Le guide leva la main. Le groupe se figea.
L’atmosphère étouffante ne rendait pas moins irréel cet oasis aux allures de mirage.
Ils allaient pouvoir se désaltérer, plonger leurs mains éculées dans l’eau, calmer les brûlures striant leurs corps.
Mais le guide avait levé la main. Et le groupe s’était figé.
Devant eux, de l’autre côté de la mare, une présence s’imposait.
À l’ombre des palmiers, lapant paisiblement ; un roi régnait.

« Em-Amelaq »

Le mot se glissa entre les différents gardes autochtones, comme la sueur s’infiltrant dans leurs étoffes, la peur dans leurs pensées.
Un marin du Norakkadera commença à trépider son tromblon. Il glissa hors de ses mains, et vola à l’eau, lancé par le guide. Le pâle fusiller s’apprêtait à répondre, lorsqu’il reçut une gifle sonore, ordonnant le silence.

Un grognement roula. La bête avait levée la tête, et les fixait, méfiante.
Ses pupilles scrutant chacun des membres de l’expédition, son flair fouillant l’air de la moindre prophétie.

Une de ses immenses patte gratta le sol, brassa le lac, dans leur direction ; et le grondement se fondit en feulement.

Les indigènes jetèrent leurs armes au sol ; sans distinction, couteaux, sabres et lances se retrouvèrent noyés dans le sable. S’ensuivit une ahurissante cérémonie, où tous sans exception, genoux au sol, prièrent et rendirent hommage.
Mais les étrangers, eux, restaient figés ; creux des connaissances antiques, vides des savoirs conformes ; seulement saisis de confusion.

L’animal rugit, découvrant des crocs prodigieux, une langue pour lance.
Dans leur lecte occulte, ils demandaient aux explorateurs d’outre-mer de les imiter, de déposer front et fierté contre le sable, et d’attendre avec respect.
L’animal vociféra, et dans son dos, s’éleva une immense queue plumée, qui s’ouvrit en un soleil irradiant d’azur, de jade, de rubis ; une couronne des plus belles, des plus grandes, des plus augustes.

Et alors tous firent prosternation, et demandèrent pardon.

Le pardon du Roi, Seigneur de ces lieux,
Em-Amelaq.