J'écris comme Marc Levy

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Marc retira la veste bleu nuit de son costume Armani et la posa doucement sur le dossier de son fauteuil club en cuir. Il déboutonna ses boutons de manchette ronds à insert en émail, et roula les manches de sa chemise bleu pervenche avec de fins stris noirs et argent. Ses derbies en cuir de chez Melvin & Hamilton étaient parfaitement cirées. Il s'assit et lissa sur son ventre sa cravate Armand Thiery, au motif pied-de-poule et en soie à doublure polyester, seul souvenir de sa vie d'avant, quand il était pauvre et seul et triste. Maintenant il était riche et célèbre, normal pour un pianiste de jazz international. Le jazz c'est une musique d'homme. C'est à peu près la seule musique convenable quand on est un homme blanc de quarante ans encore bien de sa personne. Ça et le vieux rock des années 60-70. Pas les nouveautés. Eventuellement quelques morceaux de rap pour montrer qu'on est subservif, mais les classiques, ceux qui sont considérés comme le "vrai rap". Marc était doué pour le piano, le plus doué, même s'il avait appris tard. Il s'était fait tout seul, sans l'aide de personne, sauf de cet ami d'enfance qui avait disparu un soir après une dispute et cette dernière conversation le hantait depuis 20 ans, mais sinon a part ça ça va. Comme il adorait le jazz, il mangeait toujours dans des petits lieux atypiques comme celui-ci, avec une déco post-colonialiste-vintage-rockabilly-bobo-branchouille. En fond sonore il y avait Nat King Cole, Otis Redding, Duke Ellington et d'autres qui font bien et que je cite souvent en début de chapitre. Marc leva les yeux sur la magnifique jeune femme blonde assise en face de lui. Ce n'était pas dans ses habitudes de déjeuner avec des femmes magnifiques de la moitié de son âge, mais elle avait débarqué ce matin dans sa vie de manière inhabituelle avec un secret caché qui avait complètement chamboulé sa vie. De manière inhabituelle. Elle portait des Louboutin de la dernière collection, une jupe fuseau blanc crème avec des boutons cuivrés Marc Jacobs et un pull à col roulé rouge bordeaux de chez Yves Saint Laurent qui epousaient parfaitement ses formes. Mais comme c'est l'héroïne et qu'il faut pas qu'on croit que c'est une bêcheuse ou une allumeuse, elle avait aussi des mèches éparses qui sortent de son chignon fait a la va-vite, et une veste en jean avec un pin's waikiki dessus, parce que ça fait grunge-rebelle. Elle avait aussi un côté femme-enfant et une sorte de fêlure, de blessure cachée au fond du regard. Marc but une gorgée de son smoothie whisky-banane et découpa une tranche de son entrecôte de salers servie avec son beurre maître d'hôtel, préparé avec du persil et des citrons que le cuisinier faisait pousser lui même dans sa yourte sur le toit. Les frites étaient faites maison et découpées dans des patates douces en provenance d'un petit village polynésien sur l'île de Raiatea. La jeune femme avait commandé un burger végé sur son lit de roquette et mordait dedans à pleine dents, en faisant couler du ketchup coeur-de-boeuf/rapadura mais sans se tâcher ni le visage ni les vêtements comme une personne normale. Pendant ce temps, l'intrigue qui en avait marre d'attendre s'était barrée.

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