Chapitre 31 - A la recherche des fuyards

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Etait-ce un rêve ? Non... C'était un cauchemar qu'elle vivait là. Un véritable cauchemar. Elle ne pouvait pas être responsable de tout ça.

Sidan Lokliar regarda devant elle. Au loin, le ciel s'était teinté de rouge. La forêt qui, autrefois, imposait sa majesté était en train de brûler petit à petit. Ses mains se portèrent à sa bouche, d'où ne sortait aucun son. Qu'est-ce qu'elle avait bien pu faire de travers ? Revoir sa forêt danser au printemps, les couleurs des feuilles dorées et rouges en automne, un manteau de neige recouvrir tout ce qu'elle avait chéri jusque-là. Allait-elle revoir tout cela un jour ? Ses yeux continuaient de balayer cette immense forêt qui hier encore était l'une des merveilles de son peuple.

Sidan Lokliar tremblait de tous ses membres. Une horrible quinte de toux fut le seul son qui sortit de ses lèvres à cet instant. Est-ce qu'elle avait eu raison en autorisant Enki à déclarer la guerre aux humains ? L'Impératrice éloigna cette question de son esprit. Pour le moment, le plus important était de retrouver Jaelith. Jaelith, la fille unique de Jaelen. Elle repensa à son frère. Il était plus jeune qu'elle. C'était le seul héritier de l'empire elfique, et cette idée ne l'enchantait pas vraiment. Très souvent, quand ils en parlaient ensemble, il lui faisait part de son envie de liberté.

— Je voudrais partir, voyager à travers le monde, rencontrer des gens d'autres horizons.

Et il finissait toujours son long discours par :

— Je te laisserai la place d'Impératrice grande sœur. Je pense que tu te débrouillerais mieux que moi dans ce rôle.

Sidan secoua la tête. Elle n'avait jamais eu l'impression d'avoir brillé en tant qu'Impératrice. Jaelen aurait été un meilleur guide pour leur peuple, elle en était persuadée.

Cela faisait très longtemps que la nuit était tombée. Freyki s'était réveillé en sursaut. Jaelith hurlait dans son sommeil, se débattait contre une entité invisible pour lui. Le jeune homme la maintenait par les épaules et la réveilla. Elle était en larmes. Le roi loup l'enlaça doucement, et lui caressa les cheveux en murmurant des paroles qui se voulaient réconfortantes. Au bout d'un moment, Jaelith se calma. Le jeune homme voulait comprendre ce qui avait pu provoquer un cauchemar de cette ampleur.

— Vous avez fait un cauchemar ? Qu’est-ce qu'il s'est passé ?

Elle le regardait, les yeux encore mouillés de larmes. Mais elle ne lui avait pas répondu.

— Parlez-moi Jaelith... Vous pouvez tout me dire, je ne suis pas là pour vous juger.

— Je ne peux pas... Je ne peux pas...

Elle s'était remise à pleurer. La jeune femme ne pouvait pas dire à son compagnon qu'elle avait revu en rêve la mort de son père pour les énième fois. Et que son assassin, c'était lui.

— Impératrice, je vous en conjure, n'envoyez pas vos troupes à la frontière !

La voix de Kerninos était suppliante. Sidan Lokliar lui lança un regard noir.

— Pourquoi cela sage Kerninos ? Les humains sont prêts à attaquer, ma chère nièce est introuvable et vous voudriez que je laisse notre territoire sans aucune défense ?

— C’est mon frère qui est à l’origine de tout cela n’est-ce pas ?

L'Impératrice se contenta de hausser les épaules et de détourner la tête. Le sage continua :

— Vous avez une trop grande confiance en lui ! Il vous a trompée ! Cette guerre n’apportera que douleur aux habitants de nos terres !

S'en était trop pour l'Impératrice qui se leva dans une colère noire.

— C’est le dernier jour où vous vous opposez à moi Kerninos.

Elle fit signe aux Drinvels présent dans la salle qui s'approchèrent. Sa voix glaciale résonna dans la grande salle.

— Jetez cet imbécile en prison.

— Je vous en conjure Impératrice, écoutez-moi !

Mais il était bien trop tard. Le sage fut rapidement emporté hors de la salle, et ses cris de protestations s'éloignaient enfin. L'Impératrice eut un pincement au cœur. Elle appela le chef des Drinvels qui arriva au bout de quelques minutes.

— Le sage n’était finalement qu’un imbécile. Enki !

— Oui, impératrice ?

— Nous allons prendre les terres au-delà des forêts.

— Vous vous êtes enfin décidée à ce que je vois.

— Oui… J’ai fait ce que vous avez proposé. Il n’y a plus de marche arrière possible. Mais êtes-vous vraiment sûr que nous allons gagner ?

— Les humains ont perdu leur roi. Si nous attaquons maintenant, nous n’avons aucune chance de perdre !

Jaelith observait les alentours. Freyki n'était pas là. Elle soupira longuement. Une douce brise agitait les feuilles des arbres, et le clapotis d'une rivière toute proche retentissait dans la forêt. La jeune femme se leva et marcha en sa direction. Le cours de l'eau n'était pas profond à cet endroit. Jaelith se pencha et se lava le visage. L'eau était tiède. Elle regarda autour d'elle, certaine que personne ne se trouvait là, puis se déshabilla avant d'entrer dans l'eau. Ce fut une agréable sensation qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Elle resta ainsi pendant de longues minutes. Elle se demandait comment Freyki pouvait en savoir autant sur elle. Pourtant, à chaque fois qu'elle lui posait des questions, il lui répondait de manière évasive.

— Vous êtes réveillée ?

Jaelith sursauta et se tourna vers le Roi Loup qui ne se gênait pas pour la regarder.

— Qu'est-ce que vous faites là ?

— Je vous ai fait peur ?

Elle acquiesça d’un signe de tête. Un large sourire sur le visage, ne détournant pas ses yeux du corps de la jeune femme, Freyki continua :

— Je surveillais les environs... Il n'y a personne pour le moment. Il faudrait reprendre la route.

Jaelith frissonna. Elle sortit de l'eau et se rhabilla rapidement, ignorant le regard insistant de l'humain sur elle. L'homme à la cicatrice connaissait chaque courbe de son corps. Il l'observait pendant des heures quand elle dormait à ses côtés. Et là, à cet instant, quelque chose l'ennuyait. Les courbes avaient légèrement changées au niveau de ses hanches, et de son ventre. Puis, s'étant enfin rendu compte qu'il la regardait de manière insistante, il demanda :

— Cette cicatrice que vous portez au milieu du dos... D'où vient-elle ?

La voix de Freyki s'était adoucie en posant la question. Jaelith le regarda d'un air triste. Elle respira un grand coup, car elle savait que la blessure qu'elle avait eue au cœur ce jour-là ne se refermerait probablement jamais. Elle ne voulait pas pleurer. Ce souvenir, bien qu'il se soit passé il y a quelques années déjà, était toujours aussi vif. D'une voix tremblante, elle raconta :

— Cette cicatrice, je l'ai reçue lorsque j'ai été blessé. Le jour où...

Elle leva la tête au ciel et ravala les larmes qui menaçaient de sortir.

— Le jour où mon père s'est fait assassiner.

Freyki se gratta la tête, comme à chaque fois qu'il était vraiment gêner. Il bredouilla des excuses.

— Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous attrister.

Jaelith baissa la tête. Elle avait l'impression que son cœur s'emballait, mais elle se calma. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi se trouver en la présence du roi loup la mettait dans un tel état. Elle n'avait envie que d'une seule chose : celle d'être dans ses bras, de sentir sa bouche contre la sienne, d'entendre sa voix murmurer son nom.

Freyki l'observait sans mots dire. Il la trouvait toujours aussi belle. Il ne l'avait vu que rarement habillé de manière féminine lorsqu'ils étaient à Goldrynn. Et il ne comprenait pas pourquoi. La jeune femme était superbe dans cette robe légère aux nuances de verts. Ses longs cheveux blonds avaient encore poussés et lui arrivaient maintenant presque aux genoux. Plongé dans ses souvenirs, il avança sa main vers les cheveux de Jaelith qu'il caressa doucement, comme il aimait le faire.

La jeune femme frissonna. Sa respiration s'accéléra, et elle sentit qu'elle aurait du mal à se contrôler. Elle tourna son visage vers celui de Freyki. La main de ce dernier remonta vers le visage de la jeune femme, lui caressant la joue, puis toucha légèrement ses lèvres. L'homme à la cicatrice la regardait droit dans les yeux avec nostalgie.

Jaelith tremblait à présent. Elle sentait au fond d'elle même qu'elle allait perdre le contrôle de la situation. Son cœur battait à tout rompre. Le visage de Freyki s'approchait dangereusement du sien, puis ses lèvres se posèrent sur les siennes, doucement. Il l'enlaça tendrement et elle se laissa faire, à sa grande surprise.

Ils restèrent ainsi quelques minutes, puis Jaelith détacha à regret ses lèvres de celle de Freyki. Elle le dévorait du regard. Le roi loup posa alors son cou au creux de l'épaule de la jeune femme. Il lui murmura :

— Je t'aime.

La princesse secoua la tête puis recula.

— Je suis désolée...

— Enki ! Combien de temps encore allez-vous attendre pour retrouver ma chère nièce ?

Sidan Lokliar faisait les cents pas dans la grande salle. Elle était à bout de nerfs.

— J'ai ordonné à mes meilleurs hommes de partir à sa recherche. Ils connaissent la grande forêt mieux que n'importe qui. Ce n'est qu'une question d'heures à présent.

Un soldat arriva et s'inclina respectueusement vers l'Impératrice avant de se diriger vers le chef des Drinvels.

— J'ai une terrible nouvelle. L'humain s'est échappé.

Sidan sursauta en attendant cela. Elle entra dans une colère effrayante.

— Le roi humain n'est plus dans sa cellule ? Où est-il ?

Le soldat secoua la tête.

— Nous l'ignorons Impératrice. Mais toute porte à croire que c'est la princesse qui l'a aidé à s'enfuir.

La femme hurla à plein poumons :

— Jaelith… Quelle petite peste ! Ce sont les derniers jours où elle m’insultera ! Que pourrait-elle faire une fois encerclée par mon armée ? Elle reviendra avec moi, de gré ou de force.

Enki eut un sourire hypocrite. Si la nouvelle de la fuite du roi ne l'enchantait guère, il allait jouer avec la peur de la souveraine pour accélérer les choses.

— Si elle est avec l'humain, alors il y a peu de chance pour que nous la retrouvions vivante. Mes sources me disent qu’ils exécutent tous ceux qui se trouvent sur leur passage.

Le visage de l’impératrice, qui jusque-là n’était que colère, tomba d’un seul coup. Inquiète, la voix tremblante, elle murmura :

— Non… Non ! Il faut aller la secourir immédiatement ! Partez vite à sa recherche ! Prenez une armée avec vous et tuez tous les humains qui se trouveront à la frontière ! Nous ne pouvons pas laisser passer ce risque !

Le chef des Drinvels acquiesça silencieusement et s'inclina avant de sortir de la salle. Les pions étaient en place, tout se déroulait comme prévu. La guerre dont il rêvait allait avoir lieu.

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