Chapitre 06 - Mickaël

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Je reste quelques longues minutes devant le bâtiment. Est-ce que je suis vraiment prêt à la revoir ? Est-ce que ça ne va pas rouvrir les blessures du passé ?

Parce qu’elles étaient fermées ?

Ma conscience à raison, et puis de toute façon je n’ai rien à perdre. Et puis si faut elle ne bosse même pas là. Je sors et me laisse encore un peu de temps en fumant une clope.

- T’aurais une clope s’te plait ? Me demande un mec qui doit avoir 15/16 piges à tout casser.

- Ouais. Dis-je en lui tendant mon paquet pour qu’il se serve.

- T’es un nouvel educ ?

- Non je viens voir Marielle, ça te dit quelque chose ?

- T’es son mec ?

Bingo elle bosse bien ici !!!

- Un ami.

- Elle est cool comme meuf, merci pour la clope.

J’écrase ma cigarette et vais à l’intérieur du bâtiment très lumineux et moderne. Y a des rires d’enfants au loin, et j’ai la vue sur une grande salle où y a des mômes de tous les âges.

- Bonjour, je peux vous aider ? Me demande une meuf d’environ 30 piges

- Je…je voudrais voir Marielle ? Elle bosse bien ici ?

- C’est à quel sujet ?

- C’est perso. Elle bosse ici ou pas ? Dis-je un peu nerveux.

La meuf me regarde comme si j’étais un tueur en série ou je ne sais quoi.

- Lisa, ils sont où les feutres à l’eau ? Demande une petite fille

- Dans le placard jaune dans la salle, demande à Yanis sinon.

Donc moi j’ai le droit à la gueule de la méfiance mais la gosse elle a le droit à la gueule de la meuf gentille.

- Vous lui voulez quoi à Marielle ? Me demande-t-elle sèchement.

- Je suis un ancien ami à elle, ça fait 6 ans qu’on ne s’est pas vu, j’ai appris qu’elle bossait ici alors je voudrais juste la voir et discuter un peu.

- C’est quoi votre nom ?

Putain mais c’est un interrogatoire ou quoi !

- Mickaël…Mickaël Parker. Bon elle est là ?

- Mi…cka…ël...

Elle devient moins fermée et se détend comme si elle connaissait mon prénom.

- Elle vient de partir en camp, je suis désolée mais elle sera de retour en fin de semaine.

Soit elle connait mon prénom et fait barrage car Marielle lui a dit de le faire ou alors elle est vraiment partie et je n’ai pas de bol.

- Vraiment ou c’est parce qu’elle ne veut pas me voir ? Dis-je

- Elle aurait des raisons de ne pas vouloir vous voir ?

- Ouais c’est pour ça que je veux discuter avec elle, je vous jure que je ne lui veux aucun mal.

Elle me sourit alors que j’ai l’impression de fondre comme neige au soleil tellement je transpire.

- Elle est vraiment partie en camp, je suis désolée, vous l’avez loupée de peu.

Et merde !

- Vous pouvez ne rien dire sur ma venue s’il vous plait ? Dis-je

- Je veux votre numéro… en échange de mon silence.

Quoi !!!

- Pardon ? Dis-je étonné par sa demande

- Mon silence contre votre numéro et je teste bien entendu pour être sur que ça soit le bon.

Et après c’est moi le taré.

- Le prenez pas mal mais vous n’êtes pas mon style. Dis-je pour tenter de ne pas la froisser.

Elle éclate de rire.

- Vous n’êtes pas le mien non plus, je trouve ça très kitch les tatouages.

Bah je t’emmerde.

- Alors pourquoi vous voulez mon numéro ? Dis-je agacé

- Car si vous ne revenez pas la voir Vendredi, je lui donnerai votre numéro pour qu’elle puisse vous recontacter.

- Je comptais revenir Vendredi mais si vous le voulez, allez-y notez-le. Dis-je en lui donnant mon numéro de portable.

Elle teste puis j’entends du piano dans la pièce d’à coté au moment de partir.

- Je peux ? Dis-je en regardant la chienne de garde pour avoir son autorisation d’aller dans la grande salle.

- Oui bien sur, allez-y.

Je m’avance vers la grande pièce où y a un tas de gosse. Mais mes yeux se posent sur la jeune pianiste qui ne touche pas les pieds par terre avec un sourire angélique. Y a un ado à coté qui à l’air de gérer une platine et un autre qui tient un micro. La pianiste est de ¾ , ses cheveux ondulés tombent jusqu’en bas de son dos, elle sourit aux deux ados qui l’écoutent commencer sa chanson *.

- Et dans le noir, derrière le brouillard, j'entends ce piano chanter
Chanter l'espoir, l'envie de croire, qu'on peut tout réin…venter

Alors je joins ma voiiiiix encore une foiiiiis pour… tenir dans l'orage
Je joins ma voiiiiix encore une foiiiiis pour… trouver le courage.

Sa voix est…bouleversante. La musique s’est emballée et c’est l’ado au micro qui continue la chanson entre le slam et le rap

- Y a pas d'recette, pour supporter les épreuves
Remonter l'cours des fleuves, quand les tragédies pleuvent
Y a pas d'recette, pour encaisser les drames
Franchir les mers à la rame, quand l'horreur te fait du charme
Y a pas de recette, quand t'en avais pas non plus
Personne t'avait prévenu, tu t'es battu comme t'as pu
Y a pas de recette, quand l'enfer te sers la main
Abandonner c'est humain, l'avenir c'est loin
Mais tu t'es mise à chanter, même pas par choix
Comme à chaque chute, à chaque fois, ça c'est imposé à toi
Chanter, comme un enfant surpris, comme un instinct d'survie, comme un instant d'furie
Chanter pour accepter, exprimer, résister, avancer, progresser, exister
Chanter comme une résilience, une délivrance
Chanter comme une évidence

La pianiste reprend le refrain et j’ai l’impression que sa voix résonne dans mon cœur. J’ai envie de chialer et je ravale les larmes qui montent. Mais l’ado tient son couplet. Ils vivent tellement le truc que ça me fout la chair de poule. Il se pose contre le piano et chante pour elle.

- À quel moment, tu comprends qu'c'est ton truc?
Que la musique revient pour t'relever de chaque chute
À quel moment, tu sais qu'elle est ta boussole?
Quand la vie te punit, la musique te console
À quel moment, ce piano a chanté?
Ses accords t'ont hanté, ont choyé ta santé
À quel moment, il est ta respiration?
Et à quel moment, on en fait une chanson?

Et puis là les yeux de la pianiste se posent dans les miens.

- Si je me sens comme une enfant, j'ai déjà eu plusieurs vies
Je peux regarder devant, en chantant ce qu'on m'a pris

Putain de merde !!! Comment fait-elle ça, elle doit avoir quoi 6 piges à tout casser. Et pourtant elle chante comme une adulte. Mais qu’est ce qu’on lui a pris !!! Qui a osé la faire grandir trop vite. Pourquoi est-elle ici !!! Pourquoi ça me fout en rogne de sentir qu’elle a pu souffrir !!! L’ado reprend le relais.

- Moi aussi, j'ai connu une sorte brouillard et j'ai entendu ce piano au loin
Et moi aussi, sans vraiment le prévoir, naturellement ma voix la rejoint
On a pas du tout les mêmes histoires, mais finalement quelques points communs
Comme un air de force oratoire, j'écris, tu chantes, le brouillard est bien loin

Elle finit la chanson avec le refrain, et sa voix se casse. Là c’est trop pour moi. Je me casse vite de ce bâtiment. Je roule aussi vite que je peux pour m’éloigner de là bas. Putain c’est quoi ce bordel ! J’arrive essoufflé au resto de Jack qui me voit et me fait monter à l’étage et je craque.

- Tu l’aurais entendue Jack…putain elle m’a arraché les tripes. Elle est si…belle, si fragile, j’ai senti qu’elle était malheureuse mec et…j’ai juste envie de la prendre et l’emmener loin de tout ça, lui rendre son putain de sourire qui est magnifique. Comment on peut faire du mal à des gosses Jack !!! Ca me fout les boules putain !

- Ah ouais, on peut dire qu’elle t’a foutu en vrac cette gosse, mais pourquoi elle ?

- Putain j’en sais rien moi !!!

- Et Marielle, elle était là ?

- Non, elle était de sortie, elle revient vendredi.

- Du coup tu comptes faire quoi ?

- Faut que je réfléchisse mais de toute façon j’ai laissé mon numéro là bas donc elle aura de quoi me recontacter. Et si elle ne le fait pas bah au moins je saurais qu’elle n’a pas envie de me donner de ses nouvelles.

- Ok. Ça va aller ?

- Ouais.

Lorsque je descends, Caro me sourit.

- On se voit après mon service ?

- Désolé mais je suis naze là, plus tard ma belle.

Et là je ne cherche pas une excuse, je suis vraiment HS, complètement vidé de mes forces et lorsque je me couche sur mon lit, je m’endors jusqu’au lendemain.

* Derrière le brouillard de Louane et de grand corps malade.

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