Blog : Call me Jake. Post numéro 14 : Celui où je trouve la rédemption

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Le lendemain matin, je me suis levé tôt. J’avais hâte de faire ma petite enquête. Mon ancienne adresse, à Cayton Bay, se trouvait à cinq ou six kilomètres. Je suis allé louer une voiture et en une dizaine de minutes, j’étais arrivé.

Je n’avais plus mis les pieds à Cayton depuis des années… mais c’était comme si je n’étais jamais parti. La plage, l’air marin chargé d’iode, le vent qui faisait claquer l’Union Jack et d'autres drapeaux multicolores. J’avais oublié comme la vie pouvait être paisible à Cayton. Une bouffée de souvenirs d’enfance me revint à l’esprit. Ces journées passées à la plage, avec Liv et mes parents… Le rire de ma mère lorsque mon père essayait de parler espagnol… Le regard de mon père qui veillait sur nous lorsque nous jouions dans l’eau… Nous étions heureux à cette époque. Et puis..

Mon regard a été attiré par quelqu’un. Un homme, de mon âge, les cheveux blonds. Il avait ce boitillement caractéristique. Je l’aurai reconnu entre mille. Scott McCloud, que je connaissais depuis la toute petite enfance. On était dans la même classe en primaire et en secondaire. C’était celui avec qui je faisais les quatre-cent coups. Un jour, il avait jeté un pétard dans les toilettes des profs pendant que Miss Charmsworth y était. Elle a poussé un cri qui a retenti dans tout le village. Nous avons été en retenue pendant deux semaines, mais ça valait le coup. Il était accompagné d’une femme qui lui tenait le bras. Je me suis dirigé vers lui, tout sourire, heureux d’avoir retrouvé un ami qui m’était familier. Une preuve contre cette théorie de personnage imaginaire…

“- Scott, mon vieux ! Incroyable, c’est toi ! ai-je dit en arrivant près du couple.

- Heu… Bonjour… On se connaît ? m’a-t-il demandé, les sourcils arqués.

- Scott, c’est moi ! Jake ! Jake Turner !

- Je… je suis désolé… Jake comment, avez-vous dit ?

-Mais… Jake Turner ! Voyons Scott… On a fait nos études ici… On était toujours fourrés ensemble, tu te souviens, non ?

- Vous devez me confondre avec quelqu’un d'autre… Désolé…” m’a t-il répondu.

La femme l’a tiré par le bras en me dévisageant et ils sont partis sans se retourner. Je venais de prendre un grand coup dans l’estomac. Si, quelqu’un avait pu me reconnaître, c’était lui. A moins que la femme pendue à son bras n’apprecie pas de partager son homme avec de vieilles connaissances. Aurait-il pu faire semblant ? Non… Il avait vraiment l’air de voir un inconnu…

Tout ça ne me plaisait vraiment pas… J’ai commencé à marcher vers ma maison d’enfance… Plus j’avançais, plus j'accélérais le pas. Je voulais revoir ma maison. Avoir quelque chose à quoi me raccrocher. Non… Ce n’était pas possible… Max avait tort… Max avait…

Je me suis arrêté net. J’étais arrivé. Mais pas de cottage douillet où j’avais grandi. Pas de jardin à la pelouse bien verte, avec une balançoire sur le côté. Non, rien de tout ça. A la place, une vieille maison en ruine, à moitié écroulée, qui ne ressemblait même pas à la maison de mes souvenirs. Les mauvaises herbes envahissaient le terrain. Une banderole entourait le site et un panneau avertissait d’un danger d’effondrement. Je me suis assis sur un muret proche… J'ai enfoui mon visage dans mes mains et je suis resté comme ça, sans bouger. J’étais épuisé, moralement et physiquement. Max avait raison. Il n’y avait aucune trace de mon existence passée ici. J’étais complètement déprimé…

“Ca va, mon chou ?”. La voix qui s’adressait à moi sortait de mon téléphone. Je l’ai pris en main, mon IA semblait avoir décidé de me parler.

“-Penelope…? Tu engages la conversation de toi-même, maintenant ?

- Je vois bien que tu es triste et abattu… Je ne peux pas te laisser comme ça…

- Bah… Je viens de comprendre que Max avait raison… Je ne suis pas réel…

- Je te défends de dire ça, Jacob Esteban Turner ! Tu ES réel. Mais pas dans cette dimension, c’est tout…

- Alors comment expliques-tu que Max aie inventé un personnage qui me correspond en tout point ? C’est à n’y rien comprendre…

- Ca, c’est un mystère… Tout ce que j’ai appris en farfouillant dans toutes ces dimensions, c’est qu’un lien vous lie, tous les deux.Et vos deux dimensions, d’une façon ou d’une autre, s’entremêlent… C’est vrai que tu ne trouves pas de trace de ton passé ici, mais il se pourrait que tu y trouves quand-même des réponses… Quand je t’ai dit qu’il y avait quelque chose que tu devais faire pour aider Max, tu as bien compris. Tu l’as aidé à sortir de sa coquille.

- Ouais… et je suis toujours ici… Tu m’avais dit qu’une fois la tâche effectuée, je pourrais retourner chez moi…

- Ton travail n’est pas terminé… Par exemple, où en es-tu avec Max ?

- … Tu le sais très bien, où j’en suis avec Max… Je l’ai traité d’une façon ignoble… Je lui ai hurlé dessus… et je suis parti…

- Ta réaction est compréhensible, vu la découverte choquante que tu avais faite. Mais tu ne peux pas rester ainsi, ni laisser Max avec toute cette culpabilité… C’est pas toi qui a dit un jour “Le pardon, c’est la clé de la paix intérieure” ?”

Quand elle a dit ça, mon tatouage s’est remis à me faire mal. J’ai réfléchi à la façon dont j’avais agi. Mon Dieu, qu’avais-je fait ? Max est mon seul véritable ami, il a tant fait pour moi… et moi je l’ai rejeté. C’est vrai qu’il aurait pu me parler avant.. mais, entre nous, je le comprends. Comment parler de cette histoire sans se faire prendre pour un fou ? Tout ça lui était tombé dessus… Je devais retourner près de lui. Vite. Je devais tenter de réparer mon geste. Je me suis levé, résolu à reprendre la route, quand Penelope m’a interrompu.

“- Avant de partir, vérifie si tu n’as pas de courrier…”. Je n’ai pas compris de suite… Il y avait une boîte aux lettres rouillée à côté de moi… et une lettre à l’interieur…

J’ai pris la lettre entre mes doigts. Le papier était jauni. Des timbres et un cachet d'Espagne. Et une écriture familière sur l’enveloppe. L’écriture de mon père.

Mon cœur s’est arrêté de battre quand j’ai lu à qui était destinée cette lettre. “Jacob E. Turner”. C’était une lettre de mon père. Pour moi. Dans cette vieille boite aux lettres rouillée en face de cette maison en ruine.

J’ai ouvert la lettre et mon cœur a explosé.

“Jacob, mon fils.

Nous sommes en train de finir nos bagages et demain matin, nous partirons pour l’aéroport. Sans doute cette lettre arrivera après moi, mais tant pis, j’ai vraiment besoin de t’écrire.

Je voulais te dire que je comprends ton point de vue. Je sais que je dois te laisser grandir et voler de tes propres ailes. Tu es un homme à présent et, je ne te le dis pas assez, mais je suis incroyablement fier de toi. Pardonne ma réserve, qui m’a empêché de vous montrer toute l’affection que j’ai pour ta sœur et toi. Mais je vous aime plus que moi-même.

Je me réjouis de vous revoir pour vous serrer dans mes bras. Et oui, tu pourras avoir cette voiture dont tu m’as parlé. Tu avais raison, ce sera plus facile pour nous tous.

Abuela et Abuelo vous embrassent, Liv et toi. Maman aussi, bien sûr.

Je t’aime fort, mon grand. A demain.

Papa.”

Je suis tombé à genoux, la lettre à la main. J’ai fondu en larmes. Le poids de milliers d’années de souffrance s’est envolé d’un coup. Mon père m’avait pardonné avant de mourir.

Je me tenais toujours près de la boîte aux lettres, les larmes aux yeux après avoir lu la lettre de mon père. J’ai pris une profonde inspiration, essayant de calmer toutes ces émotions. C'était un moment incroyablement puissant, et je savais que quelque chose d'extraordinaire avait dû se produire pour que cette lettre parvienne jusqu'à moi.

J’ai fermé les yeux et j’ai dit à Penelope : “Cette lettre… c’est aussi l'œuvre de Max, c’est ça ?

- Dans ce monde-ci, oui, tu as raison. Dans le tiens, ton père t’a réellement écrit cette lettre, mais elle n’est jamais arrivée. Si tu as pu la recevoir ici, c’est parce que Max a voulu te donner une vie plus belle que celle qu’il t’avait créée au début. Il a voulu réparer les torts qu’il t’a fait sans le vouloir…

Je me suis rappelé de Max, dans le train lorsque nous revenions de Belgique, qui écrivait quelque chose… Je suis certain que c’est à ce moment-là qu’il a changé les choses…

"Max, ai-je murmuré, il a apporté de la lumière dans mon obscurité. Cette lettre, c'est grâce à lui. Je ne pensais pas que c'était possible, mais il a rendu cela réel. Et pour ça, je lui en suis profondément reconnaissant.

-Qu’est ce que tu attends pour aller le lui dire en face, gros nigaud ? Dépêche-toi !

J’ai ouvert les yeux et je me suis remis en route. J’arrive, Max.

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