Que personne ne bouge !

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- Que personne ne bouge !

L’inspecteur Lechat, excité comme une puce, venait d’entrer au Lue Kou, sur la baie de Ngöni. L’effet escompté par Jacques Pelot, alias, selon son bon plaisir, le Père Noël, Afa’iau Wagner ou l'inspecteur Lechat, n’eut pas lieu.

- Inspecteur ! Toujours le mot pour rire. Que prendrez-vous cet après-midi ?

- Rien, je suis en service.

- Sacré Lechat ! S’exclama le barman en lui servant un Martini Olive. Comment vont les affaires ?

Pelot sentit qu’il fallait rectifier le tir, et à son corps défendant, il composa un Lechat sympathique.

- Mon bon, vous savez ce que c’est, la routine. Quelques vols, les clients du casino qui n’ont rien compris. Mais pas un seul braquage, pas une extorsion de fonds. Rien… Ha, si. Un meurtre. Mais un petit meurtre. Une mise en scène minable. Affaire qui sera classée, n’en doutons pas.

- Le directeur de l'Aurora, tout de même…

- Oui… C’est vrai. Mais une vie si banale, si rangée, je ne trouve rien qui lui vaille un tel sort, c’est à n’y rien comprendre.

Le barman plongea le nez dans son évier, la mine sérieuse et occupée.

- A moins mon brave Grégoire, que vous n’ayez quelque chose à me dire ?

- Vous connaissez ma déontologie, monsieur l’inspecteur…

- Et moi je connais votre femme. Qui elle ne connaît pas la jolie blonde, qui vient vers minuit caler ses gros nichons sur votre comptoir... Vous êtes très compétent Grégoire, à votre place, je ne sais pas si j’arriverais à remplir sans trembler un verre aussi agréablement calé entre ces jolies choses là…

- Monsieur l’inspecteur…

- Remarque, ça donne l’occasion de faire connaissance, après, quand c’est tout mouillé, il faut réparer les dégâts, au torchon ou à la main, surtout si ça a coulé.... Quelque chose me dit que vous êtes un manuel, Grégoire…

- Monsieur l’inspecteur !

- Oui Grégoire ?

- Je sais ce que je vous dois Monsieur l’inspecteur, mais vous êtes lourd, sauf le respect que je vous dois.

- Hélas oui. C’est la rançon de la gloire mon petit, pour alléger la conscience des autres…

- Bon, pour dire la vérité, Je n’avais jamais vu Monsieur Lemêtrier dans mon établissement. Question d’image ou de standing je suppose. Un directeur d’hôtel qui fait les bars, ça ne le fait pas, hein ? Ils ont tout ce qu’ils veulent chez eux. Je pourrais vous dire que je ne sais rien. Mais hier, il a franchi le seuil du Lue Kou, une sorte d’événement quoi, c’est rare. Je me suis dit, « Tiens, un collègue ! » et puis « il vient pour voir quelqu’un ». Sinon, pourquoi sortir de son hôtel ? mais non, il est resté là, dans un coin, après avoir pris sa commande. Il est arrivé assez tard, vous savez. J’avais aussi au comptoir ce pitre, là, ce Père Noël qui est descendu à l’accueil de l'Aurora en nouant des draps. Je me suis dit « il vient pour voir le Père Noël, peut-être qu’ils ont rendez-vous ». Mais non, l’autre, là, il continuait à vider mes bouteilles, au seuil du coma éthylique, et l’autre, Lemêtrier, il le regardait. A un moment, Lemêtrier a pris son téléphone portable et a passé un coup de fil. Je me suis dit, « Il attend quelqu’un, mais il est en retard ». Un peu plus tard, un homme est arrivé. J’ai senti que Lemêtrier et lui se connaissaient, car leurs regards se sont croisés un instant, lorsqu’il est entré. Mais ensuite, plus rien. Au contraire, on aurait dit de parfaits inconnus. En fait, il venait pour le Père Noël on aurait dit. Il s’est mis à lui parler gentiment, au gros. Que c’était le meilleur des Père Noël, tout ça. Pendant ce temps, Lemêtrier s’était levé, mais il restait debout sans bouger, en regardant le Père Noël et l’autre gars, pendant qu’un autre client venait d’entrer. Lorsque le Père Noël est tombé dans le coma, ça les a affolés. Lemêtrier s’est approché, il a tâté la poitrine du Père Noël, dénoué son costume. Le Père Noël respirait, et le cœur semblait bien accroché. Mais ils ont eu l’air très embêtés. Le gars qui était resté à la porte a passé un coup de fil rapide, pendant que moi j’appelais les Urgences. Ç’a eu l’air de les embêter. Sur un signe, le causeur est reparti, pendant que Lemêtrier restait seul avec son bouffon de Père Noël jusqu’à l’arrivée des secours. Voilà.

- Je dois vous le dire, Grégoire, vous avez un grand sens de l’observation. Mais aucune psychologie !

Jacques Pelot, alias le père Noël, alias Afa’iau Wagner, alias l’inspecteur Lechat, sortit du bar passablement énervé.

- je t’en mettrais moi, des pitres et des bouffons !

Son téléphone sonna, c’était Steeve, un des coéquipiers de l’équipe de maintenance.

- Steeve ! Alors, tout va bien, pas de rupture sur les papillotes ? Le Père Fouettard n’a pas fait de crise cardiaque ?

- Non… Le Père Fouettard a été enlevé.

- Non ? Mince… C’est pas dieu possible ! Ça alors… Steeve, je crois que nous allons devoir adapter notre stratégie ! Dans une heure, réunion des Lutins à l’Aurora !

Il n’y avait plus de doute possible, l’objectif des Cafards était d’enlever le Père Noël.

Mais ils auraient une drôle de surprise…

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