Chapitre 39 - La fin du Drinvel

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Feiyl avait du mal à se déplacer sous sa forme de dragon. Il n'avait vraiment pas l'habitude et avait surtout l'impression d'être un lourdaud. Il ne pouvait rien faire d'autre que donner des coups de patte, de griffe, de queue ou de crocs à ses adversaires. A chaque fois qu'il en tuait un, deux autres sortaient de terre.

Rapidement, les humains et les elfes furent débordés. Partout, ce n'étaient que cris d'horreur et de douleur. Feiyl s'en voulait de ne pas être plus utile. Son regard se portât sur Elrynd qui se trouvait quelques mètres plus loin. Ce dernier décapitait les morts vivants à tour de bras, Frederik sur les talons.

— Cela ne se terminera donc jamais ?

La voix du général était lasse. Il baissa sa garde pendant quelques secondes. Mais ce fut de trop. La pointe d'une lance rouillée lui transperça l'épaule. Elrynd hurla de douleur avant de se retourner et de décapiter son agresseur d'un coup d'épée bien placé.

— Général !

Frederik s'était précipité vers lui, inquiète. La blessure n'était pas belle à voir et semblait profonde.

— Je ne peux rien faire... Je ne sais pas utiliser la lumière pour soigner les blessures...

— Ne t'inquiète pas et continue de te battre !

Il se mordit les lèvres, ravalant sa douleur, et serra son épée de toutes ses forces. La jeune femme paniquait devant la gravité de la blessure. Si Elrynd ne faisait rien, alors il finirait par se vider de son sang et mourir.

— Il faut un prêtre, c'est urgent !

— Ce n'est qu'une petite blessure !

— Vous ne pourrez plus dire ça quand vous serez par terre en train de mourir !

Le regard de Frederik se posa sur celui du Général.

— Je ne veux pas vous voir mourir.

Elle était sincère en disant cela, et il l'avait très vite compris. Le jeune homme eut un léger vertige. Sa tête commençait à tourner. Elrynd se demandait s’il allait mourir aujourd'hui.

Enki leva sa lame et fonça sur le roi loup qui para le coup au dernier moment avant de donner un coup de pied dans les jambes de son ennemi. L'elfe tomba à genoux et reçut le poing de Freyki en pleine figure. Sa capuche retomba en arrière et dévoila sa face ravagée. Le balafré ne pouvait détacher son regard de cette étrange créature qui se trouvait face à lui. Il murmura pour lui-même.

— Un mort vivant...

Pourtant, lorsqu'il l'avait vu à la cité d'argent, Enki lui avait paru bien vivant. Qu'est ce qui avait pu se passer pour qu'il devienne ce monstre ?

— Surprit par mon apparence ? C'est un cadeau de la déesse.

— Un cadeau ? Une punition tu veux dire !

— Non... Un cadeau de la déesse des ténèbres.

Enki tendit son bras vers son adversaire et un ombre glissa rapidement vers Freyki. Ce dernier l'évita de justesse. C’était pire que tout ce qu'il avait pu imaginer jusqu'ici. Le combat allait être difficile.

Les courageux combattants tombaient les uns après les autres autour d'eux. Gareth s'était rapproché du général. Le vieux paladin était blessé lui aussi. Quand il comprit dans quel état était son ancien élève, il jura avant de se pencher sur lui.

— Elrynd, vous pensez pouvoir tenir le coup longtemps ?

Le jeune homme avait ouvert la bouche pour répondre, mais la douleur était trop forte et ce qu'il en sortit ne fut qu'un cri.

— Vous pouvez le soigner ?

C'était la voix de Frederik. Elle tremblait de peur. Gareth hocha la tête.

— Je vais faire ce qui est en mon possible pour lui, mais il faudrait se débarrasser de tous ces monstres qui nous entourent.

— Très bien. Je vais m'en charger avec Feiyl.

Elle s'assura que son épée était à portée de main et se releva. L'apprentie paladin répara un grand coup. Elle allait devoir se battre de toutes ses forces pour permettre au seigneur Gareth de sauver le général. Feiyl continuait de mettre à terre ses adversaires qui se relevaient sans cesse. Il avait finit pas arracher les têtes des cadavres pour être sûr et certains qu'ils ne se relèveraient pas.

Frederik se lança dans la bataille. Ses coups d'épée faisaient mouche à chaque fois, mais ce n'était pas assez pour se débarrasser des créatures maléfiques. Elle sentit une douleur à sa jambe droite et y jeta rapidement un coup d'œil. Ce n'était qu'une blessure superficielle. L'apprentie paladin hurla sa rage et ses coups se firent plus puissants au fur et à mesure qu'elle les donnait.

Le dragon tourna sa tête en direction de sa camarade. Il l'avait vue disparaitre sous le nombre de cadavres qui attaquaient sans relâche. Il allait foncer pour l'aider quand quelque chose le retint. Une puissance familière venait d'apparaitre. Frederik se releva, faisant tomber ses adversaires. Elle hurla. C'était un cri terrifiant. Gareth, qui soignait comme il pouvait le général, demanda au dragon.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Eh bien, pour être tout à fait franc, je n'en sais rien.

Le regard de Feiyl ne se détachait pas du spectacle qui se déroulait devant ses yeux. Frederik avait attrapé l'un de ses adversaires et lui avait broyé le cou avec la seule force de sa main droite.

— Bon sang ! Murmura Feiyl.

Il n'en croyait pas ses yeux. Les autres morts vivants qui se dressaient devant elle furent balayé par la puissance de la lumière. Ils tombèrent en fine poussière, emportés par le vent. Frederik se redressa doucement, et son regard balaya les alentours. Elle se tourna vers Feiyl.

— Je ne comprends pas... J'ai senti la rage monter en moi et...

— Ta lumière… Elle est si forte ! Cette puissance ne sera pas de trop pour débarrasser cet endroit de tous ces morts vivants.

La jeune femme hocha la tête.

Freyki ne pouvait pas laisser son adversaire massacrer plus d'innocents. Il tenta à nouveau d'attaquer Enki avec Anh'Feiyl, mais ce dernier esquiva le coup avant de riposter. Le balafré recula à temps. Leurs armes s’entrechoquèrent à nouveau dans une gerbe d’étincelle : le combat était titanesque. La pointe de l'épée sacrée atteignit le visage de l'elfe et lui laissa une profonde entaille. Enki recula. La blessure le brûlait. Lui qui avait supporté le don de la déesse des ténèbres, il souffrait d'une simple entaille ? A moins que...

— L'épée...

Le chef des Drinvels venaient de comprendre. Anh'Feiyl voulait prendre son âme. Les signes qui étaient gravés sur la lame brillaient faiblement. Enki, un peu sonné, secoua la tête. Il était décidé à vaincre son ennemi, mais il fallait d'abord qu'il se débarrasse de cette épée. Les deux adversaires étaient à nouveau face à face. La mâchoire tendue, Freyki attendait l'instant propice. L'œil à l'affut, Enki surveillait le moindre de ses mouvements. Un silence de mort régnait.

L'elfe attaqua. Le balafré hurla. Chacun concentrait toute son énergie dans le prochain coup qui devait être le dernier. Les armes se heurtèrent violement une première fois, puis une seconde. Enki fût trop lent à réagir. Il sentit la lame s'enfoncer dans son ventre et hurla lorsqu'elle aspira toute la puissance vitale et démoniaque qu'il possédait. Freyki, quant à lui, avait vu l'épée d’Enki s'abattre sur son bras droit. Le temple trembla, et le plafond s'effondra.

Elrynd se sentit mieux. Autour de lui, les bruits des combats avaient cessés. Avec l'aide de Gareth, il se releva.

— Ce n'est pas passé loin mon garçon.

— Merci... Sans vous, seigneur Gareth, je pense que je serais déjà dans le royaume des morts.

— Sans aucun doute.

Autour d'eux, il y avait de nombreux cadavres et de blessés. Beaucoup d'elfes s'occupaient de ces derniers comme ils pouvaient. Le général demanda :

— Ils sont arrivés il y a longtemps ?

— Ce sont les partisans de l'Impératrice. Elle est arrivé il y a moins d'une demie heure avec une petite armée. Au début, nous pensions qu'elle venait pour profiter de notre position de faiblesse. Mais elle a très rapidement fait comprendre qu'elle était là pour nous aider.

— Je suppose que c'est une bonne chose.

Le général tourna la tête.

— Où sont Feiyl et Frederik ?

— Ils se reposent un peu plus loin tous les deux. Ils n’ont pas été gravement blessés et s’en sont plutôt bien sortis.

Elrynd marchait parmi les blessés et les cadavres à leur recherche. Il les retrouva rapidement, à l'écart, et Feiyl était emmitouflé dans une couverture de fortune.

— Général !

La voix de la jeune femme était joyeuse. Elle s'était levé à sa vue et s'était approchée de lui. Le jeune homme se demanda si il devait la prendre dans ses bras tant il était heureux de la voir saine et sauve, mais il abandonna rapidement cette idée.

— Tout va bien ?

— On ne peut mieux. Avec Feiyl, nous avons fait le ménage parmi les cadavres ambulants. Nous sommes fatigués, mais cela valait le coup. Enfin, ce qui est sûr, c'est que je voulais absolument vous protéger mon général.

Elrynd la serra dans ses bras, honteux. Il avait été aveugle et égoïste. Il ne s'était pas rendu compte qu'il comptait autant pour cette jeune femme.

— Où est l'épée ?

La voix de Sidan Lokliar était inquiète. Siara secoua la tête.

— Je ne sais pas, elle était avec le roi loup. Il s'est battu avec Enki dans le temple. S’il se trouve encore là-bas, alors il y a de grandes chances pour qu'elle y soit.

— Très bien.

L'Impératrice s'était retournée et s'était dirigée vers le temple. Sa jeune sœur commença :

— Tu ne comptes tout de même pas...

— Je n'ai pas besoin de ton avis !

Le ton sur lequel Sidan avait répondu était sec et cassant.

Elrynd s'était rapidement rendu dans les ruines du temple. Sa voix forte résonnait.

— Roi Freyki !

Mais il n'y avait pas de réponse. Sa tête balaya rapidement le terrain, et il tenta de le repérer parmi les nombreux gravats qui jonchaient le sol. C'est là qu'il le vit. Ce bras qui tenait encore Anh’Feiyl entre ses doigts. Il dépassait des décombres. Elrynd dégagea quelques pierres et gravats qui le gênait. Il espérait qu'il ne soit pas gravement blessé. Il avait promis à Jaelith qu'il lui ramènerait le roi loup sain et sauf. Quand le paladin tira vers lui le corps de Freyki, seul son bras vint à lui. Tremblant, il le posa sur le côté avant de continuer la fouille macabre. Il fut rejoint par l'Impératrice qui s'empara d'Anh'Feiyl sans même lui lancer un regard. Le général hurla :

— Venez m'aider au lieu de vous occuper de cette épée !

Sidan haussa les épaules. Elle fit signe à ses soldats qui accoururent. Dans sa langue natale, elle leur ordonna d'aider l'humain à la recherche d'un cadavre. Puis, l'épée entre les mains, elle s'avança vers l'endroit d'où provenaient les ténèbres.

Le sol était pourrit en plusieurs endroits. Des traces de sang maculaient ce qui avait été le sol sacré de Castelfay. La faille se trouvait là, face à elle. Le regard de Sidan se posa sur l'épée. Elle savait très bien ce qui allait se passer, mais elle l'acceptait. C'était peu pour racheter l'horrible conduite qu'elle avait eu. Elle respira profondément une première fois, puis une seconde. L'Impératrice leva l'arme au-dessus de la faille, puis l'y glissa lentement, sans lâcher le poignet. Anh'Feiyl y entra jusqu'à la garde sans rencontrer de résistance.

Sidan Lokliar, Impératrice de la cité d'Argent, sentait son énergie disparaitre peu à peu. Cette mort ne serait pas aussi douloureuse que celle de ceux qui étaient tombés aux combats. A l'instant où elle ferma doucement les yeux, elle se sentit étrangement sereine.

Freyki ouvrit lentement les yeux. Tout était flou autour de lui. Il avait horriblement mal et frissonnait malgré la chaleur. Deux paladins spécialisés dans la guérison étaient penchés sur lui. Il tourna lentement la tête vers Elrynd, qui bandait son bras, les yeux remplis de larmes.

— Qu'est-ce que...

Les mots moururent dans la bouche du roi loup, épuisé. Le général, sans se détourner de ce qu'il faisait, lui répondit d'une voix mal assurée.

— J'ai cru que vous étiez mort majesté.

Freyki tenta de lever son bras qu'Elrynd maintenait ferment à terre, le temps de s'occuper de la terrible blessure. L'homme à la cicatrice tourna un peu plus la tête, au point d'en avoir mal à la nuque, et compris ce qui n'allait pas. Il n'avait plus d'avant-bras. Ses yeux s'ouvrirent en grand et se remplirent de larmes. Sa voix cassée résonna faiblement.

— Qu'est-ce que je vais pouvoir dire à Jaelith... Sans mon bras, je suis inutile...

— Ce n'est qu'un bras. Il vous en reste un autre.

Elrynd tentait de le rassurer comme il pouvait, mais il savait que ce serait difficile.

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