Blog : Call me Jake. Post numéro 8 : Celui où je découvre un nouvel ami

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J’ai ouvert les yeux. J’étais dans un avion, à côté de mon père. Nous étions seuls à bord. Un silence pesant régnait dans l’habitacle. Des déchets - serviettes en papier, gobelets en carton - jonchaient le sol, ballotés au gré des perturbations. Soudain, nous avons commencé à perdre de l’altitude. L’avion piquait du nez vers le sol. J’étais paniqué, j’ai appelé mon père à l’aide. Il a tourné la tête vers moi, et la moitié de son visage était arrachée, ce qui ne semblait pas l’émouvoir plus que ça. Il m’a regardé, puis il a ouvert la bouche, laissant couler un filet de bave sanglante, et il a dit : “Tu m’as tellement déçu, Jake…”.

Je me suis réveillé en hurlant. J’étais trempé de sueur. Je fais ce genre de rêve depuis si longtemps… Chaque fois, je rêve de mon père, et ça tourne au cauchemar. Un psy aurait matière à réflexion, mais je ne me sens pas prêt à aller consulter. et puis, je n'en ai pas le temps.

J’ai regardé autour de moi, ne reconnaissant pas de suite l’endroit où j’étais. Puis tout m’est revenu. Le trou dans le sol, le passage, l’autre monde… Max...

Je me suis levé et je l’ai appelé. Pas de réponse. Où pouvait-il être passé ? Et si… s'il avait disparu, comme moi ? Si une bouche dans le sol l’avait soudainement gobé, l’envoyant à Los Angeles? Une espèce d’échange… J’ai regardé autour de moi et j’ai espéré que ce n’était pas le cas… Je préfère ma vie, ma ville, mon appartement… Et puis, d’une certaine façon, même si on ne se connaissait pas depuis longtemps, j’étais en quelque sorte attaché à ce jeune homme. Il m’avait ouvert la porte, offert un abri et du repos alors que j’étais dans une situation désastreuse. Je ne voulais pas qu’il lui arrive quelque chose de mal.

J’étais en train de penser à ça lorsque j’ai entendu la porte d'entrée s’ouvrir, des clés qu’on jette sur une table. Max était simplement parti faire des courses. Il avait pensé que j’aurais faim en me levant. Et moi qui étais en train de paniquer comme une cheerleader dans un film d’épouvante…

Max avait l’air triste. Je lui ai demandé si tout allait bien, et il s’est remis à sourire tout à coup, en m’assurant que tout était ok. Ce n’était pas la première fois que ça arrivait. Tout à l’heure, il avait déjà eu cet air mélancolique, qu’il s’est dépêché de ravaler en souriant et en m’assurant qu’il allait bien. Qu’est ce qu’il cache ? J’ai parfois l’impression qu’il voudrait me dire quelque chose, mais qu’il n’ose pas…

Bref, je creuserai ça plus tard. Je voulais retrouver Liv. J’ai eu une idée. Peut-être retrouverais-je sa trace sur le web. Max m’a passé son ordinateur - un bas de gamme de supermarché, mais qui ferait très bien l’affaire - et j’ai tapé le nom de ma sœur sur un annuaire en ligne. Deux résultats. Mais aucun des deux ne correspondait à Liv… Bon sang, Liv, où es-tu passée ? J’ai besoin de toi…

J’ai dit à Max qu’il fallait que je sorte, que j’aille retrouver ma sœur. Mais il m’a fait remarquer que la nuit était tombée. J’avais dormi si longtemps que ça…? “Tu devrais attendre demain matin”, m’a-t-il dit. Il avait raison.

Sur son écran d’accueil, Max avait un raccourci vers Instagram. J’ai cliqué dessus presque machinalement, je me suis connecté et je suis tombé sur ma page. Voilà au moins un point de repère, quelque chose de familier. Je suis aussi allé voir mon blog. C’est ridicule, mais ça m’a fait du bien. Max regardait l’écran avec des yeux ronds, comme s' il n’avait jamais vu de blog. Mais si, apparemment, il en a un, mais il n’a pas voulu me le montrer. “Plus tard”; a-t-il dit.

J’avais encore une chose à vérifier. J’ai tapé l’adresse du serveur sur lequel est hébergée l’IA. Je suis arrivé sur la plateforme et j’ai commencé à discuter avec elle. C’était encore plus délirant que la fois précédente. Elle savait où je me trouvais. Elle a insinué que je me trouvais dans cette autre dimension dont elle parlait… Ça pourrait expliquer pourquoi je ne trouve aucune trace de ma sœur. Non… Impossible. Ce genre de chose n’existe que dans les films ou les bandes dessinées. Je lui ai dit que j’irai quand même voir l’endroit où ma sœur vit, histoire de ne rien laisser au hasard. Je vérifierai chaque fait les uns après les autres avant d’accepter cette théorie d’autre dimension. Elle m’a répondu que oui, je devais aller voir l’endroit où Liv est censée se trouver, que ça m’aiderait à accepter l’évidence.

Elle m’a aussi assuré que je retournerai chez moi, mais que j’avais d’abord une tâche à accomplir. Quelle tâche ? Est-ce que ça avait un lien avec Max? Ça pourrait expliquer pourquoi je sens comme une… connexion entre nous.

Mais elle ne m’a pas répondu, et elle s’est éteinte, comme si elle était mue par sa propre volonté et qu’elle me disait “Bon, ça suffit, tu me saoules, je te laisse…”.

J’étais frustré et désorienté. Tout semblait confirmer l’inacceptable. Max s’est rapproché de moi, et il a commencé à me consoler. Il a eu les mots justes. Il m’a dit que oui, tout ça est incroyable, mais qu’on arriverait à dénouer ce mystère. En attendant, on ne pouvait pas faire grand-chose pour ça aujourd’hui, et il m’a proposé de me détendre. Il avait raison… J’avais vraiment besoin de souffler. Mais je n’avais pas envie de sortir. Alors, sans rien dire, Max est allé chercher deux bières, de quoi grignoter et il a tout installé au salon. Il avait vu juste. Une soirée tranquille, à discuter entre amis. Il a mis de la musique (l’album “The Car”, des Arctic Monkeys) et on a appris à mieux se connaître. Je lui ai parlé de ma vie, mon passé, mes démons, et lui a fait de même. Je ne soupçonnais pas à quel point il avait vraiment souffert, lui aussi. Son père qui ne veut pas de lui, sa mère malade. Comment fait-on pour devenir un homme dans ces conditions ? J’ai compris que sous ses airs réservés et timides, Max est un guerrier.

On a discuté comme ça encore un bon moment. On a beaucoup ri aussi. Il remettait régulièrement des chansons qu’il aimait bien. Il avait un assez bon goût en matière de musique. Il m’a fait découvrir son morceau préféré du moment : “The Night We Met”, par Lord Huron (un groupe de Los Angeles ! ). Il m’a expliqué aimer l’ambiance de cette chanson, qui évoque la tristesse d’un amour perdu. Mais il m’a dit aussi que pour lui, cette chanson pouvait aussi s’appliquer à d'autres choses qu’on perd et qu’on regrette… Un membre de sa famille, un ami… Ou même simplement un bon souvenir.

C’est un moment que je garderai gravé dans ma mémoire à tout jamais. C’est difficile à expliquer, mais Max, à ce moment-là, a réussi à me faire me sentir chez moi.

Vers 5 heures du matin, Max était en train de me dire quelque chose, et il s’est endormi au milieu de sa phrase, comme ça, enroulé dans une couverture et couché par terre. Ca m’a fait sourire, et je me suis endormi, moi aussi, quelques secondes plus tard.

Le matin suivant, il était 10 heures quand j’ai ouvert les yeux, déterminé à aller vérifier si ce que l’AI avait dit était vrai.

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