porter en selle. Syvannah tira sur la manche du chevalier.

— Nous ne pouvons pas nous contenter d’un simple merci envers… ? Dis Syvannah en s’adressant aussi à son sauveur.

— Euh… LeeRoy… LeeRoy Attila ! hoqueta-t-il.

— Et que voulez-vous que l’on fasse altesse ?

— Ma foi, pourquoi ne pas inviter LeeRoy à la cour au banquet de l’Entre-Deux Lunes et le présenter à mon père pour qu’il reçoive tout les honneurs qu’il mérite.

— Altesse, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

— Sir Houranoss a raison, intervint LeeRoy d’une voix chevrotante. Je ne serais pas à ma place.

— Et moi je pense que c’est une bonne idée. Qu’est-ce ; ne pas être à sa place ? La cour du château n’est plus ni moins une bande de gens comme toi et moi déguisée en personnes qui se veulent importantes.

— Mais ces gens sont des personnes importantes. Ils possèdent des titres de noblesse, de grandes fortunes, des postes importants… Je crois… conclut LeeRoy.

— De toute manière, nous allons être vite fixé, dit Houranoss en pointant l’index vers un groupe de cavaliers venant des Portes de Patalane galopant vers eux. Ce doit être votre frère, je crois distinguer son étendard.

L’homme de tête couvert d’une armure légère bleu azure rutilante glissa agilement de sa selle au sol. Il recoiffa sa longue mèche blonde ébouriffée par la chevauchée. Il écarta les bras exagérément pour accueillit la princesse en son sein.

— Ma sœur chérie, tu es bénie par les dieux. Mon sang s’est glacé à l’annonce de votre accident.

Le prince, d’un an son ainé, enlaça sa sœur.

— Comment as-tu été au courant aussi vite ?

— La grande tour de garde du château guettait votre arrivée à la jumelle. Nous avons été prévenus aussitôt et je me suis précipité à ta rencontre. Tu as l’air indemne, je suis rassuré, mon cœur repart.

— Vyneprince, je te remercie de ta sollicitude.

Le jeune prince se tourna vers Houranoss et le toisa.

— Vous aurez des comptes à rendre auprès de mon père, très cher.

— Laisse le tranquille Vyne’, c’était un accident. La faute est à la non-décision de réaliser des travaux de père.

Vyneprince se renfrogna. Syvannah tira la manche de son grand frère pour lui présenter son sauveur. Devant LeeRoy, il fronça les yeux, songeur, décortiquant du regard le corps du jeune homme de bas en haut. Dédaigneux, une moue méfiante jugea LeeRoy.

— Hum, merci le charbonneux ! surement la chance d’un jeune homme intrépide et inconscient.

Pol’Jow tiqua et LeeRoy freina le début d’énervement de son père d’un regard appuyé.

— Voyons Vyne’, ce garçon a un nom ! c’est LeeRoy Attila, le monteur de dipcoy, corrigea Syvannah.

— C’est donc ça l’odeur ! la grosse bébête velue aromatisée au fumier.

— Arrête ! sois gentil avec lui. Il vient tout de même de sauver la vie de ta sœur, s’offusqua Syvannah.

— Moui…

— D’ailleurs, nous allons l’inviter au banquet de l’Entre-Deux Lunes.

— Quoi ? Mais tu plaisantes j’espère. Nous allons offrir à sa famille un tonneau de bière pour notre reconnaissance. Cela ira très bien comme ça.

— Merci mon prince. Ce précieux cadeau nous convient parfaitement, intervint timidement LeeRoy.

— Chut ! fit la princesse exaspérée tendant la paume vers le visage du héros décomposé l’intimant de se taire.

— Je ne suis pas d’accord. Mes décisions méritent d’être respectées. Après tout, c’est moi la survivante. Je veux la présence de mon sauveur.

— Et pourquoi pas le faire participer au défilé de tes prétendants pendant que tu y es ? Père sera ravi.

— Maintenant que tu le dis, c’est peut-être une bonne idée. Merci mon frère. Tu vois, moi je respecte tes idées.

— Syv’, je plaisante bien sûr.

— Oh, déception.

— Et puis, il ne peut pas se présenter à la cour dans cet accoutrement que je suppose être le seul au sein de son foyer.

— Hum… Nous ne sommes tout de même pas des gueux, se risqua Pol’Jow. Mon fils possède aussi une tenue potable pour les cultes et les mariages.

— Papa, tais-toi ! supplia son fils. Veuillez pardonnez l’impolitesse de mon père, mon prince. Il est un peu bourru au première abords.

— Tu m’envoies ravi le charbonneux.

— Je ferais quérir mon couturier chez vous et parvenir un costume du château, s’enjoua-t-elle.

Vyneprince s’agaça et observa la lumière déclinante du ciel.

— Rah ! d’accord fait venir ton nouvel animal de compagnie. Nous allons bien nous amuser après tout. Rentrons au château, l’obscurité tombe et père doit s’impatienter.

— Merci mon frère.

— Dors bien le charbonneux car tu auras besoin de toute ton énergie pour affronter l’inconnu et la faune de la cour royale.

Il le salua d’un clin d’œil moqueur, le doigt dressé vers la poitrine de LeeRoy imitant une épée piquante. Le prince remonta en selle. Houranoss aida la princesse à monter derrière son frère. LeeRoy prit les devants en prenant la main de Rubby pour l’assister.

— J’espère vous revoir au banquet, chuchota LeeRoy.

— Sans aucun doute.

— Et je compte sur vous pour m’aider à affronter ce milieu.

Rubby ne répondit pas pressée par le chef de garde remonté à cheval lui tendant le bras. LeeRoy croisa ses mains, se baissa et proposa ses deux paumes pour haler la jeune femme. Elle accepta son aide et posa son pied entre ses mains et agrippa le bras puissant d’Houranoss. Elle se posa comme une feuille sur le train du cheval.

— Et en plus, c’est un galant gentil homme, s’exclama Syvannah. Prends-en de la graine mon frère.

Vyneprince pouffa et tira sur ses rênes pour lancer sa monture vers la cité de Patalane entrainant dans son sillage les autres cavaliers. LeeRoy regarda, médusé le groupe s’éloigner. Son père posa sa main sur son épaule.

— Bon, à ce que je comprends, c’est à nous de nous dépatouiller de tout ce bazar, grogna Pol’Jow en désignant les restes brisés du carrosse.

LeeRoy resta figé, le regard flottant vers le château. Son père secoua la tête de dépit et tira son fils vers le chariot pour le ramener à la maison. Dyp les suivit docilement.

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