2. Acte II : Catastase

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Premier tableau

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Un soir, Aïsha rentre dans le bus sans Iréa et Laurel. Elle ne va pas mentir, ça lui fait du bien. Elle a envie d’être tranquille, d’être dans sa bulle. En plus, aujourd’hui, elle n’a pas besoin de revêtir son masque de perfection. Il ne prend pas le bus aussi tard un mardi.

Elle marche jusqu’au fond du bus et s’assoit sur l’une des dernières places assises. Exactement là où il se serait assis s’il avait été présent. Elle appuie sa tête contre la vitre ; ses boucles sont tellement épaisses qu’elles forment un petit coussin comfortable. Elle pourrait s’endormir, bercée par le mouvement régulier du bus. Un peu de piano dans les oreilles, elle ferme les yeux et referme sa veste jaune sur elle.

Une secousse la réveille quelques instants plus tard. Quelqu’un vient de s’installer à côté d’elle, l’obligeant à se redresser. Elle se colle un peu plus contre la vitre. Son regard vogue rapidement sur l’intérieur du bus pour vérifier si elle n’a pas loupé son arrêt.

C’est là qu’elle le voit. Il se tient à une barre métallique au milieu du passage.

Le garçon à la boucle d’oreille.

Le masque de perfection tombe immédiatement sur son visage. Mais, cette fois, de multiples fractures apparaissent immédiatement. Il est avec une fille. Une petite blonde avec des talons et une veste en cuir. Dans la poitrine d’Aïsha, quelque chose se brise. À la recherche du moindre indice sur leur relation, elle les étudie aussi longtemps que les règles sociales le permettent. Comme si cet acte pouvait effacer la scène qui se déroule devant elle.

Elle détourne le regard. Avant de les observer à nouveau. La blonde s’est mise à rire et il lui sourit gentiment. Le cœur d’Aïsha en prend encore un coup. Elle regarde la jeune fille poser une main sur le bras du garçon.

Stop.

Elle baisse la tête vers son portable. Elle ne veut pas en voir plus, elle ne peut pas.

Peut-être qu’il sort avec une fille depuis le début. Peut-être que tout ce stress, ce petit jeu d’acteur que tu imagines être séduisant n’a servi à rien. Peut-être qu’il s’en fout de toi et de ton air faussement mystérieux.

Aïsha gardera la tête tournée vers la fenêtre, le regard fixé sur l’extérieur pendant le restant du trajet.

Quand l’annonce de son arrêt retentit, elle se lèvera aussi naturellement que possible. Son masque de perfection, elle l’aura laissé sur son siège. Elle se dirigera vers le milieu du bus et elle osera poser les yeux sur lui.

Naturelle.

Sans trac, sans script, sans pression de l’audience.

Il croisera son regard.

Elle lui sourira poliment, sans cacher la lueur de tristesse qui brille dans ses yeux sombres.

Puis elle sortira de la scène, abandonnant définitivement le rôle qu’elle s’était donné.

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Second tableau

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Mathieu déteste les travaux de groupe. Malheureusement, il est dans une filière qui nécessite ce type d’arrangements. Ce qu’il ne comprend pas, c’est comment sa partenaire de physique s’est retrouvée à prendre le même bus que lui. Elle parle tellement en plus ! C’est tout juste s’il arrive à suivre. Après une intense journée de cours, il aurait aimé s'asseoir au fond du bus avec ses écouteurs et s’endormir jusqu’à ce que le conducteur le réveille d’un coup de klaxon. Mais cet espoir avait été gâché dès que cette petite blonde lui avait massacré les oreilles pour lui annoncer qu’elle prenait le même bus que lui. Comment elle s’appelle déjà ? Maëlie ?

Gêné par le fait qu’il n’avait pas retenu son prénom, Mathieu s’oblige à écouter ce qu’elle lui dit pendant la majorité du trajet. Il décroche plusieurs fois à cause de la fatigue mais il arrive toujours à se raccrocher à une fin de phrase. Il veut juste être sympa. Vu la vitesse à laquelle elle débite ses mots, elle ne doit pas souvent avoir l’occasion d’ouvrir la bouche.

Soudain, un éclair jaune traverse sa vision périphérique. Derrière lui, les portes du bus s’ouvrent.

La fille à la veste jaune passe sur sa gauche et il n’a pas le temps de se remettre dans son rôle qu’elle est déjà passée.

Elle lui sourit.

Mais ce sourire lui laisse un goût amer dans la bouche.

Ça a sûrement un lien avec la main de Maëlie sur son bras.

Les portes se ferment.

Mathieu est à deux doigts d’appuyer sur le bouton d’arrêt d’urgence pour la rattraper et tout lui expliquer.

Puis il se souvient qu’il ne connaît pas cette fille.

Et dans sa poitrine, son cœur se serre.

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