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« Bonjour, votre plateau, vous êtes réveillé ? »

Je le suis à moitié et je déteste ça. Je ne suis pas à l’hôtel, je n’y ai jamais été d’ailleurs, mais le minimum serait de vérifier avant d’entrer, surtout que l’on me voit du couloir. Elle a gagné une bonne note parce que j’ai les yeux ouverts maintenant ? Ils commencent tous à m’énerver dans cette clinique, je me racle la gorge en guise de réponse, je n’arrive pas à faire mieux.

« J’ai une bonne nouvelle pour vous, le professeur passe vous voir dans la matinée, je crois que c’est votre pansement, ça va sûrement vous alléger. Bon appétit. »

Elle est repartie aussi vite que son entrée, et c’est bien, je n’ai pas vraiment envie de voir du monde ce matin, qu’on m’enlève vite fait cette chose autour du cou et qu’on me laisse tranquille. J’ai bien dormi, ça je le sens, mais j’ai le vague souvenir d’avoir rêvé triste, je ne sais pas pourquoi, je n’en ai aucune idée, quelque chose flotte dans ma tête, je n’arrive pas à le saisir. Je me suis dépêché de manger, la salle de bain une formalité expédiée, j’ai envie de descendre au patio pour ne plus voir tous ceux qui défilent à ma vue, je tente de prendre mon ordinateur pour me mettre sur une table en bas, soucis, je n’ai pas assez de mains avec mes béquilles, il faudra que je demande à maman d’apporter mon petit sac à dos.

Je suis presque seul, un vieux monsieur sur un fauteuil roulant et une infirmière plus loin en train de boire une boisson au gobelet, mince j’ai oublié de prendre de l’argent. Je me demande si le vieux est vivant, il a la bouche ouverte la tête sur le côté, un grand sac transparent en hauteur de son siège relié à son bras comme s’il le remplissait. Ça devrait me faire rire, je n’en ai pas envie, je ne suis pas bien ce matin, j’ai le moral en bas. Je m’approche doucement du mort plus que vivant, j’entends un ronflement, il a la bave aux lèvres ça me remonte au cœur, je ne veux pas voir ça. Quelques places plus loin je m’installe, mais je le vois toujours, la salle n’est pas si grande. Je ferme les yeux, non pour partir, mais juste pour l’oublier et rechercher mon rêve, je vois son cône bleu, ainsi que l’infirmière qui est teintée de rouge. Juste un petit coup d’œil et je m’occupe de moi.

Un film de guerre, je suis dans une guerre, il doit être si âgé, je suis sûr qu’il est là. Ça va peut-être m’intéresser, je regarde un petit peu, je n’ai pas prévu de rester, mais au fur et à mesure de ma curiosité. Ça ne ressemble pas du tout à ce que je vois à la télé, ils courent dans tous les sens, j’en vois certains qui pleurent et d’autres plus loin qui crient, ça devient dégueulasse, il y a du sang partout, je vois des bouts de chair, je crois que je vais zapper, mais d’un coup alors que je vais partir, toute la scène disparaît et je suis encore là, je n’ai rien fait, je n’ai rien dit, tout s’efface, on dirait un dancing au bord de l’eau. Je ne trouve pas d’autres mots, ça a l’air vieillot, mais des gens deux par deux dansent sur un plancher en bois, quelle drôle de musique, des instruments que je ne connais pas, ils sont tous habillés de vêtements craignos, des casquettes, des chapeaux, ils sont tous ridicules. J’ai dit que je ne restais pas, mais je m’avance un peu parce qu’au milieu je vois une dame qui danse toute seule, je crois que je viens de trouver mon rêveur invisible dans les bras qui semblent s’appuyer. Je les regarde un peu, en tournant tout autour, je crois que je la reconnais, il y a quelques jours c’est sa drôle de coiffure que j’avais remarqué. Je sais ou je suis maintenant, je viens de revenir dans un songe que j’ai déjà visité, tout au moins du rêveur je sais qui c’est maintenant. Il est temps de partir, il ne faut pas que j’en fasse plus j’irais noter tout ça, et d’un coup tout s’arrête. Toute la scène se dilue j’allais franchir la paroi de néant, il ne reste que la femme au milieu du plancher ses bras sont retombés, encore un nouvel épisode, mais je n’ai pas le temps, soudain j’entends une voix provenant d'elle, enfin je crois puisqu'il n'y a personne d'autre.

« Qui est là ? Je ne reconnais pas ce que vous êtes. Je sais que quelque chose est là. Je suis mort, c’est ça ? »

Je regagne mon corps et j’ouvre les yeux, c’est quoi encore ce truc-là ? Je regarde le vieillard, il ne bouge toujours pas, il y a des choses que je ne comprends pas, on dirait qu’il a senti ma présence comme la dernière fois, je reprends mes béquilles il faut que je m’en aille, il me fait un peu peur. Je passe près de lui, j’évite de faire du bruit et d’un seul coup il bouge, je vois ses yeux s’ouvrir quand il redresse la tête, il a le regard fixe, j’ai la sortie en ligne de mire, il faut que je remonte dans ma chambre, j’entends sa voix comme un râle.

« Pourquoi faites-vous ça, pourquoi ne pas mourir maintenant que je suis seul ? »

Dans mon dos, j’entends les pas de l’infirmière qui se précipite, mais je ne vois plus rien, que le couloir qui mène à l’ascenseur.

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