Dispute

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- Lilith ne me mens pas ! Je sais que tu caches quelque chose ! s’exclame maman Ysalis alors que j’entre dans la cuisine.

Les deux femmes se figent à mon arrivée puis tentent de balayer leur dispute en me lançant un sourire.

- Oui ma chérie ?

- Je venais faire signer les papiers de rentrée, dis-je déroutée de les avoir vus se quereller, tout va bien ?

- Oui mon p’tit démon, répond maman Lilith, ce n’est rien. Ysalis a juste passé une longue journée.

La concernée hoche la tête avec un sourire et un regard serein. Je n’ajoute rien et laisse les feuilles à remplir sur la table avant de retourner dans ma chambre, toujours troublée.

Je suis en train de m’occuper de mon rat, pensive, lorsqu’on frappe à ma porte.

- Oui ? demandais-je en refermant la cage

C’est Azazel qui apparaît derrière le battant. Elle et Dagon, son jumeau, sont vraiment insupportables. Ils ne font que des bêtises depuis tout petit. Ils ont 15 ans maintenant et je redoute les conneries qu’ils seraient capables de nous pondre… Le plus fatigant c’est leur capacité infinie à faire chier le monde et être surexcités.

- C’est l’heure du rituel, il faut que tu viennes ! s’exclame ma petite sœur

Je soupire et pose le paquet de pomme séché que je tenais. Je ne sais pas comment tous mes frères et sœurs font pour accepter ça, pour se laisser embarquer dans des croyances décalées. Je suis la seule à ne pas assumer. Les autres épousent pleinement leur étrangeté en société, même si Baël réussit à se fondre dans la masse des gens ordinaires et se permet de porter des vêtements classiques.

Je prends le temps d’enfiler ma tenue pour les rituels. Une sorte de longue robe noire aux manches larges et une ceinture rouge. Je saisis les lourds colliers aux pendentifs en pierres qui vont avec et les passes autour de mon cou. Alourdie par tout cet équipement, je rejoins le reste de ma famille. Ils sont regroupés dans une pièce au bout du couloir sombre. Les murs sont foncés ici aussi, mais recouverts à plusieurs endroits de tentures diverses parsemées de symboles. Je m’assois à leur côté, complétant ainsi le cercle. Au centre, un petit chaudron brûle des herbes. Puis un cercle en poudre noire l’entoure.

- Bien nous pouvons commencer, annonce maman Lilith, j’en appelle à la puissance du ciel.

- J’en appelle à la puissance du ciel, répétons-nous alors tandis que maman Ysalis trace des symboles à différents endroits du cercle.

- Aujourd’hui, nous célébrons…

Je n’écoute que d’une oreille son discours destiné aux êtres supérieurs, je le connais par cœur… Et puis je n’y crois pas vraiment. Le rituel se termine enfin après une heure longue comme un millénaire. Je rejoins ma chambre et m’empresse de me changer, jetant mes affaires de cérémonie en boule par terre.

Mon rat, Steve, fait claquer ses dents sur les barreaux de la cage pour attirer mon attention.

- Tu veux sortir mon gros ? dis-je en m’approchant de lui

Je lui ouvre et le prends dans mes mains. Un paquet de friandises et mon compagnon dans les bras, je m’installe sur mon lit. C’est là que débute une longue séance de dressage pour mon petit rongeur. Je lui ai déjà appris pas mal de choses, c’est fou comme c’est intelligent ces trucs-là…

Le lendemain, en arrivant devant le lycée, j’aperçois les jumeaux. Est-ce que je vais les voir ? Je ne vais pas avoir l’air trop collante ? Finalement, un signe de main de la part de Alban, et je les rejoins.

- Alors pas trop compliqué de remplir toute la paperasse ? demande-t-il avec un sourire

- Oh, dis-je, j’ai laissé faire ma maman…

- Tu as de la chance ! Nous, elle est jamais à la maison. Elle travaille trop, explique Mélissandre, ils font quoi tes parents ?

- Euh… Écrivaine et l’autre est sophrologue et acuponctrice. Oui, j’ai deux mamans, ajoutais-je précipitamment.

Mélissandre ouvre la bouche.

- C’est vrai ? Trop bien ! C’est comment ? questionne-t-elle avec enthousiasme.

Je grimace, qu’est-ce que je peux bien lui dire ? Je n’ai aucune idée de ce que serait une famille normale avec deux mamans, je ne connais que l’étrange version de ce scénario.

- Hum, je ne sais pas, qu’est-ce que tu voudrais connaître ?

Elle semble réfléchir, mais on est interrompu par la sonnerie bruyante du début des cours. C’est en plein cours d’anglais qu’on est venu nous annoncer la bonne nouvelle.

- A cause d’une formation, votre professeur de philosophie ne pourra pas donner de cours le jeudi 3 et vendredi 4 septembre.

Des exclamations enthousiastes se font entendre. On finit à midi demain.

- Une occasion parfaite pour bosser notre exposé, nan ? propose Mélissandre

J'acquiesce d'un hochement de tête. Je ne suis pas enchantée de devoir rester travailler un jour où je pourrais avoir une après-midi de libre, mais je n’oserais pas faire mauvaise figure…

Finalement, on s’est mis d’accord pour commencer à travailler chacun notre partie de son côté, avant de se rejoindre demain. C’est pourquoi je me suis installée au café avec mon ordinateur. J’aurais probablement plus la paix ici qu’à la maison. Et puis j’aime bien l’ambiance qu’il y a ici…

Alors que je finis enfin ma troisième page de recherches, quelque chose retient mon attention. Un jeune homme assis dans un angle de la pièce à une petite table non loin de là. Il m’observe… un léger sourire se dessine au coin de ses lèvres. Dans un frisson glacé, je me souviens. De sa tête, de ce qu’il a fait…

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