Chapitre 14 : Counting Stars (Compter les Étoiles)

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3 Janvier 2023, 18 h 05 sur l’île tropicale

Bae et Kevin furent pris de court par la rapide tombée de la nuit. Les dernières lueurs de jour disparurent avant qu’ils aient eu le temps de rejoindre la plage. Se retrouvant subitement dans la pénombre, ils sentirent monter le stress et surtout la fatigue, en raison des charges qu’ils transportaient.

Le chemin de retour depuis le haut du volcan de l’île s’était avérée une tâche beaucoup plus ardue que prévue. À priori, il suffisait de suivre la direction du Sud pour rejoindre le groupe sur la plage. Cependant, ils étaient là, au milieu de la végétation et sans point de repère. Wen n’était plus audible depuis des heures et l’angoisse les regagnait.

Dans le silence qui les entourait, ils réussirent à percevoir le chant des vagues et se laissèrent guider par lui pour les dernières centaines de mètres. Arrivés sur la longue plage, ils purent distinguer avec soulagement la silhouette de la cabane.

La porte était ouverte mais elle était vide. Ils entendirent la voix de Mark non loin de là, criant tous les noms d’oiseaux tout en s’affairant à une tâche peu familière : la préparation d’un feu à l’aide des pierres, de branches mortes et des feuillages secs de cocotiers qu’ils avaient pu se procurer.

  • N’est pas Wen Li qui veut ! Même s’ils sont secs, vous aurez du mal. Ramenez-moi plutôt les branches des arbustes qui sont un peu plus loin derrière ces cocotiers, demanda Bae en montrant à Mark la direction par laquelle ils venaient d’arriver. Les filles regardaient les deux expéditeurs avec soulagement.
  • Vous avez trouvé un village ? Quelqu’un pour venir nous aider ? questionna Stacey au bord de la crise d'hypoglycémie.
  • J’aimerais bien avoir trouvé des villes, des hameaux ou même une seule personne perdue dans les parages. Mais je crains que cette île volcanique ne soit complètement inhabitée et si ça se trouve, elle est aussi isolée au milieu de l'océan, à des centaines ou milliers de kilomètres à la ronde ! prédit Kevin.
  • Une île !? Nous allons mourir ici abandonnés ! s’effondra Maombi.
  • Il y a un espoir avec notre télégraphe, j’ai vu l’antenne qui doit aller avec. On devrait être capable de lancer des messages de secours à une longue distance, dit Bae pour essayer de les calmer.
  • Dans la cabane que nous avons trouvé au sommet du volcan qui domine l’île, il y a des réserves de nourriture pour des semaines ou peut-être des mois si nous savons la rationner, expliqua Kevin. Occupons nous d’une chose à la fois ! Notre sauvetage viendra quand il viendra.

Kevin et Bae prirent le temps de raconter au reste du groupe leur expédition. Mark revenait avec quelques branches pour lancer le feu et inquiet de ne pas voir Wen dans les alentours, interrogea les deux autres hommes:

  • Je croyais Wen derrière vous ?
  • Nous la pensions arrivée bien avant nous, à vrai dire, continua Bae. Elle est tombée en bas d’un ravin et fut obligée de prendre une autre route que la nôtre. Comme elle a une endurance d’amazone, nous nous sommes dits qu’elle nous avait largement doublé. Il faut dire que nous avons pris un énorme retard !
  • Et voilà, la lumière fut ! s’exclama Kevin avec joie devant la flamme que Bae venait de faire jaillir.
  • On dirait que t’es bien meilleur boy-scout que chanteur de K-pop, rigola Maombi.
  • Ne te moque pas de moi ! C'est bien à cause de toi que j’ai abandonné ma carrière dans la musique.
  • On fait quoi avec Wen ? Nous partons la chercher ? interrompit Mark. Cette fois je peux partir avec l’un de vous. Celui qui a encore un peu d’énergie pour reprendre la route.
  • Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Nous n’avons pas croisé d’animaux, mais la nuit cela peut être une autre affaire, continua Kevin. Mangeons un bout et attendons de reprendre notre souffle. Si elle ne revient pas d’ici là, on avisera.

*

Au lieu de se diriger vers la plage, Wen avait pris la route de l’emplacement de l’antenne que Bae avait aperçu depuis le haut du volcan. Elle venait d’arriver devant une solide structure en béton au pied de la structure métallique d’une centaine de mètres qui s’érigeait à ses côtés. L’homme et la femme qui avaient suivi le matin même l’arrivée du groupe sur l’île sortirent accueillir Wen. Il avait une barbe bien fournie et tous les deux avaient des traits asiatiques.

  • Votre groupe doit regagner les bunkers dès ce soir, en emportant toutes vos affaires qui sont dans le poste de communications. Mon groupe risque d’arriver ici pas plus tard que demain, leur intima Wen sans aucune forme de préliminaires.
  • Vous êtes donc Wen Li, l’envoyée de Chine et du Japon que nous attendions ? demanda l’homme.
  • Oui, répondit sèchement Wen.
  • Vous allez bien tous les six ? Nous avons failli intervenir car vous étiez à deux doigts du naufrage ce matin !
  • Tous les sept allons bien, Stacey est enceinte ! Passez le message à la Chine en urgence, car cela change la donne. Ni Muirhead, ni les gouvernements qui l’aident ne doivent l’apprendre sous aucun prétexte.
  • Nous allons essayer de faire passer l’information via notre télégraphe avant de partir.
  • Vous avez une radio et des téléphones satellitaires, pourquoi ne pas les contacter au plus vite !
  • Tous nos systèmes sont à l’arrêt. Si nous les utilisons, ces communications risqueraient d’arriver jusqu’aux oreilles de Miranda à un moment ou un autre. Le réseau qui est derrière elle est beaucoup trop puissant. Notre centre de commandement nous a informé avant votre arrivée que les Émirats, la Russie, des pays d’Amérique Latine, entre autres, sont déjà derrière elle !
  • Essayez donc avec votre télégraphe. Si ça ne marche pas, nous resterons en silence absolu jusqu’à réception de nouvelles consignes.
  • Vous passez la nuit avec nous ?
  • Sans façon ! Je dois rentrer en vitesse car ils sont capables de partir à ma recherche au beau milieu de la nuit.

*

Deux heures plus tard, sur la plage, le groupe avait fini de manger et Kevin avait un peu récupéré de toutes les heures de marche. Les pieds de Bae étaient couverts d’ampoules, ce qui l’excluait d’office du groupe de recherches.

  • Tous les deux, vous pouvez rester vous reposer, dit Maombi. Je peux partir avec Mark. Le jour je suis trop ébloui par la lumière mais la nuit ma vue est bien meilleure, je suis un vrai oiseau de nuit ! les rassura la jeune mannequin.
  • Il y a à peine quelques heures, tu avais de fortes migraines, ce serait imprudent de te laisser partir comme ça ! protesta Stacey qui comprenait très bien ce que Maombi traversait après le souvenir qui lui était revenu plus tôt.
  • Pas d’inquiétude, je suis là ! annonça Wen qui surgit des bois en sueur.
  • Wen, tu nous a fait une de ces peurs ! Où étais-tu passée ? demanda Maombi soulagée.
  • Je me suis perdue et ma cheville me faisait un peu mal après ma chute de cet après-midi.
  • Laissez-moi regarder votre cheville, dit Kevin pendant qu’il s’affairait déjà à l'auscultation de Wen.

Après l’avoir examinée, Kevin remarqua que la cheville de Wen était intacte et qu’elle n’avait la moindre égratignure après la chute qu’elle avait faite plus tôt.

  • Wen, vous êtes comme neuve ! plus de peur que de mal.
  • J’ai eu de la chance en effet, après tout ce que j’ai traversé.

Kevin sentit le loup dans la situation mais essaya de garder son naturel, malgré les mensonges que Wen venait visiblement de raconter. Elle par contre, faisait preuve d’une aisance surprenante dans l'exercice de déguiser la vérité.

Cette fois, Mark et Bae avait aussi décelé que quelque chose clochait, mais personne n'osa lancer la moindre suspicion devant le groupe.

Maombi venait de s’endormir, pleine d’insouciance. Elle était la seule.

***

4 Janvier 2023, 9 h 30 de Paris

D’habitude bon dormeur, Caleb venait de passer l’une des nuits les plus effroyables de sa vie, en raison de la fatigue, du décalage horaire et de la nouvelle sur la vérité de son père biologique. Quand il pénétra dans le salon après son réveil, Bertha et Cécile étaient assises devant le téléphone à clapet et débattaient sur la démarche à suivre.

  • Bonjour Caleb ! La nuit a été reposante ? Hier soir, je suis passé te chercher pour le dîner mais tu étais déjà assommé par la fatigue, dit Bertha en le voyant rentrer dans la pièce.
  • Bonjour Maman, tante Cécilia ! Oui, j’ai dû tomber comme une masse après tant de mauvaises surprises ces derniers jours.

Cécile s'apprêtait aussi à intervenir lorsque le téléphone de Feñch se mit à vibrer.

  • On fait quoi maintenant !? dit Bertha, angoissée.
  • Ben, il faut répondre Maman ! C’est peut-être les complices d’oncle Feñch, il faut leur dire qu’il a été capturé par la police et qu’ils seront les prochains !

Cécile se décida et décrocha le téléphone en mode haut-parleur sous le regard inquiet de Bertha et Caleb.

  • Bonjour, dit Cécile dubitative.
  • Bonjour Madame Caradec, c’est le Capitaine Odile Bichon. Je me suis dit que vous deviez avoir le téléphone de votre mari. Vous savez maintenant que votre mari est mouillé dans une affaire tentaculaire, mais il n’est pas détenu à la Police Judiciaire parisienne. Retrouvez-moi au plus vite au siège de QuickLook pour voir Ian Muirhead et votre sœur. Ce sont les seuls qui pourront vous aider à le libérer.
  • Quel est le rapport entre QuickLook, ma sœur et son compagnon dans cette histoire ? Il a quand même un avis de recherche d’Interpol. Les médias parlent sans arrêt de son implication et il est l'ennemi mondial numéro un à l'heure qu’il est ! Même si Ian est puissant, je ne vois pas comment il va nous aider s’il est coupable.
  • Précisément, c’est Ian Muirhead qui retient votre mari au siège de QuickLook ! lança la policière.

Ces nouvelles troublantes firent l’effet d’une douche froide pour les deux femmes. Caleb écoutait attentivement la discussion, mais les messages échangés avec Miranda la veille lui donnaient un coup d’avance sur sa mère et sa tante. La capitaine Bichon était dans l’appartement de son père le soir de Noël. Elle était impliquée d’une façon ou d’une autre dans toute cette affaire et cela avait certainement un rapport avec au moins sa disparition, sinon celle de tous les autres.

Il prit son téléphone et envoya un message sur Signal à Miranda : “La Capitaine Bichon demanda à ma mère et tante Cécilia de venir avec elle au siège de QuickLook”. La réponse ne se fit pas attendre : “Elle est avec nous. Vas-y avec elles. Dis leur que c’est le seul moyen de faire éclater la vérité et que c’est moi qui te l’ai dit ! ”

Jusqu’ici silencieux, Caleb interrompit la conversation des trois femmes, pour annoncer :

  • Miranda veut que nous partions tous les trois vous retrouver, Capitaine Bichon. Nous partons de ce pas.
  • Miranda et toi ? Quand as-tu été en contact avec ta sœur ? reprocha Bertha.
  • J’ai échangé quelques messages avec elle depuis hier soir. Il ne faut pas perdre de temps.
  • Dites à votre sœur qu’il ne faut absolument pas qu’elle vienne ! Elle doit rester cachée ou tout cela n’aura servi à rien, lança la policière.
  • Il va falloir que quelqu’un m’explique tout ce bordel, et sur le champ ! décréta Bertha.
  • Pas le temps Maman, je n’en sais pas beaucoup plus que toi, sinon que nous devons faire confiance au Capitaine Bichon et que nous devons partir maintenant !
  • Votre fils a raison. Notre fenêtre d’action se referme. Feñch est le seul qui peut nous aider à sortir de ce bourbier, mais il faut le libérer avant. Je vous attends devant l’entrée M du siège de QuickLook.

Ils se dirigent vers la voiture et partirent à toute vitesse vers le point de rendez-vous.

*

Dès la fin de son appel avec Cécile Caradec, Odile Bichon composa le numéro de Diane Letailleur. Lorsque celle-ci décrocha, Bichon la mitrailla sans lui laisser le temps des salutations.

  • Diane, il est temps pour vous de jouer le rôle que vous étiez appelée à jouer dans “notre” Opération Pandore. Vous êtes arrivée au point de non retour. Il faut choisir entre votre compagnon Ian ou la fidélité envers votre famille, vos neveux et le futur de la planète.
  • Mon choix est fait depuis longtemps. Ian est allé beaucoup trop loin. Mais avant tout, il faut que je vous dise quelque chose. Les Chinois viennent de me donner une information qui risque de tout chambouler. Stacey Brookhart est enceinte et vous savez aussi bien que moi qui est le père.
  • Oui, Feñch suspectait la grossesse. C’est pour cela qu’il a fait entrer Mark Lopez au manoir. On ne pouvait pas faire entièrement confiance à Wen pour assurer sa protection. Mark laissera sa peau pour elle si besoin, il faut la protéger à tout prix !
  • Ma sœur Cécile, par contre, aura le cœur déchiré quand elle apprendra pour Stacey et encore pire pour sa grossesse.
  • Précisement, votre sœur, Bertha et Caleb sont en route pour voir Ian. Vous devez me faire entrer car je dois parler à Feñch sans délai. Miranda et lui sont les seuls à pouvoir mettre à bas l’Opération Pandore telle qu’ imaginée par Ian.
  • Vous m’enverrez un message quand vous serez devant la porte où Feñch est enfermé, je vous l’ouvrirai à distance. Ian ne doit pas se méfier de moi. Je serai à ce moment-là en train de discuter avec Bertha, Cécile dans le bureau d’Ian. Laissez Caleb en dehors du bâtiment, c’est beaucoup trop dangereux. Nous risquons dorénavant tous notre vie. Ian est capable de tout pour faire aboutir son plan infernal.

***

“And I don’t think the world is sold

I’m just doing what we we’re told

And I… feel something wrong

Doing the right thing …”

[“... Et je ne pense pas que le monde soit vendu

Je fais juste ce qu’on nous a dit

Et je sens quelque chose de si mauvais

En faisant les bonnes choses …”]

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