22 - la décision

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Arthur n’avait toujours pas son appartement, et nous n’étions pas certains de vouloir nous séparer. Nous avions maintenant nos routines.

Nous profitions du savoir-faire de William, qui respectait les durées. Arthur avait pris son indépendance : aimant la musique et danser, il avait fait du Turbeau sa résidence accessoire. Souvent, il découchait, malgré nos offres d’accueillir ses conquêtes d’un soir ou d’un weekend, dont nous avions droit à une description détaillée de ses atouts et de leurs ébats immédiatement après.

Nos vies trépidantes nous empêchaient de retrouver les longs moments d’échanges. Il paraissait définitivement bien dans sa peau, mais j’aurais voulu savoir comment il gérait ce que je persistais à nommer son viol, ses parents, sa famille, sa nouvelle vie, qu’il roquait à belles dents, promenant son charme et son insolente et joyeuse jeunesse.

J’appris que tout le monde au boulot connaissait ses gouts, et que j’étais perçu comme son grand frère. Était-ce lui à la source de ces bruits ? Peu importait, j’en étais plutôt fier.

La seule chose que nous ne partagions pas avec lui était le club. Il n’en avait pas entendu parler et nous évitions toute allusion devant lui, sans nous être concertés. Avions-nous une prémonition ? Nous profitions de ses soirées pour profiter des nôtres.

Un soir, comme je savais William et Arthur absent, je fis un saut au SM, histoire de subir un peu de sensations. J’étais allongé, attaché, recevant des stimulations fortes, quand je le vis devant moi, dans l’assistance qui prenait plaisir à voir mon absence totale de réactions. La boule serrée dans ma bouche m’empêcha de hurler. Une grande inspiration me permit de reprendre le contrôle. Sa seule présence me rendait la séance insupportable.

Une fois délivré, alors que des mains amicales me flattaient pour me féliciter, je me précipitai sur lui.

— Arthur, qu’est-ce que tu fais là ?

— Comme toi !

— Comment es-tu entré ?

— Avec la carte de William ! Un vrai sésame !

— Pars ! ce n’est pas ta place !

— Je crois que si et que je vais m’y plaire.

Je ne le lâchai pas d’une semelle. De toute façon, il me tirait la main, me demandant ce qui se passait, les sensations ressenties, avec gourmandise. Ses yeux brillaient comme ceux d’un gamin devant une vitrine de bonbons.

Le soir. Il se vanta à William de sa performance. Le détenteur de la carte ne réagit pas, paraissant incapable de gronder le fautif.

Malgré mes réticences, il lui donna une carte, assortie d’une interdiction absolue de se rapprocher de son activité. Arthur représentait donc également un danger de perte des limites !

Dorénavant, Arthur répartissait son temps entre le Turbeau et le SM. Rapidement il devint la coqueluche du club : son rire tonitruant traversait les étages et lui attirait toutes les sympathies. William, comme moi, se rangeait plutôt dans le genre réservé. Il était respecté pour son autorité naturelle, celle qui me domptait. Moi, pour ma résistance impassible. Arthur ne tarda pas à être copain avec tous.

Bien sûr, il ne tarda pas à apprendre l'existence du projet, ma candidature, et les conditions non respectées qui l'avaient fait abandonner. Je ne me rendis compte de rien, et quelques jours plus tard, un soir, après une soirée endiablée, alors que William dormait déjà, il me murmura à l'oreille :

— Jérôme, tu sais, je vais t'accompagner. Je me suis inscrit.

Je fus incapable de lui répondre, les larmes dévalant mon visage. Je ne savais pas si c'était la joie de ce rapprochement ou la crainte de ce qu'il allait endurer. Ce garçon, je ne le connaissais pas un an auparavant. Maintenant il était au centre de ma vie et, peut-être, de ma mort.

Le lendemain, je me rassurais. Il fallait un troisième candidat et ça, j'étais certain que ça ne se produirait pas ! En apprenant la décision d’Arthur, William rentra dans une colère noire. Il savait, tout comme moi, que la discussion était inutile. Je le savais attaché à Arthur, mais n'arrivai pas à comprendre la vraie nature de ces sentiments envers lui.

La nouvelle se répandit avec grande rapidité. Seulement deux jours plus tard, le couperet tomba : Christopher avait accepté de nous accompagner !

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