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Les jours suivants me parurent longs et pénibles d’ennuis, rythmés par le seul passage des infirmières qui venaient m’apporter des cachets, faire le lit ou me laver. Il ne m’était pas encore permis de bouger. J’ai vu rapidement le chirurgien qui m’avait opéré, accompagné de plusieurs autres personnes vêtues de blouses blanches également. On aurait dit une visite guidée, parce qu’il a passé plus de temps à expliquer à son auditoire, l’opération que j’ai subie en termes que je n’ai pas vraiment saisis. Il a juste eu le temps de me demander si je n’avais pas de douleurs quelconques à la nuque. Par contre, d’ici quelques jours, on viendrait enlever le pansement qui m’enserrait la tête, la seule bonne nouvelle que j’ai comprise. Je devrais également, faire quelques pas avec des béquilles dès que je pourrais me lever.

Maman venait tous les soirs me voir, quelquefois accompagnée de Fabienne. Papa était reparti sur ses chantiers, et finalement, tous avaient repris leurs activités maintenant que j’allais mieux. Marie - Cécile est venue me voir plusieurs fois avec ma mère, j’avais un peu honte de mon état, mais je faisais bonne figure en sa présence.

« Toute la classe parle de toi, et tous te souhaitent de revenir vite. Tu es devenu le sujet de discussion principal. »

« A ce propos mon chéri, j’en ai discuté avec le chirurgien, je n’ai pas encore eu le temps de te le dire. Je crois que tu ne pourras pas retourner au lycée avant la fin de l’année scolaire. »

« Mais pourquoi ? Je vais sortir d’ici quelques jours, même en marchant avec des béquilles, je pourrais prendre le bus. J’ai pas mal de retard, mais Marie – Cécile pourra m’aider en m’apportant ce que je j’ai raté. »

« Il ne s’agit pas de ça, mais de ta blessure à la tête. Il faudra quelques mois avant que la guérison ne soit définitive. Tu dois suivre un traitement à cause du petit éclat qui est resté. Je n’y peux rien, ce n’est pas moi qui décide. »

Mes parents avaient envisagé que je suive des cours par correspondance, et un étudiant viendrait régulièrement à la maison pour m’aider, ils avaient commencé à se renseigner. Le monde venait à nouveau de s’écrouler, je faisais le fier devant ma copine, mais j’ai eu envie de pleurer. Ne plus voir mes copains, ne plus aller au lycée, je sentais une boule monter de l’estomac. Maman est partie plus tôt que d’habitude, elle devait ramener Marie – Cécile chez elle, la clinique était assez loin de la ville, je suis resté seul a tourner et retourner tout ça. Enfermé, j’allais rester enfermé, ne plus voir personne, parler avec personne, jouer avec personne, j’étais en train de fermer les yeux pour imaginer tout ce que cela impliquait, je n’y arrivais pas.

J’en étais encore a réfléchir, quand l’infirmière comme à son habitude, frappe et entre en même temps, sans attendre que je réponde.

« Bonsoir jeune homme, vous avez de la chance, à partir de ce soir, vous avez droit à un dîner plus consistant, je croyais qu’on s’était trompé, je suis allé vérifier. Et surtout, pas de cachets de couleur pour cette nuit, donc c’est que vous allez bien. Je suis contente pour vous, je repasse plus tard pour le plateau. Bon appétit. »

Comme elle est entrée, elle est repartie, une tornade. Je n’ai pas souvenir avoir eu le temps de lui répondre, depuis que c’est elle qui s’occupe de me servir. J’ai redressé mon lit avec la télécommande, et j’ai ajusté la desserte ou se trouvait mon plateau repas. Il n’y avait plus de fils et tuyaux qui m’encombraient, presque tout avait été retiré, hormis une espèce de pince sur l’un de mes doigts reliée à une machine derrière moi. J’étais beaucoup plus à l’aise de mes mouvements pour manger maintenant. Ce n’était pas joli, ce n’était pas bon, mais j’avais faim, il n’est plus rien resté. J’ai regardé partout, au cas où elle se serait trompé, mais pas de pilules. Je me sens fatigué ce soir, je crois que je ne vais pas allumer la télévision, de toute façon, il n’y a pas les chaînes que je veux. J’ai repoussé le plateau, aplani le dossier, je baisse la lumière au minimum, je n’ose pas penser à mon futur solitaire, il faut que je dorme.

Un léger bruit de roulement dans le couloir dehors, le chariot des repas sans doute, je ne sais pas encore ce qu’il y a au-delà de ma porte, bientôt. J’ai les yeux fermés, j’ajuste l’oreiller à cause des pansements, je remonte les couvertures. J’ouvre les yeux, le bruit a cessé, j’ai cru entendre un grésillement venant du couloir, mais non, plus rien. Je m’y replonge, ce devait être le chariot sans doute. J’ouvre les yeux, j’ai entendu de nouveau ce même bruit, mais il s’est arrêté. J’allume la lumière, je regarde autour, je tends l’oreille, mais rien. Derrière moi, les écrans n’émettent aucuns bruits, je promène mon regard dans toute la pièce, tentant de scruter à travers les murs et la porte, rien. Je crois que je sais. Dans ma chambre à la maison, il y a quelques mois de ça, une souris s’était installé, et dès que je bougeait, elle s’arrêtait de grignoter. Maman a mis une tapette, ça a été fini le lendemain. Je vais appeler l’infirmière avec le cordon.

Elle frappe et entre, comme d’habitude.

« Je crois que j’entends une souris grignoter. Dès que j’allume, elle arrête de bouger. »

« Ce n’est pas possible, pas dans les chambres. Vous vous rendez compte, dans une clinique ? C’est sûrement dans la salle de bain, je vais voir. »

Elle a tourné partout, soulevé mes vêtements dans le placard, ouvert les tiroirs, écouté l’écran derrière moi, tendue l’oreille vers la fenêtre, mais rien, elle n’a pas trouvé de traces.

« Bonne nuit jeune homme, je retourne à l’office, mais je vais le signaler. Je reprends le plateau tant que je suis là. »

Je ne suis pas rassuré, je n’ai pas peur d’une petite souris, mais je ne suis pas rassuré. Je reprends ma position première, mais cette fois, je laisse un peu de lumière. Je me sens glisser doucement, mais la lumière me gêne, je tâtonne pour trouver la commande, et j’éteins tout. Encore, je l’entend encore, j’ouvre les yeux dans le noir, regarde la raie de lumière sous la porte, ça s’arrête de nouveau. J’allais tirer de nouveau le cordon d’appel, mais je me ravise, je ferme les yeux, pas un bruit dans le couloir. J’entends, j’entends un léger grésillement, je ne bouge pas, je suis tétanisé, je crois que je me suis endormi les poings crispés.

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